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LE MARIAGE DE LOUIS XIV A SAINT-JEAN-DE-LUZ

 

Le Mariage de Louis XIV

Tapisserie des Gobelins, d’après un carton de Charles Le Brun

 

9 juin 1660 : Mariage de Louis XIV et de l’Infante Marie-Thérèse, fille de Philippe IV, roi d’Espagne.

Cette union qui confirmait et renforçait le Traité des Pyrénées négocié l’année précédente par Mazarin, mettait fin à vingt-cinq années de guerre continue entre la France et l’Espagne et à un siècle et demi de guerres discontinues.

Comment en était-on venu là ?

Trois faits historiques successifs, d’importance internationale, déterminaient la situation respective des deux pays en 1660.

- La constitution de l’Empire de Charles Quint, au début du XVIe siècle, aboutissait à l’encerclement de la France, ce qui imposait désormais aux souverains français une politique extérieure orientée vers la rupture de cet encerclement. Pour des siècles la Maison d’Autriche (Autriche et Espagne) devenait l’ennemi héréditaire.

- La Réforme (deuxième événements) toucha toute l’Europe du Nord mais n’affecta guère celle du Sud (Espagne, Italie). Entre le bloc protestant et le bloc catholique, la France et l’Allemagne résistèrent, au prix de longues guerres civiles, au raz-de-marée. Mais les esprits restèrent partagés.

- Le troisième événement international, continuation et synthèse des deux premiers, fut la Guerre de Trente Ans : révolte des princes protestants Tchèques et Allemands contre le Suzerain autrichien à l’origine. Toute l’Europe prit parti.

Victoire spirituelle des Réformés ou victoire politique de la Maison d’Autriche, toute solution à la crise était dangereuse pour la France. Chaque camp, du reste, en France même, avait ses partisans fanatiques. Pressés par les événements, les hommes d’Etat français durent choisir : la victoire espagnole leur paraissant constituer le plus grand danger, Richelieu et son conseiller politique pour les affaires extérieures le Père Joseph, bien qu’hommes d’Eglise tous les deux, entrèrent en guerre aux côtés des princes protestants en 1635.

L’Autriche s’étant retirée de la lutte (Traité de Westphalie, 1648), la guerre continua avec l’Espagne onze années encore. Mais les deux pays aspiraient à la paix.

La situation personnelle du roi d’Espagne Philippe IV intéressait beaucoup de gens en Europe : sa première épouse ne lui avait laissé que des filles (l’Infante Marie-Thérèse était l’aînée) ; sa deuxième épouse ne lui avait pas encore donné d’héritier mâle en bonne santé ; tous ses enfants mouraient en bas âge. Philippe IV était âgé ; la question de la succession pouvait se poser très vite. Il importait donc pour les Français de tout tenter pour que l’héritage ne revienne pas à l’Autriche. Tout eût été à recommencer. D’où la nécessité d’obtenir l’Infante. Il fallut quelques années pour que Philippe acceptât l’idée du mariage (pour qu’il puisse l’imposer à son entourage, pour être plus juste). Mazarin manœuvra habilement (pas de mariage, pas de Traité). Le Traité fut enfin signé au « pas de Béhobie » (île des Faisans) en novembre 1659.

Au printemps de l’année suivante les deux Cours se retrouvèrent sur la Bidassoa. Un premier mariage officiel, par procuration, eut lieu à Fontarrabie le 3 juin. Les grands seigneurs français y assistèrent, mais le roi de France, qui ne pouvait quitter son pays, s’y fit représenter. La nouvelle reine pouvait, elle, quitter son pays d’origine et entrer en France.

Le mariage de Saint-Jean-de-Luz, quelques jours plus tard, fut la consécration du mariage espagnol.

Jean-Noël DARROBERS.

 

 

NOTA. Il s’est essentiellement déroulé à l’église Saint Jean-Baptiste  ; à la maison Lohobiague et à la maison Joanoenia (aujourd’hui appelée Maison de l’Infante), évoquées dans les chapitres qui suivent. Nous verrons qu’elles étaient à l’époque la propriété de nos ancêtres.

Au moment même de la séparation des deux cours dans l’île de la Conférence, « monsieur le cardinal donna aux espagnols quantité de bagatelles magnifiques… Entr’autres il dit au comte… : Vostre épée est d’argent et bien cizelée, mais  je veux vous en donner une plus belle. Le comte s’approcha de la fenestre sans rien répondre, et jetta son épée dans la rivière. Un garde espagnol courant pour la pescher, un garde françois  luy tendit le pied, le fit tomber, se jetta dans la rivière devant luy, et l’eut. On trouva cela fort galant au comte de… et ma foy quoy qu’en quelques choses ils soient au-dessous  de nous, il y en a d’autres dans lesquelles ils nous passent.[1] »

En sortant de l’île de la Conférence, la famille royale fit honneur à un somptueux ambigu qui avait été préparé à deux cents pas de là. « Leurs Majestés s’étant mises à table, il  parut que l’infante fut surprise de l’abondance et de la propreté de ce repas, mais même qu’elle en avoit besoin, car elle mangea pendant plus d’une heure au-delà de tout ce qu’on peut exprimer [2] ». Puis le cortège prit majestueusement sa marche vers Saint-Jean-de-Luz.

Beaucoup de gentilshommes avaient devancé le cortège dans cette ville pour voir l’entrée. Montreuil courut au galop chez M. de Lionne où une fenêtre lui avait été réservée. « Presque tous les chevaux avoient des plumes et des aigrettes, les hommes, les chapeaux, lez couvertures, les housses, les habits étoient si couverts de broderies, de plumes et de glands, de harnois dorez, que cela sentoit le grand Cyrus à pleine bouche. Le carrosse de  la reine passa après cela ; dedans il y avoit, elle, le roi, la reine-mère, Monsieur, Mademoiselle, Mademoiselle de Valois, Mademoiselle d’Alençon et une autre que je ne pus voir, quoy qu’il fit aussi clair qu’en plein jour. Ce carrosse était  brodé de broderie relevée, quoyque la broderie ne se relève plus guère en France. Depuis quinze jours elle ne fait que se rabaisser, force gens de néant en portent. Dessus l’impériale, dedans, dehors, aux mantelets, aux rideaux, aux portières, je dis dessus et dessous, on en sçauroit voir l’estofe. Avec tout cela il n’a cousté que soixante et quinze mille livres. Monsieur le cardinal quand à luy dit qu’il y avoit parmy les gens de la cour pour  deux millions de broderies, dit spirituellement, (il dit tout comme cela), ce n’est qu’un million pour les courtisans et un million pour les marchands. Voulant dire que tout cela avoit esté emprunté par des gens, dont la moitié se troiveroient insolvables. En effet beaucoup de gentilshommes mal logez se plaignait d’estre incommodez à S. Jean de Lus, qui le serait bien davantage quand il serait de retour à Paris ; et je croy vous avoir désiamandé que tel s’est monstré si mauvais ménager, que de deux moulins il n’a fait qu’un habit[3] ».

Arrivée à Saint-Jean-de-Luz, Marie-Thérèse descendit chez la reine-mère, où les princesses l’attendaient avec les dames de sa maison. Elle portait une robe de satin incarnat en broderie d’or et d’argent, « et quelques pierreries à la mode de son pays, c’est-à-dire enchâssées dans beaucoup d’or ». On l’attendait à la porte de l’antichambre, et elle nous parut, dit Mademoiselle, avoir la mine fort gaie, quoiqu’on nous dit qu’elle avait beaucoup pleuré lorsqu’elle avait quitté son père, qui, de son côté, n’en avait pas moins versé des larmes.

Elle entra dans le  cabinet de la reine, sa tante, où elle fit prêter serment à ses principaux officiers et notamment à la princesse palatine qui devait être sa surintendante, car Madame de Navailles était alors destinée à être sa dame d’honneur, en remplacement de la maréchale de Guébriant, morte depuis peu. On voulait renvoyer en Espagne la comtesse de Priego, sa calarera mayor, mais elle ne pu si tôt s’en séparer, et il fut incertain, si elle ne demeurerait pas quelque temps avec elle.

« La reine, qui de ce jour-là prit le nom de reine-mère, envoya sa nièce et sa fille tout ensemble dans sa chambre pour la laisser délacer, et voulut aussi se retirer dans la sienne pour en faire autant. Comme tout le monde fut banni de cette petite maison qui contenoit en elles tant de royales personnes et que les hommes, à la prière de la reine, en furent chassés, jusqu’au capitaine des gardes et aux huissiers, les reines étant toutes deux déshabillées, le roi alla visiter la reine pour la prier de se coucher. Il lui dit qu’on lui serviroit son soupé dans son lit ; mais elle voulut venir souper avec lui et avec la reine sa mère. Il la lui amena  donc lui seul par la main pour la voir. Elle la trouva quasi en chemise ; et quand elle fut entrée, elle se jeta entre ses bras et l’embrassa tendrement, l’appelant tantôt sa tante et tantôt sa mère. Cette digne mère, ravie de jouir de ce bonheur, après avoir baisé avec grand plaisir cette jeune princesse, lui fit donner un siège pliant, le seul qui fut alors dans sa chambre. Elle la regarda avec des yeux pleins de joie, et louant sa beauté, la fit remarquer au roi, qui par lui-même en était sans doute infiniment satisfait. La jeune reine, voyant le roi debout auprès d’elle, lui voulut faire place sur son même siège, d’une manière tendre et pourtant un peu embarrassée ; mais lui, par un sentiment qui pouvait passer pour une galanterie, ne le prit pas, et demeura debout auprès d’elle. L’infante reine était aimable ainsi à demi-déshabillée : car la garde-infante étoit une chose si monstrueuse, que quand les femmes espagnoles ne l’avoient point, elles étoient beaucoup mieux. Les deux reines demeurèrent seules avec le roi. Monsieur y étoit aussi, et nuls autres témoins que quelques femmes de chambres et moi. Ils soupèrent ensuite dans la même familiarité que s’ils eussent été toute leur vie ensemble. La reine mère étoit bien tendre pour la reine ; et cette princesse qui la regardoit comme sa mère, lui baisa les mains plusieurs fois. » Après le souper, le roi la conduisit dans sa chambre, suivie de la comtesse de Priego,  camerera-mayor, et dit qu’il fallait la laisser coucher, qu’il était tard, et il lui demanda si elle n’avait pas envie de dormir ; elle lui répondit qu’elle n’en avait jamais eu moins de besoin. Mais c’est en vain qu’au milieu de son joyeux entourage, la jeune reine affectait une gaieté qui dissimulait mal le fond de son cœur. Elle ne dormit pas de toute la nuit et soupirait souvent à l’oreille de sa femme de chambre disant : Ay, Molina, mi padre ! (Hélas ! Molina, mon père !). Elle réclamait en secret ce  père qu’elle ne devait plus revoir.

Le lendemain, elle se reposa ; le roi fut la visiter vers le matin et demeura quelque temps  avec elle. Puis ils allèrent entendre la messe au couvent des Récollets entre Saint-Jean-de-Luz et Ciboure. On fit voir à Marie-Thérèse, ses habits, son linge, ses toilettes et les choses nécessaires à la noce, qui avaient été exposés dans le couvent. Puis elle dîna chez la reine-mère, toujours habillée à l’espagnole. Elle y reçut la visite de Mademoiselle de Montpensier et lui fit mille amitiés. Elle lui envoya une très grande écritoire richement travaillée, ornée de pierreries avec des colonnettes de porphyre et lapis-lazuli ; à l’intérieur se trouvaient de l’ambre gris, des gants et autres parfums rares et précieux.

Après le dîner, Anne d’Autriche se rendit chez le cardinal qui était malade, tandis que la jeune reine alla assister à la comédie espagnole. « Le soir, on lui essaya ses habits à la française, et on lui mit pour la première fois un corps de jupe que la duchesse de Navailles, nommée ce même jour pour dame d’honneur, lui alla vêtir. Elle en fut d’abord incommodée, mais elle le souffrit avec douceur et patience. Le roi, ce soir, fut avec elle dans sa chambre assez longtemps ; et quoi qu’il eut fait semblant jusque-là d’ignorer la langue espagnole, il se trouva que ce jour-là, il la savoit parfaitement bien. La reine se coucha de bonne heure pour se préparer à la journée du lendemain, en laquelle se devoit faire la dernière cérémonie du mariage ».

Cependant, il restait à solenniser le mariage contracté par procuration à Fontarabie. La fille de Philippe IV se devait à cette heure sans regret au jeune époux qui l’attendait, à la France épuisée qui s’apprêtait à la saluer comme sa libératrice. D’ailleurs que n’imaginait-on pas pour lui plaire ? La noblesse pour rehausser l’éclat de son cortège s’était jetée dans des dépenses telles qu’on se demandait si elle pourrait jamais les payer[4].

On était enfin arrivé à cette prodigieuse journée du 9 juin, et l’animation était devenue extraordinaire dans les rues de Saint-Jean-de-Luz : la petite ville basque était inondée d’une foule de curieux. La jeune reine qui s’était éveillée de fort bonne heure, était déjà entre les mains de Madame de Navailles, qui eut l’honneur de l’habiller, et qui fit ce jour mémorable les charges de dame d’honneur et de dame d’atour tout ensemble. « Elle fut assez embarrassée à lui faire tenir sa couronne fermée sur la tête, parce qu’elle était coiffée en cheveux. Ils étoient sans nul agencement que d’être renoués à la mode de l’Espagne avec des rubans par le bout, et rattachés ainsi à ceux qui joignent la tête. C’était une manière de coiffure qui étoit, comme je l’ai déjà dit, différente de celle qu’elle avoit le jour de ses noces à Fontarabie, mais qui étoit assez galante. Elle s’habilla de son habit royal, parsemé de petites fleurs de lys d’or : c’est un bel habit. Outre l’honneur qui se trouve à le porter, il sied assurément mieux que nul autre. C’étoit un corps de jupe et des manches, avec une jupe de mesme, semée de petites fleurs de lis d’or ; puis il y avoit le manteau royal, que l’on attacha au haut du corps de jupe comme une mante. Il traîne jusqu’à terre, avec une queue fort longue dont le bout est taillé en rond ».

Enfin, tout était prêt le royal couple se disposa à se rendre à l’autel. L’église de Saint-Jean-de-Luz avait été reliée au logis de l’infante à l’aide d’une galerie couverte élevée de deux ou trois pieds au-dessus du sol. C’est le chemin de la mariée recouvert de tapis, semé de fleurs. Un régiment de suisses et un autre de gardes françaises faisaient la haie de chaque côté.

A midi, le cortège s’avança avec solennité et dans un ordre magnifique. En tête, le grand prévôt marchait le premier, avec un lieutenant de robe courte, trois exempts, et les gardes de la prévôté, vêtus de hoquetons neufs brodés d’argent. Le marquis de Vardes marchait après, à la tête des cent suisses superbement vêtus, leurs habits galonnés d’or et leur toques de velours ombragées de belles plumes. Ils s’avançaient tambour battant, leur enseigne déployée et laissant voir les fleurs de lis d’or semées sans nombre. Puis venaient un grand nombre de trompettes jetant dans l’air mille fanfares joyeuses ; le corps de musique était ainsi composé : treize  trompettes du roi, quatre de la chambre, trois des gens d’armes, trois des chevau-légers, trois des gardes du corps et deux autres. Ils étaient tous vêtus de justaucorps de velours bleu, chamarrés de galons d’or. Les valets de pied de la maison du roi, et de la grande et de la petite écurie, au nombre de soixante-sept, en magnifiques livrées, précédaient Leurs Majestés environnées de leurs gardes du corps, de leurs capitaines, de plusieurs gentilshommes et autres grands seigneurs de la cour, ainsi que des dames étincelantes de parures.

Louis XIV, dans toute la splendeur de la jeunesse et du pouvoir, s’avançait radieux. Il était vêtu d’un habit et d’un manteau de brocard d’or, tout couvert d’une grande dentelle noire, et marchait entre deux huissiers de sa chambre qui portaient leurs masses d’argent. Il était précédé de Son Eminence le cardinal Mazarin, en rochet et camail, et du prince de Conti, accompagné des gentilshommes à bec de corbin, portant leur bâton bleu, conduits par le marquis d’Humières et des gardes du corps en superbe équipage. Après venait Marie-Thérèse dont nous avons déjà décrit le costume de cérémonie. Elle était conduite par le duc de Bournonville, son chevalier d’honneur, et le marquis de Hautefort, son premier écuyer. Les princesses de Valois et d’Alençon, sœurs de Mademoiselle de Montpensier, soutenaient les deux côtés de son manteau royal, tandis que la princesse de Carignan en portait l’extrémité. Les queues de ces princesses étaient portées par les comtes de Saint-Maisme, de Gondrin et de la Feuillade. Ensuite venait Monsieur, frère unique du roi, avec sa maison ; puis, la reine-mère qui voyait enfin luire ce jour tant désiré, conduite par le duc d’Uzès, son chevalier d’honneur, et le sieur d’Estoublon, son écuyer, la queue de sa robe soutenue par la comtesse de Flex, sa première dame d’honneur, et la comtesse de Noailles, sa dame d’atour. Enfin, venait Mademoiselle de Montpensier revêtue d’une longue mante de crêpe, et dont la queue de robe était portée par Mancini, le neveu du cardinal.

On connaît la disposition de l’église de Saint-Jean-de-Luz, qui n’a guère changé depuis ce grand jour. Maintenant que l’on se figure cette vaste nef et ces trois galeries ruisselantes de draps d’or et de pierreries. La moitié de l’édifice était occupée par un vaste plancher qui allait jusqu’au pied de l’autel ; au milieu était un marche pied large de quinze pieds sur trois toises de long où il avait été élevé un dais très riche pour Louis XIV et Marie-Thérèse. Au-dessous se trouvait un prie-Dieu couvert d’un grand tapis de  velours violet, semé de fleurs de lis d’or, avec deux carreaux d’une étoffe semblable, devant deux fauteuils de velours cramoisi, garnis de passementeries d’or. A côté du prie-Dieu était un siège pliant pour Monsieur, et sur les degrés la place des maistres des requêtes.

« Du mesme costé, à une distance de trois pas, entre deux estoit un autre Dais de velours noir pour la reyne mère, avec un priez Dieu couvert d’un grand tapis de pareille estoffe ; à la gauche, à six pieds au dessus de celuy du roy, il y avoict un banc pour les secrétaires d’Estat ; à quatre pieds plus haut, un autre joignant le degré de l’autel pour les ambassadeurs : et proche le mesme autel, un troisième Dais, et un siège sur un grand tapis de velours violet pour l’évesque de Bayonne qui devoit officier ; et deux autres plus bas pour les filles d’honneur des deux reynes, couverts de superbes tapis ; dans une tribune ;proche le priez Dieu de la reyne estoit la place du comte de Fuensaldagne et un autre pour le clergé de la paroisse ; sur la première marche du devant du mesme priez Dieu de la reyne mère, celle des evesques de Reims ; joignant le priez Dieu du roi encore à la droitte, celle de l’évesque de Périgueux, et du Père Anathe, jésuite confesseur de Sa Majesté ; et à sa droite, à la distance de deux pas, un siège de velours rouge pour Son Eminence ; à la gauche de la reyne et proche le devant de son priez Dieu estoit aussi la place de l’évesque de Langres, son grand aumosnier, et celle des autres aumosniers, à l’opposition desquels estoient pareillement les places de ceux du roy ; de chaque costé de l’Eglise il y avoit trois galleries fort longues, au dessus de la porte, où estoit tout le reste de l’assemblée, et un echaffaut tout proche pour la symphonie, orgue et musique [5] ». 

Tout le monde prit place dans l’église. Avant de commencer la cérémonie, l’évêque de Bayonne, Jean d’Olce, apporta à Louis XIV l’anneau qu’il donna à la reine et les pièces d’or accoutumées dans un bassin de vermeil doré, et l’office commença au milieu des chants et des symphonies. Avant l’offertoire, un autre évêque monta en chaire et complimenta le couple royal. C’est ce même M. de Valence déjà connu pour s’être tiré moins en homme généreux qu’en homme d’esprit du cas fâcheux où il s’était mis par ses propos irrévérencieux envers le cardinal dont il était d’ailleurs le partenaire assidu à l’ombre, à la bassette et au reversi, prélat de cour attaché comme premier aumônier à la personne de Monsieur, plus courtisan sans doute que théologien, mais rachetant ce qui lui manquait d’érudition, par un esprit facile et une chaleur de parole qui montait quelquefois jusqu’à l’éloquence, et étant encore que simple abbé, il postulait avec instance l’évêché de Valence en Dauphiné, et venait un jour de prêcher devant le roi et la reine à Rethel, lorsque Mazarin s’avança vers lui, et lui dit : « Monsieur, vous nommer évêque de Valence, au sortir d’un aussi beau sermon que celui que vous venez de faire, cela s’appelle recevoir le bâton de maréchal de France sur la brèche. Remerciez le roi de cet important bénéfice [6]».

 Un pareil hommage fait concevoir la plus haute idée de l’allocution de Saint-Jean-de-Luz. Elle ne se ressentit pas trop, il faut le croire de l’incident qui venait de mettre les confrères de M. de Valence, si fort en colère qu’ils se refusèrent d’assister à l’office nuptiale, bien que venus exprès de leurs diocèses. Peu s’en fallut même qu’il n’y ait ni messe ni sermon ; un conflit de préséance souleva cette tempête. Il avait été résolu en conseil du roi que les ducs et pairs ainsi que les maréchaux de France resteraient debout pendant la cérémonie. Quant aux prélats[7], ils devaient occuper la place que l’usage leur assignait sur des bancs du côté de l’Epitre faisant face aux ambassadeurs placés du côté de l’Evangile.Les évêques assis et les ducs debout ! Quel outrage pour ceux-ci, quel mépris du rang hiérarchique ! Les ducs se plaignent, ils demandent des sièges, on les leur refuse ; alors comme le soin de leur distinction les touche plus que leurs aises, ils se résignent à n’être pas assis, pourvu que les évêques de leur côté restent debout. Mazarin, sollicité dans ce sens et plus intéressé à ménager l’épée que la crosse, donne raison au parti des maréchaux, fait enlever le banc des évêques et déloger ceux de ces derniers qui y avaient déjà pris place. Grand émoi dans le camp des vaincus. Ils s’assemblent dans la sacristie et délibèrent que deux députés, M. de Rennes et M. de Valence, seront dépêchés vers le cardinal pour supplier son Eminence de revenir sur sa décision. La défense des prérogatives épiscopales est chaudement présentée par M. de Rennes, grand-aumônier de la reine-mère, mais Mazarin, prévenu en faveur des ducs, reste inflexible ; les évêques perdent définitivement leur procès. Là-dessus, on s’efforce de persuader à l’évêque de Bayonne qu’il doit venger l’affront fait à ses collègues, en refusant de bénir le mariage, mais le sage prélat recule devant cet acte d’insubordination qui pouvait lui ouvrir les portes de la Bastille. Les évêques quittèrent l’église. Il ne resta que ceux à qui leur charge personnelle assurait un rang à la cérémonie. Le grand aumônier de la reine-mère, avocat malheureux de ses confrères, hésitait même à se prévaloir de son titre, et M. de Cosnac également, mais M. de Langres que son intérêt rendait moins ardent s’obstina à remplir sa charge de grand aumônier de la nouvelle reine qu’il venait d’acheter fort cher et qu’il ne se souciait pas de perdre par un coup de tête. Sa manière de voir fut, en définitive, jugée la plus sage. « Le soir de ce même jour, raconte Cosnac, étant allé chez le cardinal, il me dit qu’un maréchal de France s’était vanté en sa présence que s’il eût trouvé un évêque assis et qu’il eût été debout, il l’auroit pris par la main et se seroit mis à sa place. On nous avoit déjà dit, dès l’après-dinée, que ce discours si plein de bravoure étoit du marchal de Villeroy. Je répondis assez brusquement :  A tel évêque ce maréchal se seroit adressé qu’on peut dire que de sa vie il n’eut vu une affaire aussi chaude ».

Lorsque le roi alla à l’offrande, il fut accompagné de grand maître de cérémonies de Rhodes, de ses capitaines des gardes, de Vardes qui commandait sa garde suisse, et de d’Humières qui commandait les gentilshommes dits à bec de corbin ; Monsieur, frère du roi, porta son offrande. Quand la reine y alla, Monsieur qui était assis auprès du roi sur  un siège pliant passa du côté de la reine et lui donna la main. Mademoiselle de Montpensier portait l’offrande de Marie-Thérèse, et ses sœurs, Mesdemoiselles d’Alençon et de Valois portaient sa queue avec la princesse de Carignan.

« Quand le roi et la reine furent mis sous le drap ou poële, ce fut la même chose ; et quand il fallut leur faire baiser la paix, ce fut le cardinal Mazarin qui le fit, et qui alla aussi la porter à la reine-mère, sa véritable maîtresse et bienfaitrice. Elle étoit à main droite du roi, sur une haute estrade séparée de celle du roi, couverte de velours noir, et sous un dais de mesme étoffe, environnée de ses premiers officiers et grands de sa maison. Madame la comtesse de Flex, sa dame d’honneur, qui prétendoit être princesse, lui portoit la queue. Dans le visage de cette grande reine on pouvoit facilement connoitre la joie intérieure de son âme : ce qui la rendoit si belle qu’à cinquante neuf ans elle auroit pu disputer de beauté avec la reine sa nièce, qui dans le vrai n’avait pas une beauté si parfaite que celle de la reine sa tante avoit eue à son âge. La reine-mère avoit les traits du visage plus beaux, elle étoit plus grande, elle avoit une plus grande mine, beaucoup plus de majesté, et le visage d’une belle forme : elle la surpassait encore par la beauté admirable de ses mains et de ses bras ; mais la reine avoit le teint plus beau et de belles couleurs qui l’embellissoient : elle ressembloit à la reine mère, comme je l’ai déjà dit, de la rencontre de l’air, et un peu du tour du visage. Cette heureuse mère, au retour de la cérémonie, nous fit l’honneur de nous dire, à la comtesse de Flex et à moi, qu’il lui étoit venu en pensée, voyant aller la reine à l’offrande avec son habit royal et sa couronne, que cette seule tête au monde était digne de cette couronne [8] ».

Cependant la cérémonie s’acheva et le cortège quitta l’église dans le même ordre[9] la porte fut aussitôt murée et n’a plus été rouverte depuis. Comme Marie-Thérèse était très fatiguée, elle se coucha aussitôt pour se reposer, puis elle se releva, et s’habilla d’un habit de toile d’argent blanche à la française, et  monta chez la reine-mère, et demeura quelque temps avec elle dans une petite chambre, en compagnie de la comtesse de Flex, de la duchesse de Navailles, de Madame de Noailles, de Madame de Motteville, et de la comtesse de Priego, sa camera-mayor. Ensuite les reines se montrèrent en public et s’amusèrent à regarder le roi qui jetait  par les fenêtres des pièces d’or et d’argent qu’on appelait des pièces de largesse et sur lesquelles il y a des devises.

Quelques temps après, elles se retirèrent dans la petite chambre de la reine-mère, avec Monsieur et le cardinal de Mazarin. Ils s’assirent dans la ruelle du lit, et y demeurèrent à causer de choses indifférentes. Quand il fut nuit, les deux reines se rendirent à la maison du roi, conduite par Louis XIV et par Monsieur. Ils ne furent suivis que par la comtesse de Flex, la duchesse de Navailles, Madame de Noailles et la comtesse de Priego. Les princesses n’y furent pas admises, ce qui paraissait avoir fort irrité Mademoiselle de Montpensiert. « Leurs Majestés et Monsieur soupèrent en public, sans plus de cérémonie qu’à l’ordinaire, et le roi aussitôt demanda à se coucher. La reine dit à la reine sa tante, avec les larmes aux yeux : Es muy temprano (Il est trop tôt), qui fut depuis qu’elle étoit arrivé le seul moment de chagrin qu’on lui vit, et que sa modestie la força de sentir ; mais enfin, comme on lui eut dit que le roi étoit déshabillé, elle s’assit à la ruelle de son lit sur deux carreaux pour en faire autant, sans se mettre à sa toilette. Elle voulut complaire au roi en ce qui même pouvoit choquer en quelque façon cette pudeur qui l’avoit d’abord obligée de chasser de sa chambre tous les hommes jusqu’au moindre de ses officiers. Elle se déshabilla sans faire nulle façon ; et comme on lui eut dit que le roi l’attendoit, elle prononça ces mêmes paroles : "Presto, presto, quel reym’espera". (Vite, vite, le roi m’attend). Après une obéissance si ponctuelle, qu’on pouvoit déjà soupçonner être mêlée de passion, tous deux se couchèrent, avec la bénédiction de la reine leur mère commune[10] ».

Le lendemain, on fut prendre la reine pour aller à la messe, on revint encore chez elle l’après-midi, puis elle alla se promener avec la reine et le roi. Louis XIV était de la plus belle humeur du monde. « Il riait et sautait, et allait entretenir la reine avec des marques de tendresse et d’amitié qui faisait plaisir à voir ».

Le 12 juin arrivait à Saint-Jean-de-Luz, le comte de Fuensaldagna, ambassadeur extraordinaire du roi d’Espagne ; il fut reçu à Urrugne par le maréchal de Clérambault, et le sieur de Chabenas Bonneuil, introducteur des ambassadeurs, qui allèrent le prendre dans le carrosse du roi, et suivis de tous les seigneurs de la cour richement vêtus. Il menait avec lui un train magnifique, composé de trente-six mulets chargés de son bagage, et couverts à la mode d’Espagne de riches mantes de velours cramoisi, sur lesquelles se détachaient ses armoiries en broderie d’or, trente chevaux de main superbes, huit carrosses à six chevaux et d’un grand nombre d’estafiers superbement vêtus, et mené en son logis, où il fut visité par le duc de Créqui de la part du roi. Le 11, il fut conduit à la comédie espagnole, et traité splendidement après par Son Eminence dans un banquet de vingt couverts où il y avait « vingt plats à chaque service  ».

Cependant les Espagnols qui devaient accompagner la nouvelle reine étaient non seulement arrivés mais beaucoup d’entre eux étaient déjà repartis. Lorsque Marie-Thérèse était entrée en France, elle était accompagnée de cinquante quatre personnes qui avaient été désignées, mais contrordre avait été donné et elle ne fut plus suivie que de sa camarera-mayor, la comtesse de Priego, et trente-six de ses gens. Le lendemain du mariage, le roi pria la jeune reine de consentir au renvoi de la comtesse, en lui disant

Que ce serait contre la coutume de faire occuper cette place si importante par une étrangère. « Elle lui répondit qu’elle n’avait d’autre volonté que la sienne, et lui dit qu’elle avoit quitté le roi son père qu’elle aimoit tendrement, son pays, et tout ce qui lui avoit été offert, pour se donner entièrement à lui ; qu’elle l’avoit fait de bon cœur, mais aussi qu’elle le supplioit de lui accorder en récompense cette grâce qu’elle put être toujours avec lui, et que jamais il ne lui proposa de la quitter, puisque ce seroit pour elle le plus grand déplaisir qu’elle pourroit recevoir. Le roi accorda si volontiers à la reine sa demande, qu’il commanda aussitôt au grand maréchal des logis de ne les séparer  jamais, la reine et lui, pendant le voyage, quelque petite que fut la maison où ils se trouveraient logés ». C’était la lune de miel et la jeune reine ne devait pas tarder à être délaissée. Montreuil ajoute que le lendemain du mariage, Louis XIV dîna seul dans sa chambre et la reine dans une antichambre, « cela fut remarqué ».

La comtesse de Priego repartit pour l’Espagne. Le cardinal lui donna une boite, sur laquelle se trouvait le portrait du roi, enrichi de diamants. La jeune reine lui dit : podreis dezir en España que le parece ; pero ques mejor  (vous pourrez dire en Espagne qu’il lui ressemble, mais qu’il est plus beau). Il ne resta plus définitivement auprès de Marie Thérèse que cinq hommes : un confesseur, un médecin, un chirurgien et le mari d’une de ses femmes, qui était le neveu de la Molina, sa première femme de chambre, et qui l’avait été de la reine sa mère. En même temps étaient arrivés en France, la toilette et les objets lui appartenant, portés par vingt-quatre mulets richement harnachés et quatre voitures ou galères qui furent conduites à Saint-Jean-de-Luz, par le comte del Reall, mayordomo, Manuel Muñoz y Gamboa, contrôleur et Dom Francisco de Gambon, garde-bijoux, avec deux aides de son office.

Le 13, Mazarin se trouva encore à l’île de la Conférence, où ils demeurèrent environ trois heures. Le 14, le roi, les deux reines et toute la cour, jouissant d’un temps admirable et d’une température magnifique, se promenèrent une partie de la journée sur le bord de la mer.

Le lendemain 15, devait commencer le voyage triomphal à travers la France. Pendant les jours qui s’étaient écoulés depuis le mariage, des présents furent faits à la jeune reine et une précieuse relation du temps nous en donne une description détaillée :

« Le roy fit présent d’une cassette, couverte de chagrin, enrichie d’or cizelé, et ornée de diamants, sur laquelle il y avoit quantité de chiffres et de lettres entrelassées, avec des couronnes fermées, qui donnoient assez à connoistre que ce présent venoit d’un grand roy, et qu’il estoit destiné pour une grande reyne : dans cette précieuse cassette, il y avoit six parures complettes de pierreries. La première étoit tissue d’or émaillé de toutes couleurs enrichie d’un grand nombre de diamans, dont l’esclat estoit merveilleux et le prix inestimable ; les pendants d’oreilles estoient faits de mesme sorte, comme aussi la prestador, le bouquet, les nœuds de manche, la chaisne et demy tour, les bottes de portrait, la montre, la chaisnette, et le crochet : la seconde estoit brodée d’or rehaussée de perles d’une grosseur admirable, d’une blancheur sans pareille et d’une rondeur extraordinaire ; la troisième paire estoit de diamans et de perles sur une broderie d’or merveilleuse, laquelle brilloit avec beaucoup d’esclat par le meslange de ce riche ornement ; la quatriesme estoit de diamans et de rubis, les diamans y estoient en grand nombre, les rubis, pareillement, ce qui rendoit une confusion fort agréable. Les deux autres n’estoient pas moins admirables, elles estoient toutes d’or, sur lesquelles il y avoit des diamans enchassez d’une grandeur et d’une largeur surprenante ; les diamans estoient accompagnéz d’émeraudes d’une couleur très vive et brillante avec un grand nombre de perles ; de plus, il luy fit présent d’une bague d’une valeur inestimable, avec un coffre tout plein de médailles d’or et d’argent, pour employer à ses libéralités.

La reine-mère fit pareillement ses présens, elle luy envoya un tour de perles estimé plus de cent mille écus, outre celuy que le roy luy avoit donné dont je ne vous ai parlé cy-dessus ; ce tour estoit accompagné de pendans d’oreilles de la valeur de plus de six cens mille livres, d’un poinson de diamants d’une excessive grosseur et d’un prix inestimable, et d’une très belle boëte de portrait.

Ensuite, Monsieur, frère unique du roy, n’oublia rien de ce qu’il pouvoit faire en une pareille magnificence, il luy envoya une cassette garnie d’agent et de quantité de rares pierreries, dans laquelle il y avoit douze précieuses garnitures, les unes estoient de diamans, de perles, de rubis ; les autres de turquoises, d’opales, de jacinthes, et d’amatistes ; ce qui estoient de plus admirable dans ces garnitures, c’est qu’elles estoient si amples qu’il y en avoit pour chamarrer les robbes royales haut et bas, les pierreries estant enchassées en forme de passement.

Son Eminence, après les présens du roy, de la reine-mère, et de Monsieur, envoya à la reyne pour plus de douze cens mille livres de pierreries, entre lesquelles, il y avoit un diamant d’une grosseur admirable, Il ne se contenta pas de lui avoir fait présent de ce précieux gage, il luy envoya encore un service tout d’or, des plats, des assiettes, et des bassins, avec toutes sortes d’ustancilles de table ; il luy envoya aussi deux calesches, la première estoit de velours couleur de feu, revestue d’or et ornée de quantité de figures, elle estoit tirée par six chevaux isabelle qui viennent de Moscovie. La seconde estoit couverte de velours verd, revestue d’argent, tirée par six chevaux venus des Indes, qui sont d’une couleur surprenante et des plus admirables. Enfin, jamais on ne vit tant de magnificences, tant de profusions tant de largesses, et tant de liberalitez, et l’on peut dire que la nature avoit épuisé tous les trésors pour faire hommage à nostre incomparable reyne ».

Mais la marche triomphale de Marie-Thérèse allait commencer, car la cour se disposait à quitter Saint-Jean-de-Luz. En effet, toutes les villes que le cortège royal devait traverser rivalisaient à la fois de zèle et de dépense. La jeune reine, en voyant cet enthousiasme, dut croire à la durée de celui de son époux ; elle ne se doutait guère qu’avant d’avoir atteint Paris, elle ressentirait déjà les effets d’une indifférence qui devait aller sans cesse en augmentant jusqu’à livrer son âme aimante au plus cruel abandon.

Edouard DUCÉRÉ, « Le Mariage de Louis XIV à Saint-Jean-de-Luz (1660) ».

  

 



[1] - Lettres de M. de Montreuil.

[2] - Mémoires de Cosnac.

[3] - Lettres de M. de Montreuil.

[4] - « Je me souviens, dit Daniel de Cosnac, que Dom Luis de Haro, avait exactement remarqué la magnificence des personnes qui accompagnoient Son Eminence ; et en effet, on ne peut rien voir de plus éclatant que la broderie d’or et d’argent dont tous nos François étaient parés ; il n’en étoit pas de même des Espagnols dont les habits étoient presque unis, sans autre ornement que quelque broderie de soie et des cordons de diamants de petite valeur. Leurs équipages et leurs domestiques n’étaient pas au dessous de la modestie. Cette magnificence des François ayant été fort admirée par Don Luis de Haro, il dit à Son Eminence qu’il y avait sujet de croire que toute la noblesse de France seroit incommodée d’une aussi considérable dépense, et qu’elle auroit de la peine à s’en relever. Le cardinal répondit que le danger n’était pas si grand que Son Excellence le croyoit, car les marchands en perdroient la moitié. Cette raillerie ayant amusé le cardinal, il parla à son tour de la grande modestie des Espagnols qui ne répondoit pas à la grandeur d’un aussi puissant monarque d’Espagne, qui avoit tous les trésors de la terre dans l’étendue de ses Etats. Don Luis répondit qu’il falloit se conduire selon les occasions ; qu’ils étoient venus avec un mortel déplaisir de perdre tout ce que l’Espagne avoit de plus précieux, qui consistoit en la personne de l’infante : que c’étoit à la France à paroitre dans la joie et l’abondance ; mais que les Espagnols se trouvant privés d’une princesse capable par son mérite et par ses grandes qualités qu’elle avoit pour gouverner tout un monde, qu’ils estoient dans le deuil et ne pouvoient permettre aucune magnificence, mais que l’Espagne viendroit, dans quelques jours, prendre une fille de France pour reine d’Espagne ; qu’alors on verrait bien d’autres dépenses et magnificences que celles qui paraissoient dans les François. Cette rodomontade espagnole arrêta la raillerie de Son Eminence qui l’auroict poussé un peu plus loin ».

[5] - Nouvelle relation.

[6] - Mémoires de Daniel Cosnac.

[7] - Il y avait douze évêques présents à Saint-Jean-de-Luz.

[8] - Mémoires de Madame de Motteville.

[9] - Un acte de mariage porté au verso de la première feuille du registre des baptêmes de Saint-Jean-de-Luz, année 1660, consacre le souvenir de ce grand événement. Il va sans dire qu’il ne porte pas les signatures des époux royaux :

« Le neuviesme du mois de juin mil six cent soixante a été ratifié par paroles de présents, le mariage de très haut et très puissant seigneur Louis, quatorzième du nom, roi de France et de Navarre, et de très haute et très puissante princesse dame Marie-Thérèse d’Autriche, infante d’Espagne ; Dom Luis Mendez de Haro, premier ministre de S.M.C. ayant par procuration de S.M.T.C., épousé en son nom, le trois du même mois, cette princesse à Fontarabie. La messe chantée de la cérémonie du mariage a été célébrée par Monseigneur Dolce, notre évesque, ayant pour diacre, Monsieur de Foscoat, anmônier de Sa Majesté, et pour diacre Monsieur Hayet, notre curé. Signé, de Lissardy, vicaire ».

[10] - Mémoires de Madame de Motteville.