L’ODYSSÉE DE MARC FORT
FECIT POTENTIAM, pour chœur.
Notre génération a connu, sur une grande échelle, la guerre, la détresse, la misère, l'espoir, les déplacements de population, mais aussi les tours de force des reconstructions. Par là, l'étude et la compréhension du destin de nos ancêtres prennent un nouvel intérêt.
Lorsqu'on s'entretient aujourd'hui avec des descendants de huguenots, on entend souvent ce jugement qui n'est pas une condamnation : « Comment nos aïeux ont-ils pu quitter patrie et famille à cause de leur foi ? Je ne comprends pas ! ». Cette opinion largement répandue peut s'expliquer surtout par le fait que nous vivons en un temps où la liberté de croire et la tolérance - même s'il s'agit souvent de mots vides de sens - sont des idées admises qui rendent difficile, surtout pour les jeunes, de se replacer à l'ère de l'absolutisme. L'époque du "Refuge" est loin derrière nous ; pour comprendre la conduite de nos aïeux, il était nécessaire de connaître, au moins en gros, les événements politiques, voire politico-religieux, les circonstances économiques propres à ce temps-là, les conditions d'existence en France, dans la province et dans le lieu d'origine lui-même, enfin la vie et l'entourage des dirigeants de l'époque.
Qui furent les plus fidèles : ces Réformés français qui, pour
leur foi et par conviction religieuse, confiant dans
Qui devait rester, qui allait partir, certainement la décision intervint souvent, mais pas toujours, d'un commun accord. Il en fut de même à Saint-Auban, dont nos ancêtres constituent - pas exclusivement il est vrai - notre sujet.
Buis-les-Baronnies, dont dépend Saint-Auban, est situé au centre d'un bassin agricole fertile. Ce vieux bourg est renommé pour son marché du tilleul, le plus important d'Europe. Il est souvent éprouvé pendant l'été par la sécheresse, et rendu dangereux, au printemps et à l’automne, par les crues de l'Ouvèze1. A l'époque, la région était surpeuplée de façon dramatique. Il serait déraisonnable de nier que dans ces conditions l'espoir de trouver ailleurs une existence plus sûre et mieux considérée a joué un rôle. Les incitations lancées par les princes réformés d'Allemagne s'infiltraient en France par des voies secrètes, et étaient certainement connues. Elles favorisèrent l'organisation de mouvements d'émigration d'une assez grande ampleur. Même dans les familles à la foi la plus rigoureuse, un membre au moins resta sur place afin de conserver, dans toute la mesure du possible, le patrimoine. Aucune de ces vieilles familles protestantes ne disparut alors totalement du village. Mais devenues ou non "nouvelles catholiques", elles perdirent leur rang. Bon nombre tombèrent dans une misère complète. Restèrent en arrière les plus âgés ; ils ne voulurent pas abandonner une patrie où ils avaient de solides racines. Demeurèrent sur place également des opportunistes, des sceptiques, entre autres ceux qui, appartenant initialement à la religion réformée, intervinrent comme témoins lors de l'abjuration générale ; enfin des femmes et des hommes plus libéraux en matière de croyance religieuse.
Gravure de Jan Luyken
Le départ des huguenots
A la suite de la révocation de l’édit de Nantes le 18 octobre
1685, les protestants quittèrent en grand nombre le Royaume. Ils enrichirent
les pays qui les accueillirent des techniques et des capitaux dont ils appauvrirent
Se résolurent à la fuite des adultes et des jeunes gens à qui leur foi, leur sentiment de l'honneur, leur tempérament ne permettaient pas de vivre en citoyens de deuxième ou troisième ordre, ou tout au moins d'être dans l'obligation de ne pas vivre conformément à leur conscience. C'étaient les caractères les plus solides. A quelques très rares exceptions près, nos ancêtres réfugiés donnaient l'exemple d'une fidélité à toute épreuve, non seulement en matière de foi religieuse, mais également dans la vie quotidienne. Ils connurent et surmontèrent un exode douloureux et périlleux à travers les Alpes, des pillages répétés dans le Palatinat, la misère dans une Suisse appauvrie, l'incertitude sur leur avenir, l'exil, des marches très longues, la détresse entraînée par la guerre sur le territoire d'un prince versatile, les fatigues de toutes sortes consécutives à l'établissement dans un pays étranger, au climat inhabituel, au milieu d'un entourage rarement bien disposé au début, de race et de langue étrangère.
