Histoire des Chartrons

 

 

 

 

La pensionnaire de l'Assomption

 

 

L'Institution du Parc, à cette époque, c'était une longue façade sur le boulevard Wilson, de vastes bâtiments clairs et aérés, un grand parc, beaucoup d'espace. Le jardin privé des religieuses près du cloître et le potager que nous ne traversions que pour la procession de la Fête Dieu. Ce sont aussi les nombreux terrains de jeux partagés entre les "petites", les "moyennes" et les "grandes".

Je me souviens de quelques "grandes" : les jumelles Tardieu et leur cousine Antoinette ; Jacqueline et Annie Damade ou Ghislaine et Annick de Kerros. Elles nous initiaient aux règles du volley-ball. Nous faisions beaucoup de sport.

L'Assomption, était une grande famille : dans un climat d'amitié, de sérénité, de discipline, de travail, de jeux et de prières, vivaient ensemble les élèves, des professeurs laïques, des sœurs dévouées au bon fonctionnement matériel de la maison, et des mères attentives à notre éducation, à nos études comme à nos bonnes manières.

Les nombreuses religieuses, interdites du port de leurs habits religieux, étaient alors sécularisées. Nous les appelions « Madame ». Nous les aimions beaucoup, tout spécialement notre responsable de classe pour laquelle nous avions une véritable adoration. Chaque soir, après la prière et avant de monter au dortoir, elle nous faisait une petite croix sur le front. Nous ne pensions pas pouvoir dormir sans cette bénédiction et nous essayions de passer une deuxième fois devant elle pour en avoir une autre...

L'Assomption ?

De longs couloirs faits pour des glissades interdites. Au rez-de-chaussée étaient alignés les casiers des caoutchoucs que l'on mettait par-dessus nos souliers pour courir dans la boue des cours de récréation et ne pas salir ensuite les parquets cirés des salles de cours.

De grandes salles pour 100-120 élèves en étude avec une surveillante, haut perchée sur une estrade, devant laquelle on ne devait passer sans faire la révérence. Chaque semaine se déroulait ici la cérémonieuse lecture des notes.

Un grand escalier en bois ciré qui donnait accès aux dortoirs : le petit, avec ses rideaux blancs, et le grand, avec de nombreux boxes, doubles pour les sœurs. Chacune ayant son lavabo avec eau chaude et froide : Tout le confort ! Premier réveil matinal pour la messe non obligatoire de sept heures, et deuxième réveil plus tardif.

Un grand réfectoire et ses longues tables avec des nappes. Il fallait écouter, dans le silence et la bonne tenue, la lecture faite par Solange le Barazer ou Madeleine Domec. Permission de parler les jours de fête, marqués également par la traditionnelle tourte, célèbre et appétissante pâtisserie dont l'Assomption garde la recette.

Silence obligatoire dans les couloirs et pour traverser la "clôture" (partie réservée aux religieuses) puis le cloître donnant accès à la chapelle. Grande et belle chapelle ; très beaux chants animés par la chorale ; multitude de voiles blancs. Pas question d'avoir la tête découverte pour la messe ou la bénédiction du Saint-Sacrement !

 

Je me souviens dans une atmosphère feutrée de silence et de mystère, toutes portes fermées sur l'extérieur, des belles cérémonies des vœux de nos mères. Nous les admirions, revêtues d'amples robes violet-prune, voile blanc, long manteau blanc les enveloppant jusqu'aux pieds.

Au sous-sol : les grandes salles pour les jours de pluie. Récréations et gymnastique avec Monsieur Chausse, sous la garde d'une surveillante. Tenue obligatoire : short aux genoux et petite jupe. Nous faisions aussi de la gymnastique rythmique. Puis encore des petites salles pour le piano ; leçons avec Madame Dutrenit ou sa fille.

Il y avait encore la salle des fêtes, là bas dans le jardin. Nous y avons applaudi Madeleine Monier, Mimi de Raquine, Odile, Monique et Régine de Sèze et tant d'autres.

Parmi mes compagnes de classe, beaucoup étaient issues de familles nombreuses : la tribut des cinq sœurs Boquien, de leurs cousines Jacqueline et Huguette de Tournemire ; Nicole Célérier ; Marie-Josèphe, Christine, Françoise et Bernadette de Luzan dont nous avions souvent l'occasion de voir la tante à Agen. Il y avait aussi des Peyrelongue, des Teisseire, des Brousse, les trois sœurs Blondel...

Le dimanche matin, jour de sortie, point d'uniforme (jupe et corsage bleu marine, col blanc) : nous quittions l'Assomption. Anne-Marie et moi, avec Sabine, Françoise et Marie Diesse, et quelquefois Manette Blanchy. Nous prenions, à pied, le chemin des écoliers pour faire route vers les Chartrons, vers la grande et superbe maison de ma grand-mère Bonifas.

Les jeunes de Tivoli venaient chercher leur sœur à la sortie des classes. Ils servaient de chaperon.

Je garde un souvenir particulier des nombreuses Espagnoles de Saint-Sébastien et autres lieux, avec leur longue robe noire et col blanc. Il y en avait de très jeunes. Elles ne sortaient jamais et ne quittaient pas leur uniforme.

Enfin, l'Assomption, c'est aussi la récréation du soir, avec la traditionnelle ronde et l'immuable chant : « Allons vite au jeu et commençons la ronde... Tous nos soucis seront bientôt finis... Assomption de mes amours, je t'aimerai toujours... ». Vous en souvenez-vous ? Jacqueline, Marie, Hélène Lemaignan, et vous aussi les cinq sœurs Ardant de Limoges ?

Je ne peux terminer ce retour dans notre adolescence sans évoquer les visages et les noms de mes amies Colette Defontaine, Bernadette Béguerie et Odette Teisseire qui ont pris l'ha­bit des religieuses ou des Petites Sœurs de l'Assomption.

© Madeleine Amiet

 

publié dans

 le 27 Juillet 1993.

Notre chronique est affichée depuis cette date dans le hall d'accueil de l'Assomption.