Histoire Portal

 

 

 

LES PUBLICATIONS

 

Depuis sa thèse de bachelier en médecine, en 1764, jusqu'à son dernier ouvrage qui portait sur la nature et le traitement de l’épilepsie, en 1827, les travaux scientifiques de Portal comprennent tantôt des « Observations sur... », ou des « Instructions à propos de... ». Tantôt des ouvrages d'anatomie, d'anatomie pathologique, de médecine opératoire ou de pathologie expérimentale.

 

Ses « Observations sur la nature et le traitement de... » sont consacrées pour beaucoup à l'Académie des sciences.

 

Ses « Instructions à propos de... » sont publiées sur l'ordre du gouvernement et souvent imprimées aux frais du Pouvoir pour exprimer aux médecins et au public certains problèmes de santé qui les intéressent. Ces publications sont souvent traduites en italien, en allemand, en espagnol.

 

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Portal a publié les ouvrages suivants :

 

I. Dissertatio medico-chirurgica generalis luxationum complectens, Montpellier 1764, in-4°

 

II. En 1769, il fut nommé professeur de médecine au Collège de France, après la publication d’un Précis de chirurgie pratique, contenant l’histoire des maladies chirurgicales et la manière la plus en usage de les traiter, avec des observations et remarques critiques sur divers points, Paris, 1768, 2. volumes in-8°. Cet ouvrage était illustré de nombreuses figures. Portal y avait traité avec beaucoup de faits se rattachant à la physiologie et à l’anatomie, en les expliquant parfois d’une façon toute personnelle et originale, qui constituait un progrès considérable par rapport aux vues de l’époque. C’est ainsi, par exemple, qu’il écrit : « les grandes opérations n’ont de succès que lorsque les humeurs sont parfaitement saines. »

 

III. Vient ensuite son œuvre maîtresse : Histoire de l’anatomie et de la chirurgie, contenant l’origine et les progrès de ces sciences, avec un tableau chronologique des principales découvertes, et un catalogue des ouvrages d’anatomie et de chirurgie, des mémoires académiques, des dissertations insérées dans les journaux, et la plupart des thèses qui ont été soutenues dans les facultés de médecine de l’Europe, en sept volumes, qu’il rédigea entre 1770 et 1773.

Pariset écrit : « Cette Histoire embrasse tous les événements scientifiques de plus de 2 000 années... Quelle immense lecture, quelles recherches infinies suppose un travail de si longue haleine. Et quel monument de persévérance et d’activité, surtout si l’on réfléchit à la jeunesse de l’auteur (il n’avait que 28 ans) et aux occupations presque sans nombre auxquelles il s’était déjà livré. »

Dans cette Histoire de l’Anatomie, Portal ne craignit pas de soulever l’animosité de ses collègues de l’Académie des sciences, en lançant souvent des traits piquants contre plusieurs d’entre eux.

Le comte de Bachaumont, pamphlétaire et critique ne relève-t-il pas dans ses Mémoires, en date du 2 avril 1772, l’amertume de Portal envers un des élèves de Petit : « Le Sr. Duchanoy, élève de M. Petit, a répandu l’année dernière une lettre à M. Portal, lecteur du Roi, Professeur de Médecine au Collège Royal, dans laquelle, pénétré d’un louable enthousiasme pour son maître, il le défend sur la critique que celui-ci a faite des ouvrages anatomiques de M. Petit, mais poussant son zèle sans doute trop loin, il attaque M. Bouvart même, ennemi plus redoutable et plus déclaré encore que son héros. Il se permet une satire directe et ce semble étrangère à la question et fait une accolade de M. Portal et de M. Bouvart très injurieuse. Voici le passage : Le Sr. Duchanoy n’a pas été reçu Docteur. Bouvart a fait prendre un arrêté que tout candidat convaincu d’avoir écrit contre un Dr de la faculté doit être exclu. Le candidat était tenu de faire une lettre d’excuses. Cette lettre a été renvoyée à la faculté considérée comme une nouvelle lettre d’injures et il s’oppose à la réception du Sr. Duchanoy. »

 

IV. Lettres de M. Antoine Portal à M. Antoine Petit, au sujet d’une critique sur l’Histoire de l’anatomie, par M. Duchanoy, Paris, 1771, in-12. Sa façon d’être, sans calmer l’irritation de Petit, valut, du moins, à Portal, l’amitié de Bouvart, qui contrairement à l’opinion de Petit, était resté complètement étranger à toute cette polémique. 

 

V. Lettres en réponse à M. Goulin, Paris, 1771, in-12.

 

La question des asphyxies et de leur traitement l’avait toujours préoccupé et a fait de sa part l’objet de trois importantes études :

 

·      VI. La première de ces études est intitulée : Rapport fait par ordre de l’Académie royale des sciences, sur les effets des vapeurs méphitiques dans le corps de l’homme, et principalement sur la vapeur du charbon, avec un précis des moyens les plus efficaces pour rappeler à la vie ceux qui ont été suffoqués, Paris, 1774, in-12. On y trouve la description des lésions observées par Portal à l’autopsie de sujets victimes d’asphyxie et aussi des lésions qu’il avait pu noter après expérimentation sur l’animal.

 

Nous trouvons, dans un mémorandum adressé au baron de Breteuil, Ministre et Secrétaire d’Etat, par Portal lui-même, des renseignements sur les événements de cette même année :

 

« En 1774, L’academie des Sciences frapée des morts frequentes que la vapeur du charbon occazionnait crût devoir engager le sieur portal L’un de ses membres à publier ses observations sur la nature et sur le traitement des vapeurs mephitiques, il y joignit ses remarques sur le traitement des noyez et sur celuy des enfans qui paroissoint morts en naissent, et qu’on peut facilement appeler à la vie.

Cet ouvrage qui est le premier en ce genre eût un tel succès qu’il feut rependu par ordre du gouvernemt dans tout le royaume et qu’on fit divers etablissemens dont il a suivy l’execution par une corespondence de plusieurs annees avec mrs les intendans de differenters provinces du royaume.

Plusieurs eveques ont fait lire au prone des extraits de cet ouvrage, il a été traduit en italien, en espagnol, en alemend, et en d’autres langues etrangeres ; le sieur portal en a donné six editions en français dans L’espace de trois annees la moindre a été de trois mille exemplaires sans compter les reimpressions que le gouvernement a fait faire dans pluzieurs generalites de sorte qu’il n’y a peutetre pas d’ouvrage qui ait eu un succes plus decide.

La même année 1774, Le sieur portal a eu lhonneur d’etre appele en qualite de medecin consultabnt à L’inoculation des princes freres du roy »[1].

Ajoutons que, selon Boisseau, cet opuscule a été réimprimé un grand nombre de fois, soit à Paris, soit dans les départements. Il a été traduit en italien par Troja en 1777 ; en allemand par Henri Bruh à Mayence en 1808 ; en espagnol, à Madrid en 1806.

 

·      VII. Portal publia un mémoire important sur quelques maladies du foie, qu’on attribue à d’autres organes. Dans le document Breteuil, écrit par Portal lui-même, nous trouvons les renseignements suivants : « En 1777, les accidents funestes et multiplies occazionnés par la morseure des animeaux enragés ayant fixé L’attention du gouvernement le sieur portal publia par son ordre un ouvrage sur la nature et le traitement de la rage qui a été aussy rependu dans le royaume ; il a suivy luy même le traitement de pluzieurs mordües, cet ouvrage a eu trois editions en français, et a été traduit en italien et en alemend. »

Il fut publié en 1779, et depuis lors réimprimé un grand nombre de fois.

