Sommaire

 

 

 

Nous devons tout d’abord attirer votre attention sur les difficultés qu’ont rencontrées les chercheurs lettons pour retrouver nos racines courlandaises.

 

En effet, ils ne disposent pas encore d’instruments de travail qui correspondent à l’état nouveau des technologies de l’information et de la communication.

 

Dans ce pays ami, les généalogistes doivent encore retirer des étagères tous les registres qui pourraient les intéresser (notamment les livres d’église) et les lire ligne après ligne jusqu’à ce qu’ils trouvent (ou ne trouvent pas) le nom recherché. C’est un travail épuisant, d’autant plus qu’ils se heurtent à une autre difficulté majeure :

 

Le 15 février 1988 à Léningrad, un demi-million de livres anciens brûlèrent dans l’incendie de l’Académie des Sciences de l’URSS. Fondée par Pierre le Grand en 1714, la bibliothèque de l’Académie contenait six millions de titres, en particulier « le fonds Baer », les archives de Courlande et des Radziwill. L’incendie a éclaté deux heures après la fermeture et n’a pas fait de victimes. Un nouveau système anti-incendie devait être installé, l’ancien système avait été démonté. Les livres qui n’ont pas brûlé ont été abîmés par l’eau. Les bulldozers devant dégager les ruines, des volontaires se sont interposés pour trier à la main et sauver ainsi quelques livres de ce « Tchernobyl » culturel. Parmi les archives détruites de la Courlande, on peu imaginer que les nôtres ont disparues... encore un peu de la mémoire qui bascula dans le néant !

 

Ceci étant précisé, aussi lacunaires que soient les indices disponibles, ce chapitre et ceux qui vont suivre n’en mettent pas moins en évidence qu’en histoire sociale les couches dominantes de la population ont laissé davantage de traces écrites et sont plus faciles à étudier que le petit peuple. Nous commencerons par l’ancêtre amtmann.

 

 

L’AMTMANN (ou AMTSERWALTER) SAMUEL AUSCHITZKY

 

 

C’est un notable. Au début de l’enquête, nous avions traduit amtmann par « conseiller de la ville, magistrat ou bailli ». Mais le petit bourg de Popen, aujourd’hui Pope, 56 foyers à l’époque, était alors englobé dans un immense domaine. Nous avons imaginé qu’il pouvait en être l’intendant. Aujourd’hui c’est une certitude car le titre complémentaire d’amtsverwalter, connu plus tard, signifie « administrateur ».

 

Nous ignorons le nom de sa femme, leurs dates et lieux de naissance et de décès. Pour le moment nous n’avons pas pu reconstituer leurs ascendances. Et son prénom « Samuel », en fait, nécessiterait d’autres recherches.

 

Notre généalogiste a compulsé les archives historiques (malheureusement incomplètes) de Pope et de Krote mais elle n’y retrouve pas de documents mentionnant ses activités.

 

Alors, pour le moment, notre généalogiste étudie, à RÌga, toutes les archives de la famille von Behr: approximativement deux cents dossiers renfermant des milliers de pages écrites dans un vieil idiome en usage en Courlande aux siècles derniers. Malheureusement elle n’y a pas encore trouvé d’autres informations au sujet de Samuel Auschitzky, qui tout d’abord, fut l’administrateur du domaine de Popen (Pope), ensuite l’administrateur de Krothen (Krote).

 

Un fait intéressant cependant : dans la deuxième partie du XVIIIe  siècle, le domaine de Popen, aussi bien que le domaine de Krothen appartenaient au même propriétaire : le ‘Piltenschen landrat’ Ulrich-Johann von Behr. Le domaine de Krothen faisant partie de la paroisse de Nord-Durben (Ziemeldurbe).

