Sommaire

 

 

 

DANIEL FORT

 

 

Le Professeur Joseph Kohnen, du Centre universitaire de Luxembourg, membre de l'Institut Grand-Ducal, historien de Königsberg, nous écrivait en juillet 1995 qu'à Kaliningrad toutes les archives avaient été égarées pêle-mêle à la fin de la guerre. Qu'il n'y avait presque plus sur place de documents civils ou autres. Il estimait que nous n’avions aucune chance de retrouver notre ancêtre Daniel Fort. D’après lui, quelques bribes fragmentaires restant des anciens Geheimes Staatsarchiv seraient peut-être à Wilna ou à RÌga. Ne sachant pas à quel Institut s'adresser, il ajoutait que ces recherches demanderaient énormément de temps et de patience.

 

Néanmoins, pour tenter d'en savoir plus nous avons consulté l'Evangelisches Zentralarchiv in Berlin (Kirchenbuchstelle) ; Geheimen Staatsarchiv Stiftung Preußischer Kulturbesitz ; le Consistorium der Französischen Kirch zu Berlin ; HV Deutscher Hugenotten-Verein e.V. et le Deutschen Zentralstelle für Genealogie à Leipzig

Et le miracle s'est produit. Les « Geheimes Saatsarchiv Preußischer Kulturbesitz », à Berlin, ont retrouvé dans les existants du Ministère d'Etat (EM) à la Section Principale XX (Archives historiques de l'Etat de Königsberg), dans la série 72 (Königsberg/Eglise), en n° 50, le dossier concernant la nouvelle mission de Daniel Fort. Ils en ont retiré les pièces les plus importantes qui nous ont été communiquées par microfilm. Elles constituent un dossier d'une centaine de pages qu’il n’est pas possible de reproduire dans cette étude. Mais nous tenons les originaux à la disposition de ceux qui voudraient en savoir plus.

 

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Ainsi, nous le connaissons maintenant aussi bien que possible.

 

Les Fort étaient de condition modeste. Ils n'avaient rien à lui offrir, pas d'avenir. Un Huguenot illettré n'a pas de futur, sinon celui qui perpétue dans l'anonymat le passé. Il sera semblable à la longue lignée muette et souffreteuse de ses ancêtres. Daniel se veut, se sent, d'une autre engeance. Il est fait pour réussir. Il sera pasteur.

 

Mais nous n'avons pu savoir comment et où Daniel est parvenu à faire des études, et pourquoi il s'est rattaché à l'église luthérienne alors que toute sa famille était Calviniste.

 

Il est né à Berlin le 22 juillet 1734.

 

© Französische Kirche zu Berlin

 

Daniel, né le 22 ème dito (juillet 1734) à 2 heures apres midi ; Fils de Jacques Fort, meneur de pain, natif de Saint Auban en Dauphiné, et de Jeane Jacquet sa femme, native d’Epance en Champagne, a été présenté par Daniel Meaure et par Magdeleine Rudes née Alby.

 

Nous allons diviser le chapitre qui lui est consacré en quatre parties :

 

-         Famille.

-         Sacerdoce.

-         L’Ecole du Consistoire français de Königsberg.

-         Au sujet du remplacement du défunt Pasteur Fort.

 

 

Famille

 

 

Il s’est marié, en l'église réformée française de Berlin, le 5 juin 1759, à Jeanne-Amélie Guitard, ci-contre.

 

Ils ont eu neuf enfants :

 

- Jeanne-Amélie II.

- Marianne, notre ancêtre.

- Susanne-Marianne.

- Susanne-Catherine-Elisabeth.

- Jean-Claude-Daniel.

- Jean-Pierre-Jérémie.

- Jean-Charles-Henri.

- Sophie-Charlotte-Pauline.

- Jean-Chrétien-Frédéric.

 

Le 27 mars 1804, Daniel Fort, âgé de 74 ans, décède.

« Geschichte der Franzöhlchen Kolonie in Bmndenburg-Preußen » précise qu'il est mort en chaire pendant l'office qu'il céIébrait, ce qui est inexact. En réalité, il a eu le 25 mars 1804, en chaire, une attaque d'apoplexie, et il s'est éteint le 27 à 19 heures.