C'étaient des hommes avec leurs faiblesses, entêtés, pointilleux, s'emballant, se rebiffant ; mais aussi, dans leur grande majorité, c'étaient des hommes sachant ce qu'ils voulaient, prêts à se sacrifier, d'une profonde religiosité, travailleurs. Ennemis de tout faste, menant une vie simple, même dans une position élevée ou dans des circonstances heureuses, ils s'attirèrent la considération générale. Ils n'étaient ni des débiles ni des sots, et ils représentèrent, pour les pays où ils trouvèrent asile, un apport apprécié.
Honorons leur mémoire !
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Marc Fort, sa femme Olympe et leur fils Jean-Louis seront les premiers Fort de Saint-Auban-aux-Baronnies à aller se réfugier en Suisse. Nous le savons par le dénombrement de 1693.
Comme, avant eux, un certain Jacques Fort, originaire de Silhac, mandement de Chalencon-en-Vivarais.
Mais le 29 septembre 1691, ce dernier sera arrêté sur les frontières
de
C.N.A.C. Paris
La révocation de l’édit de Nantes s’inscrit sous le signe des quatre cavaliers de l’apocalypse, comme si la vision de Saint-Jean se matérialisait dans une France ravagée par cet acte odieux. En consacrant une série de seize gravures à l’apocalypse Albert Dürer traduit à merveille l’atmosphère angoissée dans laquelle se débattaient les huguenots.
Le livre de Gaston Tournier donne un autre Fort condamné aux galères. Il s’agit de François Fort, de Valleraugue, Gard, matricule 12.137. Son signalement est identique à celui de Jacques. Taille moyenne, cheveux châtains, visage rond. Sont-ils parents ? Nous ne pensons pas en tout cas qu’ils soient parents de ceux de Saint-Auban. Mais sait-on jamais.
Les cailloux blancs
Aujourd'hui nous n'avons pas la possibilité matérielle d'indiquer avec précision le trajet suivi par Marc Fort et la communauté partis en éclaireurs de Saint-Auban, pour gagner le chemin de Genève, de Suisse et du Brandebourg.
Ce n'est qu'une question de temps.
Les fugitifs étaient munis de sauf-conduits et tout au long
de leur route ils ont été secourus. Ils signaient des reconnaissances en
échange d'une assiette de soupe ou d'un toit pour la nuit. Les centres qui
les ont accueilli conservent dans leurs archives ces reçus. Ils sont actuellement
saisis sur ordinateur. C'est un travail considérable car il représente plusieurs
centaines de milliers d'écritures, et si le Pays de Vaud,
Ce fichier informatique sur le Refuge huguenot est conservé quelque part en France. Il n’a pas encore trouvé son établissement définitif ni son mode d’exploitation.
En attendant, nous relatons la deuxième partie de leur voyage tel qu’il est le plus souvent écrit dans les livres.
Dispersés à tous les vents 3
Une fois franchie la frontière entre
Sur le lac Léman, le passage de la frontière vers
Une fois les fugitifs arrivés dans
N'étaient traités en mendiants que ceux qui après avoir traversé
Genève ou le premier canton de
Si l'on choisissait la marche à pied, surtout à la saison froide,
on utilisait à partir de Lausanne, où la plupart arrivaient par Ouchy, la
vieille route de
De là, en contournant le territoire de Lucerne, strictement catholique, on pouvait continuer sur Lenzburg par Burgdorf, les bailliages d'Aarwangen et Aarburg ; puis par le comté (catholique) de Baden qui dépendait en partie du canton de Zurich. On obtenait ainsi un sauf-conduit. Enfin, les fugitifs, par Eglisau, fréquemment cité dans les textes, atteignaient Schaffhouse.
Mais à l'époque règnent à Schaffhouse des circonstances très difficiles. Y arrivent constamment en foule : des Piémontais, qui veulent ou ont voulu s'installer dans l’Empire, des réfugiés français ou piémontais venant du Palatinat, de Bade-Durlach ou du duché de Wurtemberg. La ville héberge à ce moment-là plus de fugitifs qu'elle ne compte d'habitants ; elle doit mettre à ses frontières des postes de garde avec ordre de ne laisser pénétrer personne. Mais en vain.
Société d’Etudes des Hautes-Alpes. Gap
Croquis d'ensemble des itinéraires suivis par les Réformés au départ de Genève ou Lausanne
Henri Arnaud se dépense auprès du conseil municipal pour l'accueil des Français et Piémontais refluant du Palatinat. A la fin de l'hiver 1689, ils sont des milliers à "camper en plein air avec femmes et enfants, quémandant à genoux un morceau de pain pour la miséricorde de Dieu et l'amour du Christ". Ils sont traités de pire façon qu'en pays catholique, à peine mieux qu'en prison. C'est à faire pitié !
En 1699, les cantons suisses, saturés, ont organisé des départs massifs pour diriger les réfugiés, dont ils ne pouvaient supporter la charge, vers les États d'Allemagne demandeurs de main-d'œuvre.
Aux réfugiés qui voulaient gagner les régions de Stuttgart, Heidelberg, Francfort, où ils espéraient trouver un asile, trois voies s'offraient : la voie fluviale, la grand-route (ou route postale) parcourue par les voitures, les petits chemins et les sentiers suivis péniblement à pied. Le choix était dicté essentiellement par des considérations financières.
1- Le voyage en bateau était coûteux, sauf arrangement particulier en cas de transport d'une certaine importance. Sur un bateau ne transportant que des voyageurs, le trajet Bâle-Strasbourg coûtait sept reichstaler par personne. Par temps favorable, bonne visibilité, et à la saison où le soleil se lève tôt et se couche tard, le voyage pouvait s'effectuer dans la journée. Si l'on empruntait une péniche de marchandises, le prix dépendait du chargement emporté, du nombre des voyageurs et aussi de l'importance du pourboire dû au pilote et aux membres de l'équipage.
De toutes façon, le voyage était aussi bien moins onéreux que sur les bateaux réservés aux particuliers. Mais souvent il fallait compter avec des arrêts ou d'autres incommodités, et il était douteux que l'on arrivât plus vite qu'en allant à pied, surtout si le temps était mauvais, ou pendant l'hiver, ou en période de basses eaux.
Les personnes âgées incapables de faire des étapes à pied, les mères et les enfants, ont certainement choisi, en partie, la voie fluviale. En effet, sur les listes de Francfort figurent des personnes qui n'ont pas reçu d'argent pour le voyage, ni à Schaffhouse, ni à Zurich, et donc ont vraisemblablement embarqué à Yverdon, évidemment pas isolément, et sûrement sur des barques transportant des marchandises les moins coûteuses.
De Bâle, les réfugiés pouvaient gagner Francfort et même remonter le Main au moins jusqu'à Kitzingen.
2- Ceux des fugitifs qui avaient du bien ou occupaient une situation élevée pouvaient payer leur place à bord des voitures publiques qui desservaient le pays à un rythme des plus irréguliers, et ils le faisaient volontiers. De même, les personnes âgées ou malades étaient transportées sur des charrettes, de Schaffhouse jusqu'à Tuttlingen ou Tübingen, souvent aux frais de la caisse des réfugiés. Ces véhicules empruntaient les routes postales, les grands-routes, dont la sécurité incombait aux seigneurs du territoire traversé. La circulation y était gratuite, sans considération de confession. Il existait des droits de douane ou d'escorte pour les marchandises de toute nature ainsi que pour le bétail. Les convois recevaient une escorte armée.
Les pataches de Wurtemberg existaient depuis 1683. En raison de l'étroitesse des routes, les chevaux étaient attelés en flèche, le dernier seul se trouvant entre les brancards. Ces routes couraient par monts et par vaux ; souvent transformées en fondrières au printemps et à l'automne, elles étaient creusées en leur milieu de profondes rigoles ; elles n'étaient consolidées tout au plus que dans les passages escarpés. Des relais étaient organisés, parfois avec des bœufs.
La vieille route postale de Schaffhouse ne fut à peu près remise en état qu'après 1750. Par Engen, elle atteignait Tuttlingen, territoire würtembourgeois enclavé dans les possessions des Habsbourg. De Tuttlingen à Balingen, autre ville würtembourgeoise, la route était encore en très mauvais état. Elle continuait ensuite sur Tübingen, où elle franchissait le Neckar, et atteignait en fin Stuttgart par Waldenbuch.
Société de l’Histoire du Protestantisme Français. Paris
Dans une demeure particulière de Schaffhouse se trouve un plafond en stuc de Samuel Höscheller, daté de 1687. S’il n’est pas encore prouvé que le médaillon central représente un réfugié français, le costume, l’inscription ″Il faut souffrir pour espérer″, la date et les symboles (les nids de serpents au sol, et, sortant des nuages, une main tenant un rameau) parlent en faveur de cette hypothèse.
Ce fut cette grand-route que suivit le pasteur d'Olympie, de Schaffhouse, qui, à la demande du sénat de Zurich, devait enquêter sur le sort des réfugiés et régler sur place les problèmes les concernant. Parti le 23 octobre 1687, il arriva à Stuttgart quatre jours plus tard. Personne de qualité, il paya deux livres par jour rien que pour les locations de chevaux aux relais ; aux voyageurs plus modestes, il était moins demandé.
De Stuttgart à Heidelberg, la route postale, par Bretten, était déjà utilisée par la poste montée de Thurn et Taxis, mais elle n'était que rarement choisie par les réfugiés, car elle aboutissait aux territoires dépendant du Grand chapitre de Spire.
3- Les réfugiés n'étaient autorisés qu'à traverser les territoires dépendant des Habsbourg, du Wurtemberg ou du Palatinat. L'itinéraire choisi devait éviter les terres catholiques, en particulier la ville de Rottweil.
Or, la région que traversaient les fugitifs était caractérisée
par un morcellement extraordinaire sur le plan de la souveraineté territoriale.
D'autre part, elle était d'un relief accidenté. C'était le Jura souabe,
avec sa succession de côtes abruptes, de montées et de descentes imposant
des fatigues répétées aux piétons. Car c'était à pied que la plus grande
partie des réfugiés gagnaient, depuis
Il va de soi qu'ils se groupaient presque toujours pour traverser
ces pays étrangers, restant en route environ une semaine jusqu'à Stuttgart,
et cinq à six jours de plus jusqu'à Heidelberg. Le guide de chaque groupe
recevait une fiche portant les noms et le nombre des participants, leur
lieu de départ en Suisse et leur lieu d'arrivée. Chaque père de famille
ou adulte voyageant isolément devait en outre être pourvu d'une attestation
établie par une église de
Les archives locales ou municipales ne gardent, malheureusement guère de traces du passage de ces groupes plus ou moins nombreux. Il est possible néanmoins, si l'on dispose de cartes anciennes, de reconstituer l'itinéraire que la plupart ont dû utiliser.
Dans les listes de réfugiés établies par Speissegger se trouve calligraphiée de sa main, la note ci-après :
"De Schaffhouse à Heidelberg, route pour aller à Francfort sur le Mein :
Herblingue, Schlat am Randen, Biningue, Veleschingue, Engue, Biesendorf, Doutelingue, Betigue, Vehingue, Telchhofen, Taillingue, Dotenhause, Nendingