L’Équipage de Saint-Raphaël
Un long et noble usage rattache Saint-Raphaël à la vénerie française. Sur ses landes et celles d'Avensan coururent, pendant des siècles, les meutes du marquis de Donissan, dont la demeure était le château Citran, en beau Médoc et le chenil au hameau de Romefort. Solide noblesse terrienne bien enracinée qui n'émigra point et qu'épargna la Révolution. Mais à peine hors de péril, un autre dam lui advint : elle tomba en quenouille et l'héritière du dernier marquis, qui devint la Marquise de Lescure, puis en secondes noces, Madame de la Rochejaquelein, ne garda pas Citran. En 1830, terre et château furent livrés au hasard d'une vente. Le hasard leur fut favorable.
L'acquéreur, M. Clauzel, débarquait des Antilles. Il comprit qu'une haute tradition restait attachée au domaine et qu'avec celui-ci il recevait la charge de celle-là. Cette bonne fortune lui permit de trouver sur place une race de piqueux, les Branas, qui étaient de longue date fixés sur la terre de Citran.
Le chenil fut transféré à Saint-Raphaël et trois générations de Clauzel dirigèrent l’Équipage nouveau, qui était le lièvre. Lorsqu'en 1884 ils se décidèrent à le céder, ce fut sur place, à des mains amies et expertes.
A une demie-lieue du château Citran, le château Paveil avait abrité l'enfance d'Alfred de Luze. Je viens de nommer un des patriarches de la vénerie. Cinquante ans durant, de 1884 à 1934, il dirigea l’Équipage que lui passèrent les Clauzel.
Il débuta avec l'aide d'Henri Cruse et René Clauzel. Le chenil émigra de Saint-Raphaël à Salaunes. La meute était composée de gascons-saintongeois, servie à cheval par Branas et son fils Simon, à pied par un valet de limiers ; elle restait créancée sur le lièvre, avec quelques chevreuils et, en fin de saison, le renard. Le terrain de chasse environnait Salaunes.
Puis Alfred de Luze eut l'occasion, à la mise bas de l’Équipage de Marcheprime (qui avait eu successivement pour maîtres le Marquis du Vivier, le Baron 0berkampf et Monsieur Larrieu), de prendre ce territoire qui s'ajouta à celui de Salaunes. Puis il gagna les propriétés de M. Wallerstein. Les chenils furent installés à Marcheprime. Sur ces parcours agrandis, l’Équipage trouva assez de chevreuils pour s'y spécialiser. Les gascons-saintongeois manquant de train, Alfred de Luze commença à se remonter en Loire Inférieure, par des achats annuels dans le célèbre élevage Lévesque. Il entretenait à l'époque une soixantaine de chiens et huit chevaux : la moyenne de prise était d'environ vingt-quatre chevreuils par saison. Cela dura de 1898 à 1914. A ce moment, le grand drame s'ouvrit. L'Équipage y sombra tout entier.
En 1919, date des résurrections, Alfred de Luze, aidé, comme à ses débuts par quelques amis, remit sur pied. Cette fois il chercha à se remonter en Anjou au chenil du Comte Geoffroy d'Andigné et c'est avec des poitevins de cette provenance, qu'il chassera dans le domaine de Marcheprime, poussant quelques déplacements à Arès.
La tenue était bleue, col et poches amarantes, le gilet amarante sans galon de vénerie, la culotte beige, bottes de vénerie et bas blancs.
Le bouton porte une trompe de chasse soulignée du nom "Saint-Raphaël" et surmonté d'une étoile.
Fanfare : La Saint-Raphaël.
Vers 1905, le vieux Branas a dû prendre sa retraite et passer son service à son fils Simon. Le second piqueux. Auguste, fut tué au front et son successeur d'après guerre devint l'excellent piqueux Maurice Lartigau dit "La Broussaille".
En 1927, les chenils furent transportés de Marcheprime à Croix-d'Hins et ils y restèrent jusqu'en 1939.
Quel que soit le temps, entre onze heures et midi, on essaye de lancer : pays de pinèdes claires, de hautes brandes broussailleuses, sol aux lumières profondes assorties aux clartés du jour, fûts roses des pins où saigne la gomme, effluves salées venues d'Arcachon et du large. Ici il est prudent de chasser au trot, flairant les trous et les fossés couverts. Les chevaux d'ailleurs au prix de quelques culbutes indulgentes, s'habituent à les éventer le nez vers la terre comme des limiers à la voie.
Ainsi passe, ainsi passait le gros des chasseurs enfoncés jusqu'aux jarrets dans les herbes sèches d'où l'on voit émerger en houles rapides les bondissements de la meute, profilés sur les sapinières basses ou bien égaillés à la recherche d'un passage aux gros fossés d'écoulement : forts obstacles, rarement sautables que l'on ne franchit guère que grâce à quelques éboulements de leurs bords. Ai-je à vous dire qu'à ceux qui veulent n'en rien perdre, suivre le travail des chiens, relever les doubles voies simplement ne pas s'égarer, une parfaite connaissance du pays est indispensable. Et que suivant les lois de la géographie humaine, un tel terroir n'admet et ne façonne que des veneurs éprouvés, convaincus, tel que le souhaitait leur ami, Alfred de Luze. Très peu de trompe et seulement par les piqueux, le plus possible, on laisse faire les chiens.