 

© Zentralarchiv in Berlin Kirchenbustelle

 

 

Sacerdoce

 

 

Fin 1754, il est nommé ministre catéchiste à Berlin. A ce titre, il devra transmettre l'instruction religieuse aux élèves du « Collège françois » et à l'orphelinat ; célébrer l'office pour les catéchistes. Il remplira cette fonction dès 1755.

 

En 1759 il est nommé pasteur à Königsberg.

 

Courant 1760 (et non en 1761 comme il est écrit dans "Geschichte der Franzöhlchen Kolonie in Brandenburg-Preußen), durant la guerre de Sept Ans - en pleine occupation russe - Daniel Fort est arrivé à Königsberg pour assumer la tâche de pasteur à la place de Jacques Duplan qui, le 27 novembre 1759, avait été assassiné par les Russes. Nous l’évoquerons plus loin.

 

Le Gouverneur russe, Nikolaus v. Korff l'a autorisé à s'y fixer, bien qu'il provînt de Berlin, la capitale de l'ennemi.

 

© Zentralarchiv in Berlin Kirchenbustelle

 

Nous n'avons pas retrouvé les documents relatant l’assassinat du Pasteur Duplan. Par contre, nous possédons maintenant un important échange de correspondance, relatif aux émoluments à maintenir à sa veuve, entre l'impératrice Elisabeth Petrowna, le gouverneur russe Nikolaus v. Korff, la Chambre de Guerre et des Domaines, et le Consistoire de l'église Française.

 

La lettre qui suit confirme cette obtention. De plus, il s'agit de la première pièce évoquant la mission de notre aïeul à Königsberg :

 

n Altesse Sérénissime, Toute Puissante Grande Dame et Impératrice ELISABETH PETROWNA, Souveraine de tous les Russes. Très clémente Dame.

Après le décès du second pasteur de notre Eglise française locale, Joseph Duplan, décès dont nous avons fait rapport au gouvernement impérial du lieu en toute humilité, nous avons reçu l'ordre impérial que soit maintenu aussi bien [.......] des émoluments pour la veuve laissée par celui-ci qu’à cause de l'élection à venir pour réoccuper la charge vacante du second pasteur, selon le privilège clérical et l'observance du temps, et aussi le choix de notre paroisse, pour second pasteur auprès de l'Eglise française locale, est tombé récemment sur le Ministre à Berlin Daniel Fort.

Sur ce, nous supplions Votre Majesté, en tout premier plan très humblement, de confirmer cette élection par bienveillance impériale et ensuite de faire munir en toute clémence l'élu, pour son voyage en sécurité jusqu'ici, d'un passeport impérial.

Son comitat se compose de sa personne, sa femme bien aimée, un enfant, et peut-être une servante, qui doivent aussi être nommés dans le passeport impérial.

Et comme enfin l'année de faveur arrive maintenant à sa fin, ainsi la veuve du pasteur décédé Duplan, jusqu'à présent a joui du salaire, du bois, du députat et de la rémunération de l'accise, de donner de bonne grâce l'ordre que tout cela soit versé et donné au prochain trimestre du reministère? au pasteur nouvellement arrivé.

Nous nous figeons. Nous restons dans le respect qui (vous) est dû, et la vénération.

 Votre Majesté Impériale.

 

Königsberg,

le 22 nov. 1760                                                                     Très humblement.

du lieu                                                                                   Un consistoire de l'Eglise française

  / 3 déc.

                                                                                             Lafont, pasteur. Modérat, etc.

 

 

n Au Consistoire de l’Eglise française locale.

Comme la paroisse française locale a élu, de par le droit d'élection qui lui échoit, le pasteur français de Berlin, Daniel Fort, comme son second pasteur à la place du défunt Duplan, et parce que le Consistoire français a supplié très humblement en date du 22 novembre/3 décembre que soit confirmée cette élection, ainsi celle-ci est ici confirmée par la très grande clémence et la bonté de Sa Majesté Impériale, ma Très Gracieuse Souveraine, et par là même j’ordonne au Consistoire de l’église en question que soient organisées la Vocation (=appel religieux) et l'Introduction de l’élu selon l'usage ; également en ce qui concerne les futurs salaires et émoluments de l'impétrant, l'ordre ci-joint est destiné à la Chambre de Guerre et des Domaines et, en plus de cela, le passeport demandé est joint au dernier document.

