Maisons Lohobiague

 

 

 

LA MAISON DE L’INFANTE

 

 

Bénéficiant d’une situation exceptionnelle sur le port de Saint-Jean-de-Luz, la maison Joanoenia, dite maison de l’Infante, possède une indéniable beauté architecturale.

Ses doubles arcs de galeries à la Vénitienne, ses fenêtres régulièrement espacées, ses colonnades, ses frontons, l’utilisation inhabituelle ici, de la brique et de la pierre lui confèrent un classicisme que ne possèdent pas les demeures alentours, d’une architecture plus sobre.

Hélas, derrière ces deux façades élégantes qu’admirent les touristes, derrière cette porte monumentale, nous découvrons l’envers moins éclatant de ce décor historique ayant subi l’outrage des ans et les dégradations des hommes.

 

Date de construction

 

A défaut de posséder actes ou archives nous apportant précisions ou simplement indices concernant la date d’érection de la maison Joanoenia, nous devons prêter foi à l’assertion, puisée à bonne source semble-t-il de l’érudit bayonnais Edouard Ducéré : « … les archives que nous avons consultées portent aux dernières années du XVIe siècle, l’érection de ce pittoresque édifice… »

Malgré la présence sur une plaque de marbre, au premier étage de la date de 1640, il semble en effet que la construction de la maison Joanoenia soit légèrement antérieure à cette date.

Le promoteur de cette belle demeure fut Joannot de Haraneder, époux de Françoise de Chibau. Armateur fortuné, négociant prospère, Joannot était l’un des membres d’une puissante et nombreuse famille de la bourgeoisie luzienne et cibourienne, dont les Chibau faisaient également partie.

Joannot de Haraneder fut d’abord capitaine de navires, puis armateur et négociant. Enrichi par le commerce avec les pays d’outre-mer, sa générosité l’amena à construire de ses deniers un hospice pour les malheureux, désaffecté à la fin du XIXe siècle.

Selon un historien local, qui hélas ne cite pas ses sources, ce serait pour le remercier de ses libéralités que les bayles et jurats de Saint-Jean-de-Luz auraient fait cadeau à ce généreux bienfaiteur, de cette belle et grande maison que l’on appela dès lors Joanoenia.

 

Joanoenia rencontre l’histoire de France

 

En 1627, durant le siège de La Rochelle, la marine anglaise, sous les ordres du duc de Buckingham et forte d’une centaine de voiles, établit un blocus sévère devant l’île de Ré qu’elle désirait investir. Afin de secourir les îliens menacés de famine, Richelieu résolut de les approvisionner à n’importe quel prix. Il fit appel à la marine du Labourd. Saint-Jean-de-Luz arma quinze pinasses et vingt-six flûtes bondées de vivres. En août , cette flottille imposante força la croisière anglaise à la faveur de la nuit. Joannot de Haraneder avait spontanément armé à ses frais deux navires de cette armada. Les ayant munis d’artillerie il en fit don au roi Louis XIII afin qu’ils prennent place au sein de ses forces navales.

Cette libéralité spontanée valut à l’armateur luzien la reconnaissance royale marquée en 1640 par l’anoblissement et l’octroi d’armoiries.

Celles-ci se décrivent ainsi : D’argent au prunier de sinople, fruité de pourpre, le tronc de l’arbre servant de stangue à une ancre de sable.

Mais ces armes parlantes et emblématiques (Haran-Heder signifiant Belle-Vallée) présentent une erreur, le terme Aran  (prune) ayant été substitué à Haran  (vallée).

Joannot de Haraneder fit graver ces armes en 1640 sur une plaque de marbre de la cheminée de la salle principale du premier étage de sa maison où l’on peut encore les voir aujourd’hui :

Joannot de Haraneder et son épouse Françoise de Chibau eurent trois enfants qui décédèrent sans postérité.

En 1660, année de fastes et de réjouissances pour Saint-Jean-de-Luz, l’aînée de ces trois enfants, Marie de Haraneder, déjà veuve de Saubat de Lohobiague avait hérité de la maison Joanoenia (maison Lohobiague) bâtie par son père.

C’est elle qui, le 8 mai 1660 accueillit en sa demeure Anne d’Autriche venue à Saint-Jean-de-Luz avec la cour pour le mariage de son fils Louis XIV. La reine-mère reçut à Joanoenia une hospitalité somptueuse et raffinée qu’elle apprécia hautement.