Et voici au cours des années : MM Marcellin, René et Georges Clauzel, Maurice de Luze, Georges Guestier, Henri Cruse, Armand Lalande, Miquel de Lasa, Daniel Lacoste, Joseph Maurel, Charles Faure, de Juge, Henri et François de Juge Montespieu, Comte et comtesse Wrangel, baron Henri de Nivière, Francis de Luze, docteur Dupuy, Edouard de Luze, baron d'Abbadie, Edmond Cuzol, vicomte et vicomtesse de La Mettrie, M. et Mme Charles Bégouen, René de Bethmann, René Loste, M. et Mme Gustave Chapon, M. et Mme Michel Chapon, M. et Mme Schÿler, M. et Mme Jean Cruse, M et Mme Emmanuel Cruse, M. et Mme Herman Cruse, Christian et Edouard Cruse, Émile Calvet, le Professeur Mauriac, Georges et Henri Lacoste, Yvonne Lacoste, M. et Mme Teyssonneau.
Alfred de Luze meurt en 1943. Neuf ans avant sa mort, il abandonne la direction de l’Équipage et donne le fouet à son neveu Jean Cruse.
Jean Cruse a été maître d’Équipage de Saint-Raphaël jusqu'à sa mort en 1979. Il sert ses chiens lui-même aidé par un homme monté, "La Broussaille".
Jusqu'à la guerre, l’Équipage continue comme précédemment à chasser à Marcheprime mais fit deux déplacements en Braconne et au Pas-des-Chaumes chez M. Maurice Hennessy.
L’Équipage est composé de cinquante anglos-français tricolores, sa remonte se fait par l'élevage.
Tenue : bleue à parements amarante sans galon de vénerie.
Bouton : Une trompe surmontée d'une étoile, légende "Saint-Raphaël".
Fanfare : La Saint-Raphaël, le Rallye-Camionnette.
Ont le bouton : André Ballande, Mme Jacques Calvet, M. et Mme Michel Chapon, M. et Mme Edouard Cruse, Francis Cruse, Lionel Cruse, Roland Cruse, M. et Mme Daniel Jubert, Marquis de Royère, M. et Mme Pierre Sarthou, M. et Mme Marc Schÿler, M. et Mme Guy Tesseron, Cte et Ctesse de Villeneuve, Melle de Villeneuve, Denise Cruse, Gérard Cruse.
Après la guerre l’Équipage de Saint-Raphaël découple avec le Rallye Merrein dont le maître d’Équipage est Monsieur Roger Coutures, dans les Landes girondines : trois mois à Marcheprime, trois mois à Préchac.
Les deux équipages se séparent en 1968 et depuis cette époque le déplacement à Préchac a été remplacé par le Chassé d'Argelouse où M. et Mme Henri-François Cruse possèdent des propriétés et des amis qui invitent l’Équipage. Quelques courts déplacements ont lieu tous les ans chez le Comte L. de Villeneuve à Grenade (ancien territoire de Virelade du Baron de Carayon Latour, grand-père de l'actuel propriétaire) et sur invitation.
Jean Cruse continua à servir ses chiens lui-même, aidé par un homme monté, Donatien Lanave, dont les qualités d'éleveur et de soignant, sa connaissance de la lande, ont beaucoup contribué au succès de l’Équipage de 1945 à 1973. Il est remplacé par Gérard Goubelet dit "Genêt" qui était rentré au Saint-Raphaël en 1967.
Depuis la mort accidentelle de Jean Cruse, survenue le 5 juin 1979, le fouet a été repris par Henri-François Cruse, son fils. Comme son père il servait les chiens lui-même aidé de "Genêt". La meute se composait de soixante anglo-français tricolores dont la remonte se faisant par l'élevage.
Toujours la même tenue et le même bouton.
Fanfares : La Saint-Raphaël, le Rallye-Camionnette et l'Argelouse.
Bouton : Mme Louis Ballande, M. et Mme Arnaud Bellamy-Brown, M. et Mme Berges, Mme Jean Biraben, Pierre Biraben, Mme Jacques Calvet, M. et Mme Carrus, Henri de Cerval, M. et Mme Jean de Cerval, Mme Michel Chapon, M. et Mme Edouard Cruse, Mme Herman Cruse, Mme Jean Cruse, Violaine, Marie-Caroline, Armelle, Myriam et Christiane Cruse, M. et Mme Olivier Droin, Olivia Droin, Stanislas Droin, le Général et Mme Gilliot, Cyrille Jubert, Daniel Jubert, Jean-Pierre Lemaigre-Dubreuil, Cte et Ctesse de Malet-Roquefort, Bérangère de Malet-Roquefort, Guillaume de Malet-Roquefort, Marquis de Royère, M. et Mme Gilles Sarthou, M. et Mme Pierre Sarthou, Richard Sarthou, Mme Marc Schÿler, M. et Mme Pierre Tari, Guillaume et Benoît Tari, M. et Mme Guy Tesseron, M. et Mme Jacques Tournier, Mme Edouard de Vaugelas, Cte et Ctesse L. de Villeneuve, Melles de Villeneuve, Françoise de Villeneuve, Henri de Villeneuve, François de Villeneuve, le Colonel et Mme Guy Vonderheyden.
Voilà l'histoire de ce vieil équipage qui mit bas le 31 mars 1989 après une magnifique dernière saison où avec peu de chiens, presque tous de change, on sonna dix huit fois l'hallali, après de très belles chasses. Henri-François Cruse, dernier maître d’équipage de l’Équipage Saint-Raphaël, est mort, après quelques jours de grave maladie, le 28 novembre 1992.
© Nicole Tesseron