L'histoire des Huré

 

 

 

PIRATES A L’HORIZON

 

 

De 1684 à 1724, les rivages malgaches délaissés par les gouvernements européens deviennent le repaire des pirates. L’occasion est trop belle, la colonisation des Antilles ne leur laisse plus beaucoup de place. La Grande Île représente un abri idéal : quelques bonnes rades protégées par des récifs, des indigènes arrangeants pour leur fournir des vivres, le riche trafic de la route de l’Arabie et des Indes à portée de voile. Aidée par le travail de reconnaissance effectué par les Français, la piraterie s’implante essentiellement sur le littoral Est de Sainte-Marie et dans les localités qui lui font face. La côte ouest, aux mouillages pourtant plus sûrs, est délaissée du fait d’une grande méfiance à l’égard des indigènes, de ressources moindres et de la présence régulière de navires de guerre. Les pirates n’hésitent pas à s’y installer définitivement, se mariant avec les filles des roitelets, établissant des villages fortifiés et tirant parti d’échanges profitables avec les tribus locales. Si les querelles et les règlements de compte ne sont pas rares, ces brigands participent bien plus activement à la vie du pays que les colons qui les ont précédés.

 

Quelques noms marquent cette période : l’Anglais Avery, qui installa ses quartiers au fond de la baie d’Antongil ; le Provençal Misson, un intellectuel révolté, qui fonde avec le prêtre Caraccioli et Tom Tew la république utopiste de Libertalia dans la baie de Diégo-Suarez ; Nathaniel North, surnommé le ″Bon Forban″ en raison de ses qualités humaines et morales.

 

Les pirates disparaissent assez rapidement après 1720, mais leurs descendants métis fondent le royaume Betsimisaraka dont le nom signifie ″Nombreux mais pas séparés″. Ils feront d’ailleurs preuve du même goût pour les armes que leurs ancêtres.

 

 

Betsimisaraka

 

 

Ou Pays des Betsimisarakas, s’étend le long de la côte orientale, depuis la rivière d’Andempona (14° 28’ lat. S.) jusqu'à l’embouchure de l’Iefaka (21° 0’ 45’’ lat. S.). C’est une longue zone littorale, comprise entre la côte et la chaîne qui se développe du nord au sud de Vohémar à Fort Dauphin. Elle occupe le versant oriental de cette chaîne et les terres basses qui se sont formées à l’embouchure des torrents et fleuves côtiers dont ce versant est sillonné. A une très petite distance, quelquefois même au bord de la mer, commencent les montagnes dont le versant est couvert d’un impressionnant fouillis végétal où lianes et fougères arborescentes se mêlent aux ravenalas, cicas, pandanus et palmiers divers. Les palétuviers, les imposants arbres à pain sont omniprésents dans le paysage. Dans cette fantastique débauche de verdure, au milieu d’un air saturé d’humidité, les orchidées sont reines. Phénomène étrange, par endroits, au bord de l’eau, se côtoient cocotiers, fougères et orchidées ce qui semble défier toute la logique de la botanique. De vrais foyers de fièvres.

 

Les embouchures des innombrables cours d’eau sont barrées par les sables qu’accumulent incessamment le grand courant équatorial de l’océan Indien et les vagues de la mer. Aussi les eaux, au lieu de s’écouler librement, forment-elles tout le long de la côte des marais et des lagunes.

 

Les côtes sont peu découpées. Depuis la baie d’Antongil, au nord, elles s’étendent presque en ligne droite et n’offrent que de médiocres mouillages. L’endroit est infesté de requins. Les accidents sont fréquents et les Betsimisarakas ne tarissent pas d’anecdotes à ce sujet, chacune plus savoureuse que l’autre. On n’y rencontre qu’une seule île de quelque importance, l’île Sainte Marie déjà mentionnée, de forme allongée et parallèle à la côte.

 

La province est habitée par une foule de petites peuplades connues sous les appellations les plus diverses et unies entre elles par un lien politique, d’où leur est venu le nom de Betsimisaraka. Cependant, depuis l’embouchure de l’Iharoka jusqu'à Marosika, il y a la tribu des Betanimenas qui ne se confond pas avec la précédente.

 

Le Gouvernement français scindera Betsimisaraka en plusieurs districts, qui seront, en allant du nord au sud : Anonibé, Maroa, Nananara, Ivongo, Vohimasina, Mahavelona et Taomasina (ou Tamatave), Anteva (ou Tanimandry), Vatomandry, Betsizaraina et Tsiatosika.

 

 

Vatomandry

 

 

Vatomandry (ou Vatoumandri), où notre grand-oncle a exercé la plus grande partie de sa carrière, et où il s’est éteint en 1910 terrassé par le choléra, est une petite ville typique située à 150 kilomètres au S.S-O. de Taomasina, à l’embouchure d’un petit fleuve descendu de la chaîne côtière, à la frontière des Betanimènes. Son nom, qui signifie : ″Rocher dormant″, est dû à un énorme rocher noir qui l’avoisine.

 

Vatomandry est arrosé fréquemment par les pluies dues aux nuages que forme l’air chaud et humide venant du large en s’élevant le long du versant du grand massif. On dit que la région connaît deux saisons : « la saison des pluies » et... « la saison où il pleut ». Il y tombe en moyenne trois mètres d’eau au mètre carré, répartis dans deux cents jours. Des cyclones y sévissent chaque année balayant le littoral et entraînant de nombreux dégâts.

 

Son port, formé par l’embouchure du fleuve serait commode si la passe n’était pas obstruée une partie de l’année par les sables. En outre, sa rade foraine est mauvaise en toute saison. C’était cependant une des principales places maritimes de la côte orientale d’où le transport des marchandises vers Tananarive se faisait à dos d’homme. Au temps de notre parent, le commerce avec l’Europe était assez actif et plusieurs maisons européennes et américaines y étaient établies. Il existait dans les environs immédiats deux grandes plantations de canne à sucre exploitées par des Anglais. Quelques essais de plantation de café avaient assez bien réussi et se sont perpétuées jusqu'à nous.

 

Le Général Galliéni, dans Neuf ans à Madagascar paru chez Hachette & Cie à Paris, en 1908, page 201, ajoute : « Vatomandry, à une soixantaine de km au nord de Mahanoro, offre des ressources analogues. Cette petite ville, - qui est à vol d’oiseau le point de la côte est le plus rapproché de Tananarive - avait eu, pendant de longues années, à peu près la même importance que Tamatave comme point de débarquement et d’expédition des marchandises à destination de l’Emyrne. La construction du chemin de fer et du canal des Pangalanes a modifié cette situation et c’est surtout dans l’exploitation des ressources locales que Vatomandry devra désormais chercher ses éléments de trafic et de prospérité. »