 

·      VIII. Peu après, conformément à l’ordre que lui avait donné l’Académie des Sciences de Paris, et sur la demande du Contrôleur général du Royaume, il fit paraître : Observations sur les effets des vapeurs méphytiques dans l’homme, sur les noyés, sur les enfants qui paraissent morts en naissant, et sur la rage, avec un précis du traitement le mieux éprouvé en pareil cas, 6ème édition, à laquelle on a joint des Observations sur les effets de plusieurs poisons dans le corps de l’homme, et sur les moyens d’en empêcher les suites funestes, Paris, 1787, in-8°, pour les intendants de province, une nouvelle édition comportant un long chapitre inédit consacré aux noyés. Il y recherchait, en se basant sur les lésions qu’il avait pu constater, les moyens de rappeler les noyés à la vie. Portal dès le début de son exposé s’insurge avec véhémence contre un certain nombre de pratiques anciennes ridicules et dangereuses, telles que rouler le noyé dans un tonneau ou le suspendre par les pieds ou lui faire pénétrer des fumigations de tabac par le fondement. Il demande qu’on rompe résolument avec ces pratiques ; par contre, certains petits moyens anciennement employés ne sont pas à déconseiller, comme les frictions avec serviette de laine imbibée d’une liqueur fortifiante. Mais le procédé que préconise Portal par dessus tout, auquel il attache le plus d’importance et l’insufflation d’air par la bouche :

 

Archives de l’AP-HP (195 PER 3) p.7

 

Page de titre de l’ouvrage d’Antoine Portal sur les Asphyxies paru en 1775, ouvrage contenant un chapitre sur « La Cause de la Mort des Noyés et les Moyens de les rappeler à la vie ».

 

 « Il suffit, dit-il, de souffler dans la bouche du noyé avec force pour diminuer la viscosité et la quantité de la sérosité qui remplit les voies aériennes. On arrive ainsi à développer les poumons. Un homme vigoureux soufflera donc dans la bouche du noyé, tandis qu’une de ses mains lui serrera les narines pour empêcher l’air de sortir par cette voie et que l’autre main comprimera doucement et à diverses reprises la poitrine. De cette manière il fera faire de légères inspirations et expirations lesquelles peuvent ranimer la circulation du sang. Mais si ce moyen de faire parvenir l’air paraissait insuffisant, désagréable et incommode, on pourrait recourir à l’usage d’un tuyau recourbé qu’on introduirait dans une des narines et dans lequel on soufflerait avec plus ou moins de force en bouchant l’autre narine. »

 

·      IX. C’est ce qui ressort en effet de l’étude que fit paraître Portal, après les précédentes et qui a pour titres : Instructions sur le traitement des asphyxiés par le gaz méphytique, des noyés, des enfants qui paraissent morts en naissant, des personnes qui ont été mordues par des animaux enragés, de celles qui ont été empoisonnées, etc., Paris, 1796, in-12 ; nouvelle édition, Paris, 1816, in-12. Ici Portal fait une grande place aux petits moyens, frictions toniques, lavements irritants par infusion de feuilles de tabac, excitations de la muqueuse nasale par l’alcali ou la fumée de tabac... Il ne déconseille pas les fumigations de tabac par le fondement alors qu’il les avait auparavant sévèrement condamnées. Mais il n’est plus question de l’insufflation d’air par la bouche en employant la technique si simple qu’il avait précédemment recommandée. Il est vrai que parmi les moyens à employer, il cite aussi l’insufflation dans les poumons par une ouverture faite à la tranchée artère, et surtout il signale une variante de sa technique précédemment donnée : la pénétration d’air par le tuyau d’un soufflet introduit dans une narine en comprimant l’autre. A ce propos il ajoute que le résultat est meilleur que « par la bouche souvent contracturée» Ce dernier membre de phrase nous permet, croyons-nous, de penser que dans l’emploi de sa méthode initiale, il y a eu cause d’échec : Portal en effet n’avait pas admis la nécessité de placer la tête du sujet en hyper extension forcée par crainte, disait-il, d’un afflux excessif de sang vers les centres nerveux, ni la nécessité de relever le menton de façon à bien ouvrir les voies respiratoires. La bouche pouvait alors rester contracturée et la langue pouvait gêner la pénétration de l’air. Ce fut sans doute une des raisons pour lesquelles la méthode du bouche-à-bouche qu’Antoine Portal avait présentée en l’appuyant cependant des garanties scientifiques nécessaires, ne connut pas le succès qu’elle aurait dû avoir et ne fut pas retenue.

 

X. Parmi les auteurs français du XVIIIe siècle, c'est de loin Antoine Portal qui a laissé la plus importante et la plus intéressante contribution sur la rage. Son ouvrage de 132 pages est intitulé : Observations sur la nature et le traitement de la rage, suivies d’un précis historique et critique de divers remèdes qui ont été employés contre cette maladie, Yverdun, 1779, in-12 ; traduit en italien, et édité en allemand, à Leipzig, en 1782. Dans son « Avertissement », l’auteur rappelle que son ouvrage fut originellement publié à l’occasion du prix proposé par le préfet de police Le Noir aux membres de la Société royale de Médecine. Dès sa parution initiale, ce livre fut envoyé aux intendants des diverses généralités entre lesquelles la France était alors divisée. Nous en avons un exemple précis en ce qui concerne l’Auvergne où c’est Necker, alors ministre des Finances de Louis XVI, qui était soigné par Portal qui adressa plusieurs exemplaires de son ouvrage à l’intendant de Riom, de Chazerat. Quelques jours après, Portal lui écrivit à son tour. Le compte-rendu de l'ouvrage parait dans le Mercure de France du 25 mars 1780.

 

XI. Un des biographes de Portal a relevé cette particularité : ses Observations sur la nature et le traitement de la phtisie pulmonaire, édité en 1792 (1 volume in-8°; 2ème édition, considérablement augmentée, Paris, 1809, 2 volumes in-8°), porte l’indication du calendrier révolutionnaire, « L’an premier de la République française ». Bien que publié à la vieille de la Terreur, « l’auteur n’en met pas moins une sorte d’ostentation à étaler les noms et les titres des nobles clients qu’il a soignés, et dont plusieurs sont des personnages historiques ».

Il fut traduit en italien, par Federigo (Venise 1801, 3 volumes en raison des additions faites par l’auteur italien) et en allemand, par Muhry (Hanovre 1802, 2 volumes). C’était un bon livre, car Sprengel, l’historien médical, qui se montre un critique sévère et caustique pour les médecins français, déclare que ce traité « est même unique, sous le rapport de l’excellence des caractères assignés pour reconnaître les espèces. »  Cet ouvrage acquit bientôt à son auteur une belle réputation pour la guérison de cette maladie aussi terrible que fréquente dans les grandes villes.

 

XII. Observations sur la nature et le traitement du rachitisme ou des courbures de la colonne vertébrale, et de celles des extrémités supérieures et inférieures, Paris, 1779, in-8°. Ce travail fut traduit en allemand, à Liepzig, en 1798, et en italien, à Venise, en 1802.

 

XIII. Observations sur la petite vérole, Paris, an VII (1799), in-8°.

 

XIV. Mémoires sur la nature et le traitement de plusieurs maladies, avec le précis des expériences sur les animaux vivants d’un cours de physiologie pathologique, Paris, 1800, 1825, 5 volumes in-8°. Tout ce qui, dans cette publication, n’avait pas été l’objet d’une description complète, comme tout ce qui, vu l’importance du sujet, parut à l’auteur manquer de détails et de développement suffisants, devint par cela même un sujet de traité particulier ou de monographie spéciale ; et de là les traités sur la rage, sur l’apoplexie, sur l’épilepsie, sur la phtisie pulmonaire, sur l’hydropisie, sur le rachitisme, les maladies du foie, etc., que nous évoquerons le moment venu.

 

Quand la période révolutionnaire eut cédé sa place à l’Empire, Portal continua de travailler. En 1803, il fit paraître, à 61 ans :

 

XV. Cours d’anatomie médicale, ou Anatomie de l’homme, avec des remarques physiologiques et pathologiques, et des résultats de l’observation sur le siège et la nature des maladies, d’après l’ouverture des corps, Paris, 1803, 5 volumes in-8°, ou 5 volumes in-4°. Toute sa doctrine et son expérience y sont contenues dans la première phrase : « Ce n’est pas seulement pour connoître la structure du corps humain qu’on doit étudier l’Anatomie, ni parce qu’elle conduit à la connoissance des usages de ses diverses parties, mais encore parce qu’elle répand sur la nature les causes et le siège des maladies, des lumières sans lequelles la Médecine ne seroit qu’un aveugle empirique ». Un peu plus loin, il exprimait toute sa philosophie en ces mots : « Il ne faut pas accomoder, comme Riolan le disoit à ses disciples, les choses à son esprit, mais soumettre son esprit à la nature des choses. »

Il s’agit d’un travail immense qui avait occupé toute la vie de l’auteur, où tous les organes de l’économie sont présentés dans leurs rapports de forme, de situation, de développement, de composition, d’usage et de maladie. Non content de chercher les matériaux de cet important ouvrage dans l’expérience des observateurs qui l’avaient précédé, dans les traités de Valsalva, de Morgagni, de Lieutaud, de Sénac, etc., il en puisa la plus grande partie dans sa propre pratique. Cet ouvrage fut jugé digne de concourir aux prix décennaux, et reçut la faveur d’une traduction espagnole, par un médecin de Madrid, le docteur Garcia Suelto. La persévérance de Portal à poursuivre les lésions anatomiques dans la recherche des causes des maladies, semblerait indiquer en lui une prédilection pour le solidisme exclusif. Loin de là, il admet des maladies essentiellement humorales, des cachexies, des cacochymies, en un mot, des vices de liquides capables d’imprimer à tous les systèmes organiques des dispositions fondamentales et accidentelles de maladies. Il ne pensait pas non plus que l’anatomie pathologique pût à elle seule nous rendre raison de tous les phénomènes morbides, et, tout en combattant l’un des premiers le principe de l’essentialité des fièvres, il répétait souvent que les altérations anatomiques sont peut-être encore plus souvent les effets que les causes des maladies.

 

XVI. Observations sur la nature et le traitement de l’apoplexie, et sur les moyens de la prévenir, Paris, 1811, 1 volume in-8°.

 

XVII. Observations sur la nature et le traitement des maladies du foie, Paris, 1813, 1 volume in-8° ou in-4°.

 

XVIII. Considérations sur la nature et le traitement des maladies de famille et des maladies héréditaires, et sur les moyens les mieux éprouvés de les prévenir, 3ème édition augmentée, Paris, 1814, in-8°.

 

XIX. En 1817, Portal communique à l’Académie des Sciences, son Mémoire sur les anévrismes du cœur, puis son XX. Mémoire sur le vomissement. En 1818, son XXI. Mémoire sur la membrane pupillaire, puis son XXII. Mémoire sur les dilatations et anévrismes du cœur. En1820, il lit son XXIII. Mémoire sur les entérites ou inflammations des intestins qui proviennent des maladies du foie.

 

XXIV. Observations sur la nature et le traitement de l’hydropisie, Paris, 1824, 2 volumes, in-8°.

 

XXV. Observations sur la nature et le traitement de l’épilepsie, Paris, 1827, 1 volume in-8°.

 

Portal a publié comme éditeur :

 

1°. En 1767 paraissait l'Historia anatomico-medica, auct. Lieutaud, recensuit et suas observationes numero plures adjecit, uberrimunque indicem nosologica ordine concinnavit (A. Portal, Paris, 1767, 2 volumes in-4°.) de Lieutaud.

Portal, ainsi que Lieutaud le déclare dans sa préface, ajouta au texte primitif de nombreuses observations qu’il avait recueillies dans sa pratique personnelle ; cet ouvrage contient près de 4 000 observations groupées en 728 articles. De plus, afin d’en permettre la lecture plus aisément, et de l’utiliser pour le diagnostic, Portal rédigea entièrement une table, dans laquelle les lésions cadavériques constatées à l’autopsie du sujet, étaient disposées en face des symptômes notés pendant la vie. C’était, en somme, l’application des recherches anatomopathologiques au diagnostic médical. « Cet ouvrage sera toujours, déclara Pariset, un monument précieux pour la médecine... Il faut l’avouer cependant, l’anatomopathologique était encore à cette époque, dans une sorte d’enfance, mais Portal aura toujours le mérite d’en avoir senti l’importance et d’être l’un des promoteurs de ce mouvement, qui a conduit à de si curieuses découvertes. »

Cet ouvrage consacra définitivement la réputation de Portal. Il n’est pas douteux que dans ses cours, dans sa pratique médicale, dans ses publications, il a été l’un des premiers à proclamer la liaison entre les lésions des organes et les symptômes des maladies. Cette idée il l’a répété sans cesse et à satiété et même, plus tard, il fonda un prix à l’Académie de médecine pour hâter les progrès de ce point de la science médicale.

La part qu'il avait prise à cet ouvrage lui ouvrit les portes de l'Académie des Sciences. Toutefois les faits nombreux qui composent cette publication n'attestent que trop les imperfections actuelles de la science qui en faisait l'objet. La plupart sont incomplets ou dépourvus des détails les plus nécessaires au but que se proposait l'auteur, et il n'était guère possible à Portal, en sa qualité de simple éditeur, de faire disparaître tous les défauts de cet ouvrage.

 

2°. Dès son arrivée à Paris, Sénac le prit sous sa protection et lui confia la rédaction de son Traité de la structure du cœur, de son action et de ses maladies. Cet ouvrage fut accueilli avec la plus grande faveur, lors de sa publication, en 1749, par les médecins de l’Europe entière. Sénac, qui s’était également associé à Portal pour une nouvelle édition de cet important ouvrage, lui légua, en mourant, le soin de la publier. Ce fut à ce titre qu’elle parut, en 1774, avec des additions nombreuses que Sénac lui-même avait approuvées peu de temps avant sa mort. 2 volumes avec planches. Pariset fait remarquer que « jusqu'à la dernière postérité, et tant que les hommes cultiveront les sciences, le nom de Portal se liera, dans leur esprit, aux noms de ses deux protecteurs, Sénac et Lieutaud. » 

 

3°. Anatomie historique et pratique, par J. Lieutaud, nouvelle édition, augmentée de remarques historiques et critiques et de nouvelles planches, par A. Portal, Paris, 1776, 2 volumes, in-8°.

 

Dans cette foisonnante iconographie, on sent que Portal n'a quelquefois pas assez de rigueur dans l'interprétation des faits et ses écrits ont parfois des relents de la traditionnelle scolastique.

 

La médecine, de son temps, n'est pas encore une science exacte et l'auteur ne s'en tient pas toujours avec assez de rigueur aux faits qui selon le mot d'un philosophe d'aujourd'hui1 « sont notre gibier ». Nous trouvons encore dans sa langue trop de logomachie avec des relents de la scolastique traditionnelle et même des touches moliéresques. Ses « incrassants » n'évoquent-ils pas « les fuligines épaisses et crasses montées au cerveau de M. de Pourceaugnac ? »

 

à soixante-trois ans d'intervalle : la première et la dernière publication d'Antoine Portal (Pages de titre)

 

La description qu'il donne de la maladie qui a tué Mme de Staël et les conclusions qu'il tire de l' « ouverture » qu'il fit après la mort laissent perplexe : « On ne peut attribuer cette grande maladie qu'à une cachexie ou mauvaise disposition du corps qui pouvait provenir de diverses causes antécédentes. Il en est résulté une affection morbide des nerfs des plexus abdominaux qui se répandent dans le foie, dans la moelle épinière et dans les nerfs qu'elle fournit au tronc et aux extrémités : ce qui a produit la paralysie de celles-ci ainsi que celle de la poitrine, enfin la gangrène mortelle est survenue ».

