Histoire des Chartrons

 

 

 

 

Les concours hippiques

 

 

Le concours hippique est, sur les Quinconces, le rendez-vous du tout-Bordeaux élégant passionné de cheval

 et de mondanités20.

 

Le concours hippique s'installait tous les ans, en février, au milieu de l'esplanade des Quinconces.

On amenait des tonnes de sable pour recouvrir le sol très dur et de chaque côté de la place s'étendaient de longues tribunes en amphithéâtre, derrière les tribunes se trouvaient les écuries ; au fond, près des colonnes rostrales, l'entrée des cavaliers. Le tout étant ceinturé d'une palissade en bois empêchant l'accès autrement que par les portes officielles et rendant impossible la vue des épreuves de l'extérieur.

Le concours en plein air, à cette période de l'année, était souvent perturbé par la pluie et le terrain devenait vite boueux et glissant par endroits.

Le cinquantenaire du concours hippique a brillé d'un vif éclat, et il restera dans le souvenir des Bordelais.

Voici les membres du jury faisant partie des diverses commissions qui ont eu à recevoir, à examiner, à classer les chevaux et à distribuer les récompenses :

Le marquis de la Garue ; le baron de Lamothe ; le marquis du Vivier, le carreau à l'œil, point de mire de toutes les lorgnettes ; Octave Manset ; le vicomte de Curzay ; le vicomte de Verduzan ; M. de Ligny, directeur du dépôt d'étalons de Libourne ; M. de la Soura, commandant le dépôt de remonte de Mérignac ; MM. Louis Bucique, Henri Dupuy, Daniel Guestier et sa barbe blanche ; le comte Jehan de Lastic Saint-Jal ; M. de Sevin, inspecteur général des haras du 4e arrondissement ; le colonel Pichon-Vendeuil, commandant la 2e circonscription de remonte ; M. J. Mareilhac de Nartigue ; le comte de Marcellus ; le comte de Montbron ; MM. Gustave Chapon, E. de Trincaud La Tour et Joseph Da­made ; le baron de Dampierre ; le colonel baron Hoquetis ; MM. Daniel Lacoste et Marceron, directeur du dépôt d'étalons de Pau ; M. Roger de Vallandé ; le marquis de Villeneuve ; M. Vincent, directeur du dépôt d'étalons de Tarbes; le marquis de Palaminy ; MM. Gustave Gounouilhou, René Samazeuilh, Henri Allard, Jean Castéja ; le lieutenant-colonel de Heine, chef du service régional de l'Instruction publique.

Joseph Damade est spécialement chargé du jury des obstacles, car à cette époque, suivant qu'un obstacle était renversé par un membre antérieur ou postérieur du cheval, le nombre de points n'était pas le même. Il fallait donc qu'un juge se trouvât sur la piste, auprès des barres pour noter les fautes sur une fiche qu'un planton militaire, debout à côté de lui, allait apporter au jury en courant après chaque parcours. Comme le terrain était souvent boueux, mon cousin, Pierre Damade, se rappelle que son grand-père chaussait des "caoutchoucs" par-dessus ses souliers. Avec sa barbe blanche et son chapeau melon, il était une des silhouettes favorites des caricaturistes.

Sem a laissé sur ce concours des albums entiers où il a croqué toute l'aristocratie bordelaise.

Suivant l'usage, les gentlemen et les officiers ont fait alterner leurs prouesses, et les amazones sont venues, dans leur épreuve propre et dans les prix couplés, démontrer la supériorité de la grâce féminine.

Mme R.C. Samazeuilh a été la triomphatrice du meeting, classant ses chevaux aux meilleures places avec une aisance incomparable. Yvonne de Lacroix, qui est la grâce même, lui tint vaillamment tête et ne s'inclina qu'après un deuxième barrage excessivement sévère. La plus belle était Martha Auschitzky, montant en amazone, superbe et très efficace sur les obstacles.

Nous aurions été surpris de ne pas voir M. de Royer, un petit monsieur à cheveux blancs, en tête des gentlemen : le maître cavalier a remporté le prix des Dames, série supérieure. Dans le prix des Quinconces Roger Boucaud obtint les mêmes honneurs. Pendant que la série sans surcharge donnait lieu à un triple ex æquo.

Le prix des Six-Barres a été fort goûté. Malgré de terribles difficultés, dix concurrents exécutèrent correctement ce tour de force. Il fallut un barrage avec les barres à 1m 40 pour désigner le vainqueur. L'objet d'art offert par « La Petite Gironde » revint à M. Calvé, juste récompense de son adresse et de sa vigueur.

