Histoire Portal

 

 

 

LE JARDIN DU ROI

 

Ce célèbre établissement, qui contient des échantillons de presque toutes les productions du globe dans les trois règnes animal, végétal et minéral, est situé sur la rive gauche de la Seine, entre le quai Saint-Bernard, au nord, la rue Cuvelier, à l’ouest, la rue du Jardin-du-Roi, au sud, et la rue Buffon, à l’est.

 

Dès le XVe siècle, un médecin, Nicolas Houel, fonda à Paris un jardin botanique, qui prit le nom de Jardin des Hapothicaires. Situé dans la maison des Enfants-rouges, il fut détruit lors de la suppression de cette maison, et un jardin analogue fut créé à l’hôpital de la rue de l’Ourcine. Ces jardins botaniques, qui contenaient à peu près exclusivement les plantes thérapeutiques d’alors, avaient été créés pour des besoins locaux. Ce fut au XVIIe siècle que deux médecins conçurent le projet de fonder un vaste établissement où ils réuniraient toutes les plantes médicinales connues, dans le but de faciliter les études médicales par l’étude et l’analyse des plantes. En 1626, Hérouard, premier médecin de Louis XIII, et Guy de La Brosse, son médecin ordinaire, obtinrent de ce prince des lettres patentes les autorisant à acheter au nom du roi, une maison ainsi qu’un terrain de 24 arpents, situés au faubourg Saint-Victor, afin d’y fonder un jardin royal des herbes médicinales. Tel fut le nom originaire de cette fondation, qui fut le berceau du Jardin des Plantes actuel, ou, pour lui donner son vrai nom, du Muséum national d’histoire naturelle. Le terrain choisi était entouré de marais, garantie de fertilité ; mais il avait le voisinage désagréable de la butte des Copeaux et de la voirie des Bouchers, dépôts immondes des ordures de la capitale. (Le charmant labyrinthe actuel ne doit pas à une autre cause l’origine de son terrain accidenté).

 

Hérouard devint surintendant du nouveau jardin, qu’il dirigea jusqu'à sa mort, avec l’aide de son collègue Guy de La Brosse. Ce fut sur les instances de ce dernier et de Broussard que parut l’édit de 1635, fixant la destination du nouveau jardin en ces termes : « Voulons que, dans un cabinet de ladite maison, il soit gardé un échantillon de toutes les drogues, tant simples que composées, ensemble toutes les choses rares en la nature qui s’y rencontre, duquel cabinet ledit La Brosse aura la clef et régie pour en faire l’ouverture aux jours de démonstration. » Le Muséum était fondé.

 

Malheureusement, la Faculté vit d’un œil jaloux la fondation de Bouvard et de Guy de La Brosse, et forma opposition à l’enregistrement de l’édit. On lutta, et force resta enfin au roi et à ses protégés. La Brosse prit possession aussitôt du bâtiment et des 24 arpents de terrain acquis et légués par Hérouard. Il fit disposer le jardin, créa un parterre et y planta des herbes et des plantes nombreuses et variées. Gaston d’Orléans, frère du roi, voulut concourir à l’ornementation du nouveau parterre et envoya des échantillons de son jardin de Blois, célèbre par ses fleurs rares. Outre le jardin, qui atteignit bientôt une étendue de 10 arpents, Guy de La Brosse parvint à former la première collection du Muséum. Il conçut ensuite et réalisa le projet de faire du Jardin du Roi une sorte d’école d’application. Des salles furent consacrées par lui à des cours de botanique, de chimie, d’histoire naturelle et même d’astronomie. Tout cela était accompli dès 1640, année de l’inauguration réelle du Jardin du Roi des herbes médicinales. Guy de La Brosse dressa ensuite (1641) un catalogue des richesses qu’il était déjà parvenu à réunir, et qui comprenait 2 360 échantillons de plantes.

 

Après la mort de La Brosse, le jardin périclita pendant plusieurs années ; mais l’avènement de Colbert au ministère vint changer la face des choses. Un neveu de Guy de La Brosse, le célèbre Fagon, premier médecin du roi, obtint la succession de son oncle et du ministre, l’achat pour le Jardin du Roi des peintures exécutées par le peintre Robert, pour Gaston d’Orléans, des fleurs du château de Blois, créa la chaire de botanique et l’occupa avec succès. Peu après, une chaire d’anatomie était donnée à Joseph Duvernay, et Fagon, cédait la sienne à Tournefort. En 1700, ce dernier partit pour le Levant, en compagnie du peintre Aubriet, et deux ans après il revint avec d’innombrables trésors. En 1708, il fut créé au Muséum deux serres chaudes, premier essai qui réussit à merveille. A la mort de Tournefort, arrivée peu de temps après, Fagon lui nomma pour successeur Sébastien Vaillant, à qui l’on doit l’herbier du Muséum. Enfin à Vaillant succédèrent les deux Jussieu.

 

 

Pendant qu’Antoine de Jussieu et son frère Bernard parcouraient l’Europe et l’Asie, que le premier rapportait d’Espagne et du Portugal des plantes nouvelles et inconnues, que le second parvenait à doter le Jardin des plantes du cèdre du Liban, cet établissement, dont la surintendance appartenait, en vertu d’un privilège, aux médecins du roi, fut si mal administré qu’on supprima le privilège et qu’on mit à sa tête le savant Du Fay. Ce dernier suivit la tradition de Tournefort. Les voyages qu’il fit en Angleterre et en Hollande épuisèrent sa fortune personnelle mais accrurent les trésors de l’établissement confié à sa garde. En mourant, comme s’il voulait rendre à la science un dernier service, Du Fay désigna Buffon pour son successeur. Buffon prit la direction en 1739. Aussitôt, il créa un cabinet d’histoire naturelle, deux salles de curiosités, une de squelettes et céda son appartement pour loger les richesses du Muséum.

 

Les collections occupèrent deux grandes salles des galeries actuelles. En même temps, le célèbre naturaliste rappelait Bernard de Jussieu, destitué par Chirac, créait le laboratoire de chimie et le grand amphithéâtre, chargeait Thouin de tracer le plan du jardin botanique et obtenait de l’État une somme de 36 000 livres, à l’aide de laquelle il put étendre le jardin jusqu'à la rue Saint-Victor par l’acquisition de l’hôtel Magny. Un échange de terrains avec l’ancienne abbaye acheva de donner au jardin son extension définitive, dont la rue, nommée depuis rue de Buffon, fixa la limite extrême.

 

En même temps, Buffon voyait chaque jour ses collections s’accroître. Les Pères missionnaires de la Chine lui adressaient les spécimens les plus intéressants de la végétation de ce pays. L’Académie des sciences faisait don au Jardin des plantes de son précieux cabinet d’histoire naturelle. Le roi de Pologne lui offrait une collection de minéraux, qui tient encore aujourd’hui dignement sa place parmi tant de richesses. L’impératrice de Russie, Catherine II, envoyait des animaux du Nord et des fragments zoologiques. Buffon assista à son propre triomphe et put contempler sa statue élevée à l’entrée du cabinet fondé par lui. Le Jardin du Roi, on peut le dire, était devenu le centre scientifique du monde.

 

A Buffon, mort en 1788, succéda La Billarderie qui émigra en 1792, et fut remplacé par Bernardin de Saint-Pierre. Ce dernier fit construire la serre qui a gardé son nom et à force d’économies parvint à maintenir le jardin commis à ses soins à la hauteur de son ancienne renommée.

 

En 1794, sur la proposition de Bernardin de Saint-Pierre, la ménagerie installée à Versailles et celle du château du Raincy furent transférées au Jardin des Plantes, qui, l’année précédente, avait reçu de la Convention le nom de Muséum d’histoire naturelle, et avait été constitué tel qu’il est aujourd’hui.

 

La Convention fonda au Muséum douze cours nouveaux : minéralogie, chimie générale, arts céramiques, botanique du Muséum, botanique de campagne, culture, zoologie, anatomie humaine, anatomie des animaux, géologie, iconographie. En outre, elle forma, avec des livres provenant de couvents, la bibliothèque du Muséum, et cette bibliothèque fut ouverte au public dès le 7 septembre 1794. Un an plus tard, l’Ecole normale ouvrit ses cours au même muséum. En 1796, le gouvernement autorisa le capitaine Baudin, accompagné des savants Dru et Riedley, à aller chercher à la Trinité une très belle collection que le capitaine y avait laissée.

 

Malgré les troubles de la Révolution, les savants du Muséum continuaient à former en dehors du pouvoir une sorte de petite république privilégiée : aussi lorsque Lucien Bonaparte devenu ministre de l’Intérieur, voulut imprimer à ce corps une direction jugée tyrannique, ce fut un tollé général, et la guerre fut allumée entre le Muséum et l’administration. Fort heureusement, à Lucien Bonaparte succéda Chaptal, qui plaida et gagna la cause des professeurs, fit agrandir l’école de botanique et terminer les galeries supérieures du cabinet d’histoire naturelle. En 1802 commence la publication des Annales, continuées jusqu'à nos jours sous le nom de Mémoires du Muséum. Dès 1796, la collection Desfontaines était venue s’ajouter aux autres ; puis furent créées les collections d’oiseaux rares de Levaillant, celle de Brocheton (1798), etc. Geoffroy de Saint-Hilaire rapportait, vers le même temps, de son long et périlleux voyage en Egypte, de nouveaux trésors scientifiques. Le Muséum acquit encore, en 1804, la collection Gozzola (poissons fossiles) ; en 1805, le célèbre herbier de de Humboldt ; en 1810, un nouveau voyage de Geoffroy de Saint-Hilaire à Lisbonne ajoute de nouveaux échantillons aux collections existantes, et c’est de la même année que date l’établissement définitif des galeries du Muséum telles, à peu de choses près, qu’on les voit encore aujourd’hui.

 

L’invasion des alliés (1814) respecta le Jardin des plantes et ses trésors scientifiques.

 

En 1819, l’État mit à la disposition d’élèves voyageurs, désireux de chercher à l’étranger des collections nouvelles pour le Muséum, une somme annuelle de 20 000 francs. De nouveaux aménagements furent créés vers la même époque ; les parcs furent multipliés ; la longue galerie maçonnée et munie de barreaux de fer fut reconstruite et reçut les animaux féroces ; la volière et la faisanderie furent établies telles qu’elles existent encore. Enfin, en 1830, la Chambre vota une somme de 2 400 000 francs pour l’édification de nouvelles galeries et de nouvelles serres.

 

La grande galerie, actuellement en bordure sur la rue Buffon, fut terminée en 1836. On construisit à la même époque, sur les plans de Rohault de Fleury, les grandes serres situées au pied du labyrinthe. Ces travaux devaient être suivis de l’agrandissement des galeries de zoologie ; mais cette dernière partie du projet ne put être exécutée. Il en est résulté que les collections, de plus en plus nombreuses, ont été entassées dans des ocaux insuffisants où elles se détériorent. Pour remédier à cet état de choses, l’administration des travaux publics a demandé à l’Assemblée nationale en 1872 un crédit de 6 000 000 de francs pour construire des galeries de zoologie et des serres nouvelles ; mais cette proposition a été ajournée par la commission du budget jusqu’en 1874; et l’Assemblée s’est bornée à voter, dans le budget de 1873, une allocation de 200 000 francs, destinée à la construction de laboratoires de chimie et de zoologie, ainsi qu’à l’achèvement de la ménagerie des reptiles.

 

Outres les chaires ouvertes au Muséum jusqu’en 1793, on a créé depuis celles de physiologie comparée, de physique appliquée, d’anthropologie, de paléontologie et de physique végétale.

 

Aujourd’hui, grâce à la Grande Galerie de l’évolution, le Jardin des Plantes bénéficie d’une structure exceptionnelle pour l’accomplissement de sa mission de diffusion des connaissances. En effet, cette immense verrière, fermée au public en 1965 pour des raisons de sécurité, a été rénovée par les architectes Paul Chemetov et  Borja Huidobro et inaugurée le 21 juin 1994. Utilisant les technologies les plus modernes (éclairage par fibres optiques, techniques audiovisuelles et informatiques interactives...), la Galerie présente des milliers de spécimens qui montrent la diversité et la complexité du monde vivant. L’évolution biologique constitue la trame de cette exposition.

 

En dehors du Jardin des Plantes avec la Grande Galerie de l’évolution, le Muséum comprend le zoo de Vincennes, le musée de l’Homme du Trocadéro (avec ses trois chaires d’anthropologie, d’ethnologie et de préhistoire), le laboratoire d’écologie à Brunoy, un magnifique arboretum à Chèvreloup près du Petit Trianon de Versailles, des laboratoires maritimes à Dinard et à Biarritz, un domaine d’élevage de cervidés à Azay-le-Ferron près de Chambord, un parc ornithologique à Clères près de Rouen, un jardin botanique à Samoëns dans les Alpes, le Harmas de Fabre à Sérignan en Vaucluse et un jardin exotique à Menton. Cet ensemble est animé par près de mille cinq cents scientifiques, techniciens et agents d’administration et de service.

 

L’anatomie.

 

Dès juin 1635, soit un mois environ après l’édit de fondation du Jardin Royal, une ordonnance avait stipulé que l’un des trois démonstrateurs nouvellement promus, Marin Cureau de La Chambre, devait se consacrer à « faire la démonstration oculaire et manuelle de toutes et chacune des opérations de chirurgie de quelque nature qu’elles puissent estre ». La chirurgie et donc l’anatomie étaient ainsi introduites dans les programmes d’enseignement.

 

A Marin Cureau de La Chambre, duquel l’activité au Jardin est à peu près inconnue, succède son fils François. Celui-ci, déjà titulaire de nombreuses charges médicales à la cour, choisit le chirurgien Pierre Dionis pour faire à sa place, au Faubourg Saint-Victor, les démonstrations d’anatomie. Or, la Faculté de médecine, dont on retrouve ici l’hostilité permanente, avait réussi à faire interrompre un temps ces démonstrations, comme attentatoires à ses prérogatives. Elle redouble alors ses attaques, d’autant plus violentes que Dionis enseigne l’anatomie humaine « suivant la circulation du sang et les dernières découvertes », doctrines dont elle ne veut point entendre parler. Trop heureux d’épouser sa querelle, le Parlement use du jeu habituel des remontrances.

 

Mais le roi brise net cette campagne d’intimidation ; Louis XIV vient lui-même au Parlement faire enregistrer la déclaration royale du 20 janvier 1673, qui, non seulement laisse aux démonstrateurs du Jardin toute latitude de faire « opérations chirurgicales, dissections et démonstrations anatomiques », mais ajoute que « le premier corps exécuté leur sera délivré par préférence à tous autres, même au doyen et docteurs de la Faculté de médecine de Paris ».

 

Cette fois, la Faculté se le tient pour dit. L’enseignement de l’anatomie prend dès lors et garde une place importante au Jardin ; elle conquiert une réputation méritée grâce aux leçons successives de Dionis, Duverney, Hunaud, Winslow, Petit et Portal.

 

NOMINATION DU BARON PORTAL AU JARDIN DU ROI

 

Estimé, recherché de tous, Portal était particulièrement honoré de l'amitié de Buffon qui lui avait confié sa santé. Buffon ne tarda point à lui donner une preuve de son attachement.

 

Ce grand homme avait l'administration suprême du Jardin du Roi. Antoine Petit remplissait dans cet établissement la chaire d'anatomie et désirait s'attacher, comme adjoint, son suppléant Vicq d'Azyr. Le choix dépendait de Buffon, et Buffon préféra Portal.

 

La nomination se fit en 1776. Dès ce moment, l'existence de Portal fut heureuse, brillante, complète. Il occupait les deux postes les plus élevés de l'enseignement. Associé dans le sein de l'Académie aux premiers hommes de la France, et peut-être du monde.

Extrait de l’Éloge d’Etienne Pariset, secrétaire perpétuel de l’Académie royale de médecine. Paris le 2 septembre 1834.

 

R

 

Pierre Dionis, dans son ouvrage « Cours d’opérations de chirurgie », publié en 1707, rappelle l’atmosphère de ces démonstrations : « J’ai fait pendant huit années celles du Jardin Royal où le concours des étudiants étoit si grand que la plus grande salle destinée à ces démonstrations n’en pouvoit pas tenir la moitié ; c’est ce qui nous obligea de faire des billets cachetez que nous distribuions aux Garçons Chirurgiens qui servoient les Maîtres, qui seuls y pouvoient entrer, et ce pour éviter les confusions par l’exclusion de ceux qui étoient en boutique chez les barbiers, et de ceux que la seule curiosité pouvoit y attirer...

Ces opérations ayant été démontrées dans une des sales du Jardin Royal où on a fait une espèce d’amphithéâtre en attendant que le Roy en eût fait faire un autre plus superbe et digne de sa grandeur. »

 

A la mort de Ferrein, Antoine Petit le remplace avec le titre de Professeur. Présenté et choisi par Buffon, alors très bien en Cour, il est nommé très rapidement par le roi, deux semaines à peine après la mort de Ferrein. La lettre de nomination, datée du 18 mars 1769 (Arch. Nat. AJ15 509 f. 233), ne tarit pas d’éloges sur les protagonistes : « Louis, par la Grâce de Dieu, roi de France et de Navarre, à tous ceux qui ces présentes lettres verront, salut. Sur le favorable rapport, qui nous a été fait de la personne de Sr. Antoine Petit, anatomiste de l’Académie des sciences, Inspecteur des hôpitaux militaires et médecin de la Faculté de Paris, de sa capacité et expérience en anatomie et de son zèle et affection à notre service. A ces causes en agréant et confirmant la nomination et présentation qui nous en a été faite par notre cher et bien aimé le Sr. Le Clerc de Buffon, intendant de notre Jardin royal des plantes cy attaché sous le contrôle de notre Chancellerie nous avons audit Sr. Petit, donné et octroyé et par ces présentes signées de notre main, donnons et octroyons la charge de Professeur royal en anatomie de notre Jardin Royal vacante par le décès du Sr. Ferrein... ».

 

Portal, convoitant aussi la place, sentit naître en lui une amère rancune contre Petit, son adversaire plus heureux.

 

Quelques années plus tard Petit tombe malade. Il demande à Vicq d’Azyrde le remplacer dans ses cours mais Portal veille au grain, il espère cette fois-ci que le poste ne lui échappera pas. Il intervient auprès du duc de La Vrillière, ministre de la Maison du Roi, afin de pouvoir accéder à cette place tant convoitée. Celui-ci le recommande alors à Buffon dans une lettre du 15 mars 1775 : « Je suis instruit Monsieur que M. Petit est dans le dessein de se retirer de la place de Professeur d’anatomie au Jardin du Roy, dans cette circonstance M. Portal qui travaille depuis longtemps à cette partie et dont vous connoissez le travaille depuis longtemps à cette partie et dont vous connoissez le talent aussi bien que Moy désirerai pouvoir lui succéder et je ne puis lui refuser de vous faire connoître l’intérêt que je prends à ce qui le regarde. On ne peut être plus parfaitement que je le suis Monsieur votre très humble et obéissant serviteur. » Cette nomination ne se fera que quelques années plus tard.

 

Buffon faisant durer sa réflexion présentera enfin la candidature de Portal, après la mort du duc de La Vrillière, dans une lettre adressée à la Maison du Roi le 1er mai 1777 : « Nous Georges Louis Le Clerc, comte de Buffon, l’un des Quarante de l’Académie française, trésorier perpétuel de l’Académie royale des sciences, intendant du Jardin et du Cabinet du Roi, à tous ceux que ces présentes lettres veront salut. En ce qui nous a été présenté que le Sr. Antoine Petit professeur d’anatomie au Ecolles dudit Jardin ne remplissait pas les fonctions de sa place et se faisoit suppléer sans notre autorisation ce qu’il seroit nécessaire de lui nommer un adjoint pour que les cours d’Anatomie et de Chirurgie se fassent à la satisfaction du public et dans les temps présents. En conséquence et en vertu du pouvoir à nous accordé par le Roi ainsi qu’à nos prédécesseurs, intendant dudit Jardin Royal de nommer et présenter à Sa Majesté les officiers dépendants de cet établissement ; nous nous sommes duement informé de la personne et du talent du docteur Portal médecin consultant de Monsieur frère du Roi et associé anatomiste de l’Académie royale des sciences, comme aussi de ses bonnes vies, mœurs, religion et de sa capacité bien connue du public dans la science et l’anatomie ; nous l’avons sous le bon plaisir nommé et présenté, nommons et présentons par ces présentes pour être pourvu en qualité d’adjoint et de survivancier dudit Sr. Antoine Petit à la place de professeur d’anatomie et de chirurgie aux écolles dudit Jardin Royal pour ou faire les fonctions en l’absence, soit toutes les fois que ledit Dr Petit ne les remplira pas lui même dans les temps prescrits, scavoir depuis le mois de novembre jusque et compris le mois de février autorisons le dit Dr Portal à faire de plein droit toutes les fonctions relatives à cette place de professeur en Anatomie et Chirurgie conformément aux règlements donnés par Sa Majesté, sans aucune rétribution actuelle et jusqu'à ce qu’il en soit autrement ordonné ; suppliant très respectueusement Sa Majesté d’avoir la présente nomination et présentation pour agréable et sur icelle commande toutes lettres de provisions être expédiées en témoin de quoi nous avons signé ces présentes et fait contresigner par notre secrétaire ordinaire avec apposition du cachet de nos armes. » Le suppléant sans titre de Petit était Vicq d’Azyr, ce qui mettait les autorités de tutelle dans un certain embarras. Amelot, le nouveau secrétaire d’Etat de la Maison du Roi, fit donc cette réponse à Buffon le 24 mai 1777 : « M. Portal, Monsieur m’a remis votre présentation à la place de professeur adjoint de la Chaire d’anatomiste aux Ecolles du Jardin du Roi ; je connais tout le mérite de ce professeur et personne n’est plus disposé que moi à lui rendre justice ; mais il ne m’est pas possible d’acquiescer à l’arrangement que vous me proposez puisque la première condition que vous imposez au Sr. Portal est de donner l’adjonction de la chaire du Collège royal au Sr. Vicq d’Azyr et que cette adjonction seroit absolument contradictoire avec les dernières lettres patentes rendues pour l’administration du Collège royal en 1772. Je ne vous discimulerai pas d’ailleurs que j’ay des vues différentes pour la première chaire qui viendra à vacquer dans ce Collège au reste je serai fort aise de m’entretenir avec vous sur cet objet à mon premier voyage à Paris qui sera je crois lundi prochain. » Peut-être nous manque-t-il un document à moins que Portal n’ait demandé aux autorités le transfert de Vicq d’Azyr au Collège de France pour récupérer plus facilement la chaire du Jardin. La visite d’Amelot à Buffon semble bien avoir eu lieu comme prévu le lundi suivant. Buffon lui remit alors des lettres que nous ne connaissons pas auxquelles il répondit quelques jours après : « Je vous renvoye, Monsieur, les lettres que vous m’avez remises lundi dernier, il me paroit bien facile de concilier les intérêts des Srs. Portal et Vicq d’Azyr si ce dernier supplée le Sr. Petit dans le cours qu’il devoit faire au Jardin du Roi par préférence au Sr. Portal qui eut été moins agréable au Sr. Petit. Cet arrangement ne doit pas nuire au droit que peut avoir le Sr. Portal à la Chaire d’Anatomie du Jardin du Roi, il peut tout au plus en assurer un au Sr. Vicq d’Azyr pour succéder au Sr. Portal lorsque celui-ci succèdera au Sr. Petit. »

 

Enfin, voici la victoire pour Portal. Buffon reçoit le 1er octobre 1778 la lettre d’Amelot lui annonçant la nomination tant attendue au Jardin : « J’ay, Monsieur, l’honneur de vous envoyer les lettres de provision en faveur du Sr. Portal de la survivance et adjonction à la charge de professeur d’anatomie et de chirurgie aux Ecoles du Jardin royal des plantes, dont est pourvu le Sr. Petit, vous trouverez pareillement cy joint votre présentation qui doit être attachée sous le contrescel des provisions de Sa Majesté. » La décision est entérinée dans le registre des décisions du Roi à la date du 30 novembre 1778 (Arch. Nat. AJ15 509 f. 24. Portal n’avait plus qu’à prêter serment de fidélité, ce qu’il fit devant Buffon le 28 janvier 1779.

 

Et c’est ainsi qu’à l’âge de 35 ans il occupait les deux chaires les plus remarquables de l’époque, et qu’il put se voir associé aux hommes les plus éminents dans l’enseignement et la pratique de la médecine. De pareils succès et de pareils suffrages lui donnèrent une telle autorité dans le public, qu’il fut appelé, à côté de Bouvart et de Bordeu, chez les princes, les ministres, les ambassadeurs, etc., comme un des praticiens les plus savants et les plus éclairés. Tout cela n’était que le juste prix de ses travaux, de ses talents, de soin zèle et de son dévouement pour la science.

 

En 1793, le décret de la Convention du 10 juin qui crée le Muséum d’Histoire naturelle lui assigne la Chaire d’Anatomie humaine à laquelle lui succédera, à sa mort, en 1832, Florens, après de nombreuses difficultés, car la suppression de la Chaire était alors envisagée.

 

Voici donc quelles furent les vicissitudes d’une nomination mouvementée dans cet établissement convoité qu’était le Muséum à cette époque.

 

LES COURS DISPENSÉS PAR PORTAL[1]

 

Année 1769.

Anatomie médicale.

 

Année 1769-1770.

Présentation de diverses parties du corps humain.

 

Année 1771.

Éléments de physiologie.

 

Année 1771-1772.

Histoire, description et usages des vaisseaux sanguins ; Loi de la circulatoire à l’état de santé et dans diverses maladies, expérimentation sur l’animal vivant.

 

Année 1772.

Histoire et description du cerveau et des nerfs à l’état de santé et à celui de la maladie.

 

Année 1773.

Causes des maladies et des morts regardant la science anatomique.

 

Année 1774-1775.

Causes des maladies et des morts.

 

Année 1790.

Sièges et causes et signes des maladies.

 

Portal, ensuite, ne joue plus qu’un rôle secondaire. Médecin consultant de Monsieur, membre de l’Académie royale des sciences, etc., c’est un praticien très occupé qui néglige quelque peu ses devoirs de professeur. Il est âgé de quarante six ans, et a beaucoup écrit déjà sur toutes sortes de matières, médecine, chirurgie, anatomie, thérapeutique, etc. Le cours qu’il fait irrégulièrement sera publié une quinzaine d’années plus tard sous le titre d’Anatomie médicale. Paris, 1804, 5 vol. in-4° et in-8°.  

Les derniers jours du Jardin du Roi et la fondation du Muséum d’Histoire Naturelle, par le Pr. E.T. Hamy.

 

 

[1] -  Dans sa séance du 30 octobre 1816, le Conseil des Hospices de Paris a donné les instructions nécessaires pour qu’on délivre à Portal tous les cadavres dont il aurait besoin pour ses cours d’anatomie.