 

En étudiant les registres de cette paroisse, notre généalogiste a trouvé, le 4 mai 1777, une information au sujet de la belle-fille de Samuel Auschitzky. Anna Elisabeth Delicas, mais dans ce dit livre, l’entrée a été rayée. Ce document est très important, car c’est la première fois que nous retrouvons le prénom de notre aïeule, de plus il prouve qu’à cette date il était bien l’administrateur de Krothen, mais plus celui de Popen.

 

Nous savions, par d’autres documents,  qu’il avait quitté Popen en 1775 où il avait été remplacé par un amtmann s’appelant Burkewitz. Cette fois-ci, nous en avons la certitude.

 

A Krothen naîtra, en 1779, Johann. L’acte précise : « fils de l’amtsverwalter de Krohten, M. Auschitzky ». Une propriété située à proximité de Durben.

 

Nous ne savons pas ce qu’il advint ensuite de notre ancêtre, car en 1781 un autre administrateur a été nommé. Nous ne saurons pas s’il est mort à Krothen parce que nous n’avons pas retrouvé les registres paroissiaux des décès pour la période allant de 1770 à 1780.

 

Attestation écrite et signée par le premier de nos ancêtres Auschitzky connu

 

© Archives Nationales de Lettonie. RÌga

 

Je signe ci-dessous, devant témoin, que pour le compte de mon Seigneur, j’ai eu deux cents thaler en paiement de Son Excellence Monsieur von Mirbach, le propriétaire du domaine de Prussen ; Mittau le 24 Juin 1775. Samuel Auschitzky

 

 

famille

 

 

Les livres d’église précisent qu’il a eu au moins cinq enfants :

 

                              - Ulrich-Niklas-Johann-Friedrich).

                              né à Popen le 11 octobre 1764

                              - Charlotta-Veronica-Anna-Christina.

                              née à Popen le 7 mai 1766

                              - Catherina-Louisa-Maria.

                              née à Popen le 14 avril 1768

                              - Friedrich-Ulrich-David. Notre ancêtre.

                              né à Popen le 15 mars 1770

- Johann-Carl-Engelhard-Ferdinand.

                              né à Durben le 8 mars 1779

 

On notera que le prénom du père, qualifié « Amtmann Auschitzky » ou « amtsverwalter  Auschitzky » (le patronyme étant parfois orthographié de façon différente), n’est indiqué sur aucun des actes de baptême. Pas plus qu’il n’y est fait mention de la mère.

 

à la recherche de nos racines

 

 

© Photo Rudolfs Stalbovs

 

Maïten, Bertrand et moi, nous nous sommes rendus à Pope, en 1993, à l'occasion d'un voyage en Lettonie où nous étions les hôtes de la Ville de RÌga.

 

Voici la transcription de notre carnet de route :

 

Samedi 3 Juillet.

 

De RÌga nous allons rouler sur une véritable autoroute puis sur une route droite, large et bien entretenue qui traverse à perte de vue des forêts de résineux, débroussaillées et tout à fait civilisées.

Comme il n'existe pas encore de restaurant à l’intérieur de la Lettonie, nous nous arrêterons dans les bois pour pique-niquer. Au menu : poulet fumé, saucisson de poulet fumé et quelques crudités.

Et nous commencerons à boire des litres et des litres de bière locale, pas franchement bonne, pas franchement mauvaise ; très alcoolisée et grasse.

Notre guide, M. Rudolfs Stalbovs, député du conseil municipal, vice maire de RÌga avait fait venir avec lui sa secrétaire pour s'occuper du service. Nicolaï, le chauffeur russe de la mairie mangera avec nous. Nous nous sourions, c'est tout. Ce dernier ne parle ni français, ni anglais, ni allemand, pas même le letton, le russe seulement. Sa langue n'est pas notre "tasse de thé".

Et nous reprenons la route  vers le bourg où vivaient nos aïeux.

Pope est situé dans une clairière au milieu de la forêt. Au-dessous de douces collines, à un endroit aux pentes plus escarpées, se trouve un point fortifié entouré de sable rap­porté. A la fin du premier millénaire avant notre ère, ce lieu fut très probablement un sanctuaire long­temps marqué par un tilleul.