Délivré au château de Königsberg, le 27 novembre/8 décembre.

Signé. Son Excellence le lieutenant général von Kolff. (Première partie de la pièce).

 

n A la Chambre de la Guerre et des Domaines de Königsberg.

La paroisse française a élu le pasteur français de Berlin, Daniel Fort, comme son second pasteur, à la place du défunt Duplan, et cette élection. Sur demande ci-jointe du Consistoire de l’église française a été confirmée à cette date par la très grande clémence et bonté impériale. C'est pourquoi il est ordonné à la Chambre de la Guerre et des Domaines, par la présente, de faire parvenir comme [.......] le salaire, y compris le bois de chauffage du députat et la rémunération de l'accise ainsi qu'en avait joui le pasteur décédé Duplan, à l'avenir à l'impétrant, à partir du trimestre du Reminiscere.

Délivré au château de Königsberg, le 27 novembre/8 décembre 1760.

Sign . Nikolaus Korff. (deuxième partie de la pièce).

 

 

n Le 16/27février1761.

Altesse Sérénissime, Toute Puissante, Grande Dame et Impératrice Elisabeth Petrowna, Souveraine de tous les Russes. Très Clémente Dame.

Le pasteur français David Fort, convoqué ici, venant d'ailleurs, pour remplacer le défunt pasteur français local, Jacques Duplan, et déjà confirmé dans sa charge par son gouvernement impérial local, est donc venu ici récemment et il est entré en fonction avec l'aide de Dieu. Il faut maintenant qu'il prête serment de fidélité comme nécessaire.

Nous avons donc voulu demander très humblement auprès de Votre Majesté Impériale, quand et par qui doit être reçu le serment de fidélité du dit pasteur Fort ; selon quel ordre nous agirons en toute humilité, en tant que

Votre Majesté Impériale,

Très humblement.

Pour le Consistoire de l'Eglise française réformée locale.

Lafont, pasteur modérat, etc....

Königsberg le 26 février 1761.

 

Daniel Fort devint ainsi sujet et fonctionnaire russe. Mais il dût au préalable jurer fidélité à l’impératrice Elisabeth.

 

 

Le Serment de Daniel Fort

© Geheimen Staatsarchivs P.K. Berlin

 

Visiblement, celui qui a transcrit le serment de Daniel Fort ne maîtrisait pas l’allemand. Ci-après son texte en clair dont l'orthographe et la syntaxe n’ont pas été corrigées :

 

ICH ENDES UNTER SCHRIEBENER SCHWERE ZU GOTT DEM ALLMACHTIGEN EINEN [..........] LICHEN EYD, DAß lCH lHRO KAYSERL. MAJESTAET ELlSA­BETH PETROWNA, SOUVERAINEN BEHERSCHERIN UND SELBSTHALTERIN ALLER REUßEN UND DERSELBER HOHEN TROHNFOLGER lHRO KAYSERL. HOHEIT DEM GR0ßFÜRSTEN PETER TEODOROWITZ. IN ALLEN STÜ(K)EN TREU UND GEHORSAM SEYN. DERO NUTZEN UND BESTES AUF ALLE WElSE BEFORDERN, SCHADEN ABER UND NACHTEIL ABWENDEN, AUCH WENN MIR DAVON ETW AS BEKAND WERDEN SOLLTE, SOLCHES GETREULICH ANZEIGEN, ALLER VERDACHTIGEN UND U NERLAUBTEN CORRESPONDENZ MICH GANTZLICH ENTHALTEN, UND DIESEM EYDE S0 TREULICH NACHLEBEN WILL, WIE lCH ES VOR GOTT UND SEINEM STRENGEN GERICHT VERANTWORTEN KAN. S0 WAHR MIR GOTT HELFE, UM CHRISTl WILLEN AMEN !

 

 

Je soussigné, jure par Dieu tout puissant fidélité et obéissance en tout à Sa Majesté Impériale Elisabeth Pe­trowna, Souveraine régnant sur tous les Russes, et à l’Héritier de la Couronne de Celle-ci, Son Altesse Im­périale le Grand Duc Peter Teodorowitz, de donner en toutes choses la préférence à ce qui est à Leur avan­tage et pour Leur plus grand bien, d’écarter d’Eux tout dommage et désavantage, et si cela venait à ma con­naissance de le rapporter fidèlement, de renoncer entièrement à toute correspondance suspecte et non autori­sée, et de mener une vie aussi fidèle à ce serment que je pourrais le justifier devant Dieu et son sévère juge­ment.