Jacques Dogny fut le meilleur cavalier de concours hippique de sa génération. Il gagna la coupe de Paris au Grand-Palais, en 1932, avec le cheval Flavian. Gérard du Vivier et Jac­ques Maurel étaient excellents. Comme aussi le lieutenant Boucaud, le comte d'Auber de Peyrelongue, cavalier international qui acheta le cheval de Jacques Dogny. Sans oublier le capitaine Bizard et son monocle ; le chevalier de Jonghe, spécialiste des épreuves de puissance sur sa jument Nuit de Chine et Christian de Castries (le futur défenseur de Diên Biên Phu), recordman du monde en hauteur et largeur.

 

 

Henri de Vallandé

 

Chez les juniors, Kiki Carène était de loin le meilleur, avec Éric Schÿler, mais Jacques Douat, Edouard Cruse et Jacques Mauriac se distinguaient aussi.

Le dimanche, après les épreuves d'obstacles, se déroula une partie de polo - indoor polo - où l'équipe Bertran de Balanda se distingua contre l'équipe van der Heiden.

Le tout Bordeaux se pressait au concours hippique malgré la pluie. Les tribunes étaient couvertes et il était de bon ton de s'y faire voir.

Jacques Le Tanneur, dans sa chronique mondaine dit qu'il a rencontré, outre mes grands-parents venus applaudir leur fille, Mmes Robert Dalléas, Chaigneau, Gabriel Delmas, Lanoire, Louis Delmas, G. Gounouilhou, Dubos, Eiffel, Gabriel Loste, Edmond Baumaine, Albert Thomas, Boquien, H. le Coq de Ker­land, O'Quin, de la Roche-Nambaud, baronne de Béchade, Auguste Journu, Adam, Segrestaa, Bédouret, Blanchy, Paul Devès, Henri Loste, Martha Ballande, Servan, Maxwell, Chapon, Audinet, Roger Achard, Andérodias, Barrès, de Rivoire, Vézia, Cruse, Schÿler, Lawton, Ferrière, Gonfreville, Flouch, W. Loste, Chabaneau, de Laage, van der Land, Papin, Tardieu, de Clouet, de Luze, Blanchard, de Ségur, P. Laborde, Samazeuilh, Mareilhac, etc.

Melles Dupré, Eiffel, de Sangronitz, de Montauzon, de Béchade, Salles, etc.

MM de la Roche-Nambaud, Hériard, Claverie, Henri le Coq de Kerland, Jean Servan, Henri de Vallandé, René et Gabriel Loste, Jules Teyssonneau, Blanchard, Edmond Baumaine, Gustave Gounouilhou, Émile de Trincaud-Latour, le marquis du Vivier, le vicomte de Verduzan, le baron de Lamothe, le docteur Andérodias, Samazeuilh, E. du Vivier, Le Quellec Peyrelongue, Soula, le docteur Bordes, Allard, les docteurs Damade et Lacouture, le marquis de La Garde, de Curzay, Mareilhac, Descas, de Lastic Saint-Jal, G. Chapon XE "CHAPON Gustave" , Journu, Clavé, Boquien, Dogny, Buhan, Lacoste, Denis, Audinet, etc.

« La Vie Bordelaise » raconte : « Quel ravissant coup d'œil présentent les tribunes bondées de monde ! Toutes nos jolies mondaines ont fait assaut de bon goût et d'élégance. A six heures, c'est la sortie, une triple haie de curieux est maintenue par deux gardes municipaux. Madame sort en relevant la tête et en exhibant avec un certain orgueil sa carte d'abonnée suspendue à un fil de soie noire. Monsieur montre aussi sa carte émergeant de son gilet et passe fièrement, son monocle à l'œil ».

Depuis 1974, grâce au Président Chaban-Delmas, le concours hippique de Bordeaux a lieu au Stadium de Bordeaux, les 4, 5 et 6 décembre, en après-midi et nocturnes. Le concours est international et fait partie de la Coupe du Monde. Les meilleurs cavaliers mondiaux y participent. Le marquis du Vivier en est le président.

 

Pblié dans

 le 26 juillet 1993.


 

20 - Extrait de «  La belle époque de Bordeaux. Mémoire du quotidien ». Albert Rèche. Ed. Sud Ouest 1991.