 

© Photo Bertrand Auschitzky

Pope. La Maison du Docteur

 

Pope compte aujourd'hui plus de 1.000 habitants. Il est assez étendu mais semble sclérosé.

Il est constitué principalement de fermes en briques qui datent des Behr.

Jouxtant le château, de plusieurs dépendances cossues et bien architecturées, comme la Maison du Docteur (qui, a prétendu notre guide, aurait été celle de nos ancêtres) transformée en hôpital ou la mairie hideusement adaptée, ces dernières années, au goût du jour.

Au XIXe siècle l'ensemble du domaine a été agrandi. La construction du parc a nécessité la démolition d'une petite enceinte qui entourait le vieux domaine.

L'église a été construite en 1770, lorsque Louise-Charlotte von Behr, née von Medem, établit sa résidence principale à Popen. A cette époqueSamuel A. en était l’amtmann. Son cœur octogonal a été réaménagé en 1879 et l’église a reçu un orgue de Walter à onze registres en 1898. Elle est très bien située, sur la colline la plus élevée, avec une magnifique vue sur des forêts immenses, jusqu’à la mer Baltique.

Une allée de tilleuls mène de l’église à la porte de la cour du château. Il a été édifié aux XVIIe-XVIIIe siècle. Il a été remanié en 1840. Les lambris et les panneaux de porte du XVIIe siècle, de même que les beaux poêles de faïence style rococo sont bien conservés. Ce château est actuellement utilisé comme école. Tout près de là, un monument a été élevé en 1990, aux victimes de la répression stalinienne.

 Une deuxième allée de tilleuls, longue de 900 mètres, mène de l’église à l’ancien cimetière. Celui-ci, en forme de fer à cheval, est ceinturé d'un mur en pierre surmonté de distance en distance par des troncs de colonne. Il a été profané par les bolcheviques et il ne renferme plus aujourd'hui la moindre tombe. Il est devenu jardin public. Les stèles des Behr ont pu être sauvées du saccage. Elles sont déposées près de l'église. Nous avons noté avec curiosité que leurs prénoms allemands étaient ceux de nos lointains ancêtres. Notre Ami Lancmanis, à qui nous avions signalé cette coïncidence, nous dit que c'est normal. Notre aïeul était un haut fonctionnaire au service des Behr. Ses enfants ont eu, de ce fait, pour parrains ou marraines, des membres de cette illustre famille qui leur ont donné leurs prénoms.

Un peu plus loin, comme dans chaque village des Pays baltes, le théâtre en plein air où la population met tout son cœur à la préparation des festivals folkloriques estivaux et à la Fête des Chants qui a lieu tous les quatre ans.

Nous avons été reçus à Pope par Mme Ilze Veita, Popes pagaster iptieka (maire de Pope), Mme Lienite Sproge, directrice de l'école et par le professeur de mathématiques titulaire de la "Classe Auschitzky" : mais oui Cher Lecteur !, autour d'un buffet somptueux (... pour ce pays) composé de sandwichs au poulet fumé et autres délicatesses bien présentées. Le tout arrosé de bière, de café et de thé. A noter que ces trois personnes n'avaient pas été aux fêtes de RÌga, comme la presque totalité des habitants du village, afin de nous accueillir.

Nous étions invités à une autre réception à Piltene (là encore, nous abandonnons le nom allemand pour l'orthographe lettone) mais, compte tenu de nos obligations à RÌga, l'heure était trop tardive pour s'y arrêter. Sur le seuil de la mairie, nous avons aperçu des gens endimanchés qui nous attendaient... Pourtant, Nicolaï, le chauffeur a appuyé sur l'accélérateur de la grosse limousine officielle et nous sommes passés devant eux sans nous excuser, sans même les saluer... J'en ai des regrets pour nos amis lettons !