 

               Avec l’aide de Dieu.

               Pour l’amour du Christ. Amen !

 

                                                                                                                        Daniel Fort

 

 

 

J’ai reçu le serment ci-dessus à la date d’aujourd’hui, de Monsieur Daniel Fort, pasteur réformé de la pa­roisse française locale, ce que j’atteste par la présente.

 

               Königsberg, le 12 mars 1761

 

                                                                                                                                      

                                                                                                                        Samuel Lafont

 

 

 

Ce serment a été prêté en ma présence.

 

 

 

                                                                                                                        Lieutenant von Riesenkampf

 

 

 

n Au Commandant du lieu, le Brigadier von Helwig.

A la demande ci-jointe, du Consistoire de l’Eglise française réformée locale, le Brigadier et Commandant doit donner l’ordre que soit reçu en bonne et due forme, du second pasteur français arrivé ici. David Fort, le serment d'hommage avec la clause habituelle précisant qu’il renonce à toute correspondance suspecte et non autorisée, en présence d'un officier à nommer pour cela par le pasteur français local, Lafont, dont je vais recevoir prochainement le rapport.

Délivré au château de Königsberg, le 17/28 février 1761.

Subscrit : Son Excellence; le Gouvemeur von Suvorow.

 

 

n Au Consistoire de l'Eglise française réformée.

Dans la résolution [........], il est porté à la connaissance du Consistoire de l'Eglise française, que sur la demande de celui-ci, en date du 15/26 courant, en raison du serment d'hommage à recevoir du second pasteur français appelé (convoqué) ici David Fort, l'ordre a été donné au commandant du lieu, le Brigadier von Helwig.

Délivré au château de Königsberg, le 17/28 février 1761.

W Suvorow.

 

 

n Le /16 mars 1761.

Très Honorable Monsieur,

Très [.......] Monsieur le Sénateur, Lieutenant général de l’Armée, Gouverneur du Royaume de Prusse, et Chevalier

Comme l'ordre m’en avait été donné par son Excellence le 17/28 février dernier, a été reçu le serment, ci-joint, du pasteur français convoqué ici.

Ainsi je le rapporte par la présente et reste avec le plus profond respect, Votre Excellence, le très obéissant serviteur.

H.H von Helwig

Königsberg. le 2113 mars 1761.

 

 

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Désormais il était Russe aux yeux de la loi, mais il se sentait Français et dans ces deux pays il passait pour un étranger.

 

 

L'Ecole du consistoire français de Königsberg

 

 

C’est en 1766 que commence dans la colonie française la polémique au sujet de l’emploi de la langue maternelle française, alors que presque tous ses membres sont nés en Allemagne et ont grandi en milieu allemand. Daniel Fort, qui lui-même n’écrit plus le français sans fautes, fait partie des farouches défenseurs de notre langue et s’indigne de l’attitude d’un maître de chapelle qui, au lieu de « mieux » et « Dieu », chante « mio » et « Dio ». En 1787 il fondera une école pour garçons et filles afin d'entretenir spécialement l'enseignement de la langue française.

 

 Dans les archives du consistoire français de Königsberg (I. HA Rep. 76 alt VI Abt. J Nr. 184) nous avons retrouvé plusieurs documents se rapportant à la fondation de son école.

 

 La Compagnie du consistoire de l'église Françoise de cette ville ayant communiqué un Rescrit du Consistoire Supérieur François de Sa Majesté, en date au 12 juillet a.c., par lequel le sus dit Consistoire supérieur, en approuvant le projet de l'établissement d'une nouvelle école, à l’usage de notre colonie, exige, du sus dit :

 

« Qu’après nous avoir informés de l'état des fonds & des revenus de l'église, et des motifs de l’entreprise en question, on nous demande notre consentement, à la dépense qu’elle exigera. »

 

Nous déclarons

1°) que l'état des fonds, & des revenus de notre église nous sont connus ;

2°) que nous sommes généralement convaincus de 1’urgence et de la nécessité d'une école qui peut, seule, prévenir l'extinction de notre église ;

3°) Que dans cette conviction nous consentons à ce que la compagnie du Consistoire consacre, non seulement des revenus, mais même s’il le faut, des capitaux de l’église ; tout ce qui sera trouvé nécessaire pour cet établissement.

Nous déclarons, de plus

4°) qu’aiant une entiere confiance en la Direction. à laquelle la Compagnie du consistoire a confié le soin des détails concernants la nouvelle école, nous 1’autorisons à faire tels arrangements & telles dépenses qu’on jugera nécessaires ; & que tout ce que cette Direction aura réglé, & qui aura été approuvé & confirmé par la Compagnie du Consistoire, devra être regardé comme fait, & réglé par la colonie entière. En foi de quoi. nous avons signé deux exemplaires de cette Déclaration, dont l'un sera envoyé à Berlin au Consistoire Supérieur françois de Sa Majesté, et l'autre mis aux actes de la Compagnie de notre Consistoire.

 

A Kœnigsberg en Prusse, le 23 Octobre 1786

Suivent 43 signatures parmi lesquelles ne figurent ni celle du pasteur Fort, ni celle du pasteur Schlick.

 

Comme l'assemblée du Consistoire & de la Direction de notre Ecole est mouvante, nous avons cru devoir figurer à cette Déclaration en qualité de Chefs de famille pour confirmer par là tout ce que pourront décider à l’avenir les membres quelconques de ces assemblées.

Le 27 Octobre 1786

Suivent 9 autres signatures- La première étant celle de Fort, et la deuxième celle de Schlick.

 

 

Sire, Conformément au Rescrit de Votre Majesté daté du 12 juillet 86 nous avons 1’honneur de vous envoyer ci-jointe la Déclaration de la Colonie de Kœnigsberg sans les desirs de Laquelle nous n’aurions pas formé le projet de l’Ecole que nous établissons. Comme nous nous sommes bornés pour le présent à y faire enseigner (à 1’exception des éIémens du latin qu’ont absolument (besoin) ici les jeunes gens même qui ne se vouent pas aux études) ce qu’on apprend dans les écoles ordinaires & ce qu'on aurait dû (de) tout tems enseigner dans la nôtre, nous croyons ne devoir solliciter une permission immédiate de Votre Majesté que lorsque les succès de notre établissement nous enhardiront à lui faire prendre la forme d'un collège.

Nous sommes avec le plus profond respect

Sire

de Votre Majesté les très humbles & très soumis Serviteurs &

Sujets

Kœnigsberg en Prusse le 19 Novbre 1786

Les membres du Consistoire de 1’Eglise Françoise.

Suivent 9 signatures, dont la première est celle du pasteur Daniel Fort et la seconde celle du pasteur Schlick.

 

 

Monsieur,

J’ai l’honneur de vous adresser ci-joint le Tableau de l’école Françoise de Königsberg que vous m'avez demandé.

 

J'ai l’honneur d’être avec la plus haute estime,

Monsieur

Votre très humble & très obéissant Serviteur.

Berlin le 8 Fevrier 88. Schlick. Pasteur.

 

Tableau de la nouvelle école Françoise établie à Kœnigsberg en Prusse.

La colonie Françoise Kœnigsberg a confié la direction de cette école à ses deux Pasteurs Fort & Schlick, quatre Anciens de son Eglise & quatre chefs de famille qui ont travaillé unanimement à 1’établir.

L’école est régentée par cinq maîtres & trois gouvernantes. Elle est partagée en école des garçons & école des filles, chacune desquelles est divisée en trois classes.

Dans la première on reçoit les enfants en bas âge qui y apprennent à lire le françois & l’allemand, les éIémens de la langue Françoise, de la géographie, de l'histoire, de l’histoire naturelle & de 1’arithmétique.

Dans la seconde on ne reçoit que ceux qui savent lire afin de pouvoir s’y occuper davantage de 1’étude de la langue Françoise, de 1’allemand & de la latine, de la géographie, de 1’histoire, de la Physique, de l’arithmétique, de 1’écriture allemande & françoise.

Dans la troisieme on tache de porter le progrès des élèves jusqu’à les mettre en état de traduire indifféremment un auteur françois quelconque en allemand & un auteur allemand en françois, d'écrire correctement dans l'une & l'autre langue, de traduire un auteur latin facile, de posséder parfaitement la géographie, l’histoire & 1’arithmétique, d'écrire d’une belle main, de dessiner.

S’il plaisait à Sa Majesté de favoriser cet établissement on partageroit la troisième classe en deux, conférant l’une aux écoliers qui se destinent aux études & l’autre à ceux qui se vouent au commerce. L’on y enseigneroit tout ce qu’un négociant habile est obligé de savoir & cette classe modelée sur le collège de commerce de Magdebourg & Hambourg serviroit à former des commerçants éclairés & ne manqueroit pas d’attirer à Kœnigsberg un grand nombre de jeunes de la Russie & de la Pologne qui seront charmés de pouvoir y apprendre la théorie du commerce.

Les filles apprennent tout ce qu’on enseigne aux garçons à 1’exception du latin. Les gouvernantes leur donnent de bonnes manières & leur montrent des ouvrages de main.

 

 

Cette école française se trouvait dans des locaux ecclésiaux, sur le Schiesen Berge (la montagne penchée). Elle fut fermée en 1823. On gardât une école élémentaire pour garçons jusqu’en 1832, tandis que celle des filles devenait une école privée pour les filles dirigée par le pasteur Bocard (à partir de 1834, par le pasteur Détroit et en 1853, par le pasteur Lorenz Roquette).

 

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Le 27 mars 1804, Daniel Fort, âgé de 74 ans, décède.

 

Nous avons retiré des archives de Berlin les documents qui suivent :

 

Sire,

Notre Eglise vient de faire la perte sensible d'un pasteur respectable par ses talens, son caractère & son zèle pour le bien public, dans la personne de Monsieur Fort, mort d'une attaque d'apoplexie, le 27 du courant, à 7 heures du soir. Nous lui payons tous le juste tribut de nos regrets ; & le souvenir de son long ministère nous accompagnera dans la tombe.

Nous nous voyons obligés, par ce triste événement, de supplier très humblement Votre Majesté

« Qu’Elle daigne. le plus promptement possible, nous mettre à même de remplacer le « Digne Pasteur, que nous venons de perdre.

Et comme la santé du Pasteur Schlick est très faible, nous osons prier Votre Majesté « De permettre au Pasteur Lacanal de Bergholtz de venir l'assister durant la vacance.

Nous l'aurions demandé en qualité d'adjoint de nos Pasteurs, si la mort du Défunt n’avoit pas prévenu les démarches, que nous avions entamées, il y a quatre mois avec lui & que nous aurions faites en Cour à ce sujet.

Votre Majesté, connoissant. comme nous, le mérite incontestable du dit Pasteur Lacanal, ne fera que lui rendre justice en le notant, comme Elle se le propose sans doute, sur la liste d'élection qu'Elle daignera nous envoyer . & nous ôsons ajouter, que nous regarderons cet acte de justice comme une nouvelle marque de la Bienveillance dont Elle nous honore.

Nous sommes avec le plus profond respect

Sire

Kœnigsberg en Prusse                   les très humbles, très obéissants & très fidelles Serviteurs

le 28 mars 1804               & Sujets

        Le Consistoire de 1 'Eglise françoise

Suivent 7 signatures. La première étant : Schlick, pasteur. Secrétaire.

 

 

Le Consistoire de Kœnigsberg en Prusse fait rapport de la mort du Pasteur Fort, supplie qu’on le remplace le plutôt (sic) possible, et qu’on permette au Pasteur Lacanal de Bergholtz d'assister pendant la vacance le Pasteur Schlick dont la santé est très faible. Comme aussi que l'on daigne mettre le dit Lacanal sur la liste d’élection qui sera envoyée à l'Eglise de Kœnigsberg.

Je commencerois par demander au Consistoire de Kœnigsberg si le Pasteur Fort laisse une veuve, des enfans et en général des héritiers en ligne descendante, toutes ces personnes jouissent selon le règlement du 19 nov. 1739 ci-joint, de l’année de grace, à charge néanmoins de pourvoir à leurs frais aux fonctions du défunt.

Quant à la proposition du Consistoire de Kœnigsberg, d'y faire venir le Pasteur Lacanal, je ne crois pas qu’on puisse y diférer, vu qu’on ne sauroit laisser longtemps sans Pasteur une Commune aussi nombreuse que l'est celle de Bergholtz

Consist. Supér.                       1157.

Suivent 2 signatures.

5 avril 1804

 

 

Au sujet du remplacement du défunt Pasteur Fort de Kœnigsburg.

 

 

  Je resconnois au Consistoire de Kœnigsberg en conformité du [.....] de Monsieur le Consultant rapporteur, en ajoutant seulement que le Consistoire prussien enverra incessamment la liste d’élection pour laquelle on n’attend jamais l’expiration de l’année de grace. L'élection non forefaite on peut selon les circonstances et d'après les choix que l’Eglise a fait déterminer le tems où le Pasteur choisi peut entrer en fonction dans la nouvelle Eglise.

L’Eglise de Kœnigsberg est dans le cas, où les besoins et ce que demande son édification, d’un a coté, et dans l’autre ses moyens et ses ressources de fournir des facilités pour acculir (accueillir) le remplacent du digne Pasteur qu’elle a perdu.

Signé : Emzan 5

 

Il me semble qu’on pourrait permettre au Pasteur Lacanal de precher à Königsburg pendant l’année de grace ce qui conviendroit si bien à ses vues, à la santé du Pasteur Schlick et aux besoins de l’Eglise, moyennant qu’il pourvût à ses fonctions à Berghollz par quelque Pasteur du voisinage, que son Consistoire n’y trouvât pas de difficulté et qu’il fournit au jugement et à l’approbation du Consistoire Supérieur les mesures prises à ces égard ; je souscrits en conséquence aux deux Eglises.

Signé Ancillon 6

 

Je ne crois pas que l'on puisse laisser l’Eglise de Bergholtz tout à fait sans pasteur, je souscris donc à l'avis de Mr de Lanoizolle et à celui de Mr Emzan.

Signé Humbert

 

 Et moi de même.

 Signé S. Bocquet, le 6 avril

 

J’adhère pareillement aux avis combinés de Messieurs de Lanozolle & Emzan ; auxquels j'ajouterois cependant encore, sauf meilleur avis ; qu’en son temps le Consistoire Supérieur mettra le Pasteur Lacanal sur la liste d’Election, conformément au vœu du Consistoire référent ; puisque les demandes de ce genre n’ont jamais été refusées.

La mort de deux vieux pasteurs qui coincide en quelque sorte pourroit faciliter plusieurs arrangements utiles au bien général de nos Eglises.

signé ; de Gaultier.

Accepté le 6 au soir, dressé le 7 au matin.

 

Accède aux avis combinés de Messieurs de Lanoizolle, Erman, Humbert et de Gaultier.

L’Eglise de Bergholtz ne saurait rester au dépourvu. Je ne m’impliquerais point sur la liste que le Consistorium Supérieur enverra à Königsberg pour remplacer le Pasteur Fort, mais je designerais toujours le Pasteur La Canal, et je me réjouis de la translation de cet Ecclésiastique honnète mais inquiet. Nous trouverons aussi les moyens de supprimer l'église de Mesmihenberg? nulle par le défaut de paroissiens, et je me réjouis d'entrevoir que le sort de quelques autres ministres du Culte pourra être amélioré. Il évitera une requète de M. La Canal qui espérait faire un voyage à Königsberg par saut et bonds, munis de bonnes idées, pour y porter requète qui ne serait être accordée.

.....signé....

acc. et dim. le 7 avril 1804 au matin.

 

Frédéric Guillaume Roi,

C. et b. a. Salut ! Vu par votre rapport du 28 Mars a.c. la mort de votre Pasteur Fort, Nous vous faisons savoir par les présentes. que vous recevrez bientôt une liste d’élection, mais que nous ne saurions acquiescer à ce que le Pasteur La Canal de Bergholtz, vicaire de Kœnigsberg jusqu’au remplacement du susdit Fort, vû que l'on ne peut laisser longtemps dans l’attente une Commune aussi nombreuse que l’est celle de Bergholtz.

Nous vous enjoignons en même tems de vous informer si le Pasteur Fort laisse une veuve, des enfans, et en général des heritiers en ligne descendante

...... Berlin le 7 avril 1804

Le Consist. Super. fr. de S. M

Signé : illisible 10/11 avril 1804

en marge. les signatures des requérants ci-dessus.

 

 

.... le 8 juillet 1804

A défaut d'une feuille timbrée.

Besoin et assemblée du 11 juillet 1804 de répondre au Pasteur Lacanal que si le Consistoire de Kœnigsberg ne prend avec lui des arrengements pour pouvoir se rendre à Kœnigsberg avant l'été de l'année de grâce, ce ne sera qu’à l'échéance de cette année qu’il recevra l'ordre de commencer ses nouvelles fonctions.

Le dit Pasteur sera aussi proposé à la confirmation du départ [.....] ordonné.

Signé ; illisible.

 

Le Consistoire Supérieur de Votre Majesté n'ignore pas qu’il a daigné accorder une année de grâce aux héritiers du Défunt Pasteur Fort de Kœnigsberg. L’Eglise de concert avec l’Assesseur Fort m’a proposé un arrengemen pour me dédommager de la perte que j'éprouverois pendant l'année de grâce. J'ai répondu que je me rendrai incessamment à ma place, si l'on consentait à certaines conditions que j'ai proposées.

Hier arrive une lettre du susdit Assesseur il me marque que lui de son côté conjugue à la vérité à tout, mais qu’il est à présumer que la Justice fr. & la Régence de Bergholtz s’y oppose. J’ai ignoré jusqu’à présent qu’il y eut des enfants mineurs & absens. Cet incident change l’état des choses & m’a engagé à déclarer aujourd'hui au Consistoire de Kœnigsberg ; que ce ne sera fait qu'à l'échéance de l'année de grace que je me rendrai à mon nouveau poste.

J'accepte avec plaisir la vocation qu’on me propose mais je ne saurois me rendre cette année à Kœnigsberg, dussé-je renoncer pour toujours à la place. Quel domage

n’éprouverois je pas ? a quels désagréments ne me verrois-je point opposer de la part des héritiers & de la Justice compétentes ? J'ignore ce que l’Eglise me répondra ;

Voila le véritable état des choses. Le Consistoire Supérieur de Votre Majesté daignera en conclure que je ne saurois encore pour le moment Le supplier de m’expédier ma confirmation. C'est la crainte où je suis de me voir pour une seconde fois exposé à la honte & aux frais d'un nouvel expiatoire ; qui m’a engagé à faire aujourd’hui mon très humble rapport. J'étois résolu de ne le faire que lorsque toutes les difficultés seroient applanies & ce ne sera que lorsque je serai instruit des arrangements ultérieurs du Consistoire de Kœnigsberg, que je pourrai dire quelque chose de plus positif. Ce qui est bien décidé, c'est que je resterai ici jusqu'à l'échéance de l'année de grace.

Je ne saurois exprimer, Sire, combien l’expiatoire m’a affligé vivement. Si je n’ai pas répondu aussitôt au premier Rescrit, ce n’est certainement pas négligence, oubli de ma part ; mes Augustes Supérieurs daigneront se rappeler que pendant les 18 ans que je suis établi ici, il ne m’est point encore parvenu d'expiatoire, c'est uniquement une suite de la déplorable incertitude dans laquelle on m’a laissé jusqu’à présent & et qui m’a beaucoup dérangé dans la conduite de mon ménage. J'avoue que si j'avois sçu prévoir tous les incidens, si j'avois sçu qu’il y eut des enfans mineurs & absens, j'eusse refusé la place sans balancer. J'ai été obligé de payer pour l'expiatoire au delà d'un écu, some chétive à la vérité, mais que l'excessive chérité de ma pension modique, me font regretter vivement. Le Consistoire Supérieur de Votre Majesté m’eut certainement épargné gracieusement cette dépense, s’il avait été instruit de tout & de l'état désagréable, où je me suis trouvé jusqu’à présent. J'ose donc me flatter que mes Augustes Supérieurs daigneront me donner dans l'occasion une marque de leur générosité.

Je suis avec le plus profond respect

Sire                                                                        le très humble, très obéissant & fidelle Serviteur

de Votre Majesté                                    & Sujet ;

Beroholtz le 4 juillet 1804                       signé : Lacanal