 

Les traitements qu'il préconise appellent beaucoup de réserves, celui de la rage par les « frictions mercurielles », celui de la phtisie « par les humectages et les rafraîchissants comme l'eau de veau, l'eau de poulet, et les chicorées, l'application de cautères sur les bras, l'usage de l'équitation et de la navigation. »

 

Les dépuratifs trouvent leur emploi dans le cas de « quelques vices acrimonieux, scorbutiques ou vénériens » ; les vésicatoires « réveillent et stimulent les nerfs et attirent à la peau des humeurs vicieuses ». Il recommande à plusieurs reprises cet alcoolat de romarin connu depuis longtemps sous le nom d'« eau de la reine de Hongrie ». Il conseille de recourir aux amers, aux antiscorbutiques, aux béchiques, aux diaphorétiques, aux fondants qui résolvent les engorgements, aux anodyns qui calment la douleur, aux apéritifs qui ouvrent les pores, rendent les humeurs plus fluides et favorisent le mouvement des liquides. Le sirop des cloportes « écrasés en vie » est promu au rang d'un tonique et d'un diurétique. Le conseil qu'il donne « d'appliquer des sangsues au fondement quand le pouls est trop plein » nous fait sourire.

 

A l'opposé de ces quelques erreurs thérapeutiques, il faut reconnaître que Portal nous a donné de très utiles conseils, ne serait-ce que contre les abus de la saignée ; contre les avis de plusieurs médecins successifs qui sont presque tous différents. C'est lui qui préconise la trachéotomie contre cette espèce de strangulation du larynx due à l'esquinancie et que nous appelons le croup. C'est lui qui met l'accent sur les hémorragies digestives par la dilatation variqueuse de la rate - en d'autres termes sur les thromboses veineuses spléniques et portales d'aujourd'hui.

 

Enfin Portal, après Maupertuis, est le premier à voir l'importance essentielle de l'hérédité. « Il y a, dit-il, des maladies qui se transmettent des pères aux enfants » et il cite la phrase de Montaigne : « On voit escouler des pères aux enfants non seulement la marque du corps mais encore une ressemblance d'humeurs, de complexion et d'inclinaisons de l'âme ». Et Portal d'ajouter ces remarques : « Les Bourbons ont presque tous de grands nez et les individus de la branche d'Autriche de grosses lèvres... » ; et ailleurs : « dans combien de familles les épilepsies, les manies, les tremblements des membres ne sont-ils pas communs ? ». Il insiste sur le danger de certaines unions et cite la phrase de Fresnel dans le de Causis Morborum : « Quel bénéfice pour le genre humain si n'avaient licence de procréer que des parents bien sains et bien bâtis ». Et, pour conclure, Portal écrit : « Je désirerais qu'on eût dans chaque famille un registre mortuaire. Que de choses curieuses et utiles n'y apprendrait-on pas ? ».

 

Cependant on puisera toujours dans les ouvrages de Portal une instruction abondante et variée, parce que les observations y sont nombreuses, parce qu'on y sent partout la consciencieuse recherche du bon et de l'utile. Le style d'ailleurs, quoique un peu diffus, est toujours net, facile, sans affectation ; l'auteur ne tombe ni dans l'abondance théorique et fatigante de la dissertation, ni dans la sécheresse numérotée des faits. Remarquons enfin que ce qui nous semble inutile et commun aujourd'hui, était autrefois des vérités nouvelles qu'il fallait hardiment proclamer.

 



[1] - L’orthographe de Portal a été rigoureusement conservée.

1- G. Bachelard.