Le lundi 7 juin, avant-veille du mariage royal, après avoir été accueillie par la cour de France à l’île de la Conférence, l’infante Marie-Thérèse vint loger à son tour à Joanoenia où Anne d’Autriche sa tante, et les princesses françaises l’attendaient « … à la porte de l’antichambre ». La future reine occupa le premier étage de la maison des Haraneder.

Le mercredi 9 juin à midi, c’est de Joanoenia que Marie-Thérèse se rendit à l’église Saint-Jean-Baptiste qui « … avait été reliée au logis de l’infante à l’aide d’une galerie couverte, élevée de deux ou trois pieds au-dessus du sol… ». Ce plancher constituait « le chemin de la mariée, recouvert de tapis, semé de fleurs. Un régiment de Suisses et un autre de Gardes Françaises faisaient la haie de chaque côté. »

Lorsque vers 15 heures la cérémonie du mariage fut terminée, le cortège emprunta à nouveau le chemin de tapis menant à Joanoenia où l’infante un peu lasse alla s’allonger. Après un peu de repos, elle changea de toilette et, avec Anne d’Autriche sortit de sa maison pour aller voir le roi qui, du balcon de Lohobiague, lançait à la foule d’admirateurs des monnaies d’or et d’argent.

Marie-Thérèse résida jusqu’au 15 juin à Joanoenia. C’est depuis ce séjour que cette demeure prit le nom de « Château de l’Infante » ou plus modestement mais plus réellement de « Maison de l’Infante ».

A la fin du XVIIe siècle, Joanoenia était la propriété de Joannis Haraneder-Putil, bayle de Saint-Jean-de-Luz en 1696 et 1697. Il transmit ce bien à ses descendants qui en restèrent maîtres au XVIIIe siècle.

 

Le duc de Bourgogne et le duc de Berry à Joanoenia

 

C’est Joannis de Haraneder-Putil qui eut l’honneur, du 19 au 21 janvier 1701 d’offrir l’hospitalité de sa demeure de Joanoenia à deux petits-fils du roi-soleil, Charles duc de Berry et Louis duc de Bourgogne. Ces princes faisant étape à Saint-Jean-de-Luz accompagnaient jusqu’à la frontière leur frère Philippe duc d’Anjou, logé, lui, à Lohobiaguenea (la maison Lohobiague), qui allait à Madrid prendre possession du trône d’Espagne laissé vacant par le décès de Charles II d’Espagne.

Dès leur installation à Joanoenia, le 19 janvier, les princes reçurent « le régal et les présents, chacun en leur particulier », que le Corps de Ville leur fit porter.

 

Napoléon III à Joanoenia

 

Le 3 août 1854, Saint-Jean-de-Luz eut l’honneur de recevoir la visite de l’empereur Napoléon III et de l’impératrice Eugénie. Leurs Majestés, après avoir rendu un premier hommage à la Maison Louis XIV, voulurent saluer « sous les lambris du château de l’Infante les souvenirs d’Anne d’Autriche et de Marie-Thérèse ».

Le narrateur de la visite impériale, Léonce Goyetche, nous rapporte l’événement dans son ouvrage paru en 1856. Il fut sans doute l’un des témoins de cette journée. Et l’information qu’il nous donne sur un détail de l’architecture je Joanoenia en 1854 n’est pas sans intérêt. Napoléon III et Eugène parcoururent les salons où avaient eu lieu les réceptions souveraines des siècles passés et montèrent au faîte de cette demeure historique : « Du haut du belvédère qui couronne sa tour principale, promenant ses regards sur la baie immobile à ses pieds…, l’Empereur parut frappé d’une soudaine admiration… »

Il semble, selon cette mention, qu’un belvédère (balcon sur la périphérie de la tour ou sur l’une de ses façades ?, terrasse ou sommet de la tour ?) existait en 1854, et permettait de jouir d’un large panorama sur la baie et le port. Si la « tour principale » existe toujours, elle ne comporte pas aujourd’hui un tel élément architectural.

 

Propriétaires de la Maison de l’Infante aux XIXe et XXe siècles

 

Les matrices relatives au cadastre de Saint-Jean-de-Luz établies à partir de 1831 nous fournissent, à travers leurs vagues et brouillonnes indications, une chronologie incertaines quant aux dates, des propriétaires successifs de la Maison de l’Infante :

·          Vers 1835 : Jacques Mihura, marchand en gros à Saint-Jean-de-Luz ;

·          Vers 1855 : Pierre Joseph Emile Pécarrère, avocat à Paris ;

·          Vers 1865 : Jean Frédéric Landré, négociant à Bayonne ;

·          Vers 1880 : David Léon Daguerre, rentier à Saint-Jean-de-Luz,

·          Puis, jusqu’à nos jours, par mariages et successions, la Maison de l’Infante appartint successivement aux familles André Marcellin Turquety, Alexis Debibié, Gaston Descorps et Jean Artéon.

·          C’est aujourd’hui Madame Jean Artéon, née Descorps qui possède cette belle maison chargée d’histoire.

 

Description architecturale

 

Bâtie en bordure du port, à l’angle du quai de l’Infante et de la rue de l’Infante perpendiculaire à ce quai, la Maison Joanoenia ou de l’Infante est formée d’un seul volume massif à trois niveaux, augmenté de combles à lucarnes et dominé par trois tours d’angles.

Son plan sensiblement carré présente au sol des dimensions de 18 m pour la façade sud face au port et de 18,60 m pour la façade est le long de la rue de l4infante.

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Si cette célèbre et élégante construction, autrefois côtoyée par l’Histoire de France, possède un charme indéniable elle le doit uniquement à l’architecture classique et élégamment ordonnée de ses deux façades principales au sud et à l’est. La façade nord, sur laquelle s’appuie une construction basse plus récente, orientée vers la rue Mazarin, ainsi que la façade ouest donnant sur une étroite venelle créée par l’implantation rapprochée de la maison Petit, ne présente aucun intérêt architectural.

L’intérieur, profondément transformé depuis quatre siècles, souvent dégradé par des infiltrations d’eau consécutives à une couverture longtemps défectueuse, ne présente que très peu d’éléments remarquables ayant survécu aux bouleversements de sa distribution. Durant la dernière guerre, l’hébergement dans les murs de Joanoenia d’une école d’apprentissage maritime a accentué encore sa dégradation.

 

EXTERIEUR

 

Très souvent admiré, photographié, filmé, l’extérieur de la maison Joanoenia qui constitue l’un des ornements les plus remarquables de Saint-Jean-de-Luz, est surtout caractérisé par ses deux façades sud et est.

 

Façade sud

 

C’est la façade principale orientée vers le quai, celle par où l’on pénétrait à l’origine à l’intérieur de cette vaste habitation. Elle présente sur toute la hauteur de sa partie centrale un décrochement en retrait de 0,15 m par rapport aux aplombs latéraux des deux tours.

 

Porte monumentale

Il paraît raisonnable d’affirmer que cette belle porte à portique renaissance constituait autrefois l’accès d’honneur de la maison, accès qui ouvrait vraisemblablement sur un vaste hall et une haute cage d’escalier desservant les étages. Cette disposition était semblable à celle que l’on observe encore en la plupart des demeures bourgeoises des XVIIe et XVIIIe siècles de Saint-Jean-de-Luz (Maison Lohobiague, maison Betbeder au n° 8 du quai de l’Infante, etc.).

Les bouleversements internes de la maison Joanoenia ont laissé cette porte sans fonction d’accès sinon à une pièce exiguë utilisée de nos jours par un commerce.

C’est vraisemblablement par cette porte monumentale que l’infante Marie-Thérèse et Anne d’Autriche accédaient à leurs appartements et non par le très modeste et gris escalier que l’on gravit après avoir franchi une assez banale porte latérale ouvrant sur la rue de l’Infante.

Deux piédroits larges de 0,63 m en saillie de 0,15 m encadrent cette ouverture au-dessus de laquelle ils se réunissent en un arc plein cintre. Formés de blocs réguliers aux assises horizontales, aux joints en creux ils sont surmontés d’un fronton triangulaire de pierre. Dans le triangle de ce fronton un médaillon ovale en ronde-bosse l’emblème de Joannot de Haraneder que l’on retrouve sur ses armoiries : Un prunier dont le tronc sert de stangue à une ancre. L’ancre de marine rappelle la profession d’armateur du bâtisseur de Joanoenia, profession qui fit sa fortune.

 

Murs du rez-de-chaussée

Jusqu’au niveau du plancher du premier étage, de part et d’autre de la porte monumentale le mur de la façade sud est élevé en pierre de taille. Ce type de construction est également utilisé pour le mur du rez-de-chaussée de la façade est sur la rue de l’Infante.

 

Etages

Au-dessus de cette belle porte monumentale, deux étages de baies vitrées aux linteaux en arc de plein cintre « à la Vénitienne » allègent cette haute façade. Ces baies devaient sans doute être ouvertes à l’origine sur les galeries. On sait qu’une disposition identique sans vitrage existait au XVIIe dans la Maison Lohobiague.

Latéralement, à l’aplomb des deux tours d’angle, des baies hautes et étroites se superposent sur quatre niveaux. Au niveau supérieur, les fenêtres du troisième étage situées dans les tours sont surmontées d’un fronton triangulaire de pierre.

Les niveaux des planchers et des allèges des 1er, 2ème et 3ème étages sont soulignées par des bandeaux saillants de pierre.

Les angles de cette façade et des tours, les encadrements et les soubassements des baies, réalisés en pierre de taille claire, alternent avec des trumeaux, des pans de mur garnis de brique. Ce subtil mariage de la pierre fauve et de la brique rose est caractéristique de l’élégance des façades de la Maison de l’Infante.

Deux tours d’angle surplombent le toit. La tour sud-ouest est carrée, la tour sud-est est légèrement rectangulaire. Percées d’une fenêtre étroite sur la façade sud elles sont coiffées d’un toit à quatre pentes faibles et couvertes de tuile creuse à saillie peu importante.

Au niveau supérieur, une lucarne interrompant le débord du toit est située dans l’axe de la façade. Sa large baie est surmontée d’un fronton triangulaire.

L’examen d’une lithographie du début du XIXe siècle due à Ambroise Louis Garneray nous montre la maison de Joanoenia semblable dans ses grandes lignes à son état actuel mais nous fait apparaître l’absence de lucarne au faîte de la façade sud. Sur ce document les galeries ne sont pas vitrées.

 

Façade est, sur la rue de l’Infante

 

Moins élégante que la façade sud elle est d’un classicisme rigoureux par l’alignement vertical et horizontal des douze fenêtres identiques qui la percent. La hauteur importante de ces baies à linteau monolithe est interrompue par une partie haute fixe vitrée.

Un dessin au cayon daté de 1852 et dû à François Alexandre Pernot nous montre la présence à cette date d’un balcon de bois au niveau du 1er étage sur lequel ouvrent deux portes-fenêtres.

 

Rez-de-chaussée

Sur la partie gauche de la façade sud a été apposée vers 1950 une plaque de fonte carrée aux angles biais de 0,85 m de côté. Elle figure la tête du roi Louis XIV vue de profil, ceinte de lauriers et surmontée de l’inscription : LOUIS LE GRAND. Au-dessous du mascaron circulaire central contenant le royal profil, les mots ROI DE FRANCE sont séparés par trois fleurs de lys. Cette plaque due au dessin de Maxime Real del Sarte fut posée par l’architecte André Bauer.

La porte d’entrée sur la rue de l’Infante est à deux vantaux en chêne, à cadres moulurés, elle présente un intéressant heurtoir en fer forgé. Au-dessus du linteau monolithe de cette ouverture un oculus à l’ovale horizontal éclaire faiblement un long couloir d’accès intérieur.

Au-dessus de cet oculus, une plaque de marbre noir (1,75 m sur 0,9 m) occupe l’intervalle compris entre les deux chaînages saillants de pierre soulignant plancher et allèges du 1er étage. Elle fut posée lors des travaux de restauration importants en 1855. Elle figure en son centre le blason de Joannot de Haraneder au-dessus de cette inscription commémorative gravée en lettres dorées :

L’INFANTE JE RECUS L’AN MIL SIX CENT SOIXANTE ;

ON M’APPELLE DEPUIS LE CHASTEAU DE L’INFANTE.  

De part et d’autre de la porte d’entrée, deux portes basses à deux vantaux ouvrent sur des pièces occupées aujourd’hui par une galerie de produits tissés. Leur linteau monolithe est surmonté d’un mascaron en ronde-bosse figurant un visage barbu mi-homme, mi-lion.

Deux fenêtres rectangulaires dont les volets de bois ont été supprimés il y a peu, encadrent, aux extrémités de cette façade, la porte d’entrée.

Au troisième étage, les combles sont éclairés par trois lucarnes interrompant l’avant-toit, la plus à gauche est accolée à la tour d’angle sud-est. Ces trois lucarnes sont aujourd’hui couvertes de tuile creuse.

 

Façade nord, sur la rue Mazarine

 

Entièrement enduite d’un crépis sombre elle est percée de quatre ouvertures seulement auxquelles s’ajoutent une baie de la haute tour nord-ouest. Contre cette façade banale, sans débord de toit, s’appuie une construction plus récente dénommée parfois « pavillon de l’Infante », appartenant aux propriétaires de Joanoenia.

A la place d’un modeste jardinet qui s’abritait sous la façade nord de Joanoenia est aujourd’hui construit un restaurant saisonnier.

 

Façade ouest, sur venelle

 

Pareillement enduite d’un crépis foncé, elle donne sur une étroite venelle de 1,65 m de large. Un appentis de bois construit dans ce maigre espace est occupé au rez-de-chaussée par un magasin de céramiques et aux étages par des pièces de service. La façade ouest porte les traces (corbeaux de pierre, linteaux inclus dans la maçonnerie,…, etc.) d’ouvertures anciennes de la Maison de l’Infante masqués en 1862 par la construction de la Maison Petit.

 

Toits

 

Le toit de volume principal est à quatre pentes à faîtage en L dont les branches sont parallèles aux deux façades principales. Il est couvert de tuile creuse type canal. De même nature est la couverture des trois tours et des quatre lucarnes déjà mentionnées.

Une grande verrière à deux pentes couvre le puits de jour éclairant la cage d’escalier. La toiture du volume principal comporte un faible débord sans chéneau sur un chaînage saillant de pierre et rive de zinc. Cette disposition peu conforme au mode de construction local fut réalisée à la fin du XIXe siècle pour remplacer des « avant-toits prolongés, soutenus par des consols de bois sculpté ». 

 

Tours

 

Au-dessus de la toiture s’élèvent trois tours dans les angles sud-ouest, sud-est et nord-ouest. Si la tour sud-est présente une section carrée, les deux autres tours sont légèrement rectangulaires. La plus haute tour, du côté de l’océan dominant les faîtages de plusieurs mètres, est élevée en pierre de taille. Elle est percée d’une baie sur chacune de ses façades. C’était autrefois une véritable vigie permettant aux armateurs, propriétaires de Joanoenia, d’observer les mouvements de leurs vaisseaux aux abords de la baie.

 

INTERIEUR

 

Dès l’entrée par la modeste porte ouvrant sur la rue de l’Infante, l’intérieur déçoit. Sa visite conforte l’impression de bouleversements profonds de la distribution interne de cette demeure.

Si l’on sait qu’une restauration (?) fut réalisée en 1855, ce ne fut vraisemblablement pas la seule depuis quatre cents ans. D’autres modifications furent sans doute effectuées avant cette date.

 

Rez-de-chaussée

On pénètre donc aujourd’hui dans la Maison de l’Infante par la porte ouvrant sur la rue de l’Infante. Un long couloir rectiligne conduit à une cage d’escalier à volées droites.

A la droite du pied de cet escalier, une porte ouvre sur un local long et étroit aménagé entre deux murs porteurs, dont la proximité justifie l’idée d’un bouleversement de la disposition interne de l’habitation.

Les différentes pièces du rez-de-chaussée, d’une hauteur sous plafond élevée, sans intérêt architectural sont occupées par des locaux de service ou des magasins d’exposition.

 

Premier étage

Seul le premier étage et plus particulièrement le grand appartement qui en occupe presque toute la superficie aura présentée en cette notice. On accède à cet étage par l’escalier à deux volées droites de largeur très inégales, indice s’il en était besoin de la construction tardive de cette cage d’escalier à la suite de transformations.

Le garde-corps est à balustres en chêne à section carrée. Au tympan supérieur de l’escalier on pouvait voir en 1855 les armes de France peintes avec fleurs de lys d’or et lettres L majuscules semé à l’entour, vestiges de la décoration de 1660.

On entre en l’appartement du 1er étages (celui où aurait logé l’Infante) par une porte à deux vantaux ouvrant sur une immense salle de séjour. Une porte de service à la droite du palier ouvre sur un couloir étroit desservant les pièces utilitaires : sanitaire, débarras, cuisine.

 

Salle de séjour

Seule, une immense salle de séjour de 9 m sur 6 70 m mérite l’attention. Elle est éclairée à l’est par quatre fenêtres hautes à ébrasement de la façade sur rue de l’Infante, le haut plafond est soutenu par trois énormes poutres en chêne et des chevrons transversaux enduits au plâtre et peints.

Ce plafond était, en 1660, agrémenté d’une décoration peinte dont un auteur local évoquait déjà la ruine en 1856 : « Des vestiges de fresques anciennes se montraient, il y a peu de temps, au plafond de la grande salle et des appartements voisins. Entièrement dégradés par les eaux du ciel, qui filtrant la toiture en ruines, les ont lavées pendant vingt ans, il a été impossible de les maintenir, et on s’est contenté d’en reproduire certains motifs partiels. »

C’est aussi probablement en cette grande salle que furent peints vers 1855 par le peintre Gérome, deux tableaux allégoriques selon le goût et la manière du temps. L’un d’eux rappelait l’épisode du mariage de Louis XIV et de l’Infante, l’autre évoquait la réunion politique des royaumes de France et d’Espagne, réalisée brièvement en 1701 et exprimée par les mots attribués au roi-soleil : «  Il n’y a plus de Pyrénées ».

Rien ne subsiste aujourd’hui au plafond ou aux murs de ces diverses décorations picturales, remplacées par des peintures de frises, entrelacs et filets grenats, verts et jaunes sans originalité.

Le plancher moderne est constitué de grands panneaux octogonaux utilisant deux essences de bois en lamelles rayonnantes. Il a été posé sur le plancher d’origine en chêne que l’on décèle par endroits. Cette disposition constructive crée ainsi un seuil de 10 cm avec les pièces contiguës.

Subsiste heureusement depuis 1640 une belle cheminée Renaissance monumentale de pierre blanche tendre. Elle présente d’intéressants motifs décoratifs. Deux piédroits à volute offrent sur leur chant galbé, le déploiement d’une longue feuille d’acanthe sculptée, surmontée d’une tête d’angelot supportant un linteau du même matériau. Au centre de ce linteau, une plaque de marbre noir présente les armoiries de Joannot de Haraneder encadrées d’une inscription gravée en creux et dorée :

 

De part et d’autre de cette plaque, le linteau montre deux poissons (dauphins ?) coiffés d’une couronne, sculptés en ronde-bosse. De leur gueule s’échappe un rinceau en spirale de feuilles d’acanthe. Une hotte droite est rehaussée d’un cadre saillant mouluré que surmonte un médaillon ovale. Un navire trois mats doré, qu’éclaire un soleil d’or, encadré de trois coquilles d’or se détache sur le fond rouge de ce médaillon.

Le foyer de pierre de cette belle cheminée est encadré au sol par une dalle de marbre noire.

 

Chambre nord

La grande salle de séjour distribue au nord une longue chambre. Cette pièce à laquelle on accède en descendant un seuil de 10 cm fut peut-être le lieu de repos de l’Infante Marie-Thérèse. Elle est éclairée par une seule baie à ébrasement ouvrant à l’est sur la rue de l’Infante. Le parquet, fait de planches de vieux chêne de 0,30 à 0,40 m de largeur est vraisemblablement d’origine.

 

La chapelle

A gauche de la cheminée de la salle de séjour, une porte ouvre sur une petite pièce rectangulaire, au plafond voûté de plâtre, qui fut une chapelle, si l’on en croit la tradition populaire. Située dans l’angle sud-est, à l’aplomb de la tour dont elle a les dimensions horizontales, elle est éclairée par deux baies, l’une étroite sur la façade et le port, l’autre, plus large, sur la rue de l’Infante.

 

La galerie

Elle communique avec la salle de séjour par une porte ouverte à la droite de la cheminée monumentale. Cette longue pièce s’étale derrière la façade sud et par ses cinq baies vitrées en arc plein cintre, jouit d’un superbe panorama sur le port et au loin sur Larrun. A la fin du XIXe siècle les baies de cette galerie n’étaient pas encore vitrées, elles le furent plus tard dans un souci de meilleur confort. Sans doute autrefois recouvert de dalles de pierre ou de carrelage, le sol de cette galerie est habillé de parquet en pin. Son plafond est enduit au plâtre.

 

Deuxième et troisième étage

 

Aux niveaux supérieurs, plusieurs appartements ont été aménagés. Ils ne conservent aucune décoration, aucun élément architectural intéressant qui pourrait témoigner du long passé fastueux de la grande et belle habitation de Joannot de Haraneder, entré dans l’Histoire par le bref accueil qu’elle offrit à une jeune Infante d’Espagne devenue reine de France.

 

Extrait du livre « Exaina », sur la Maison de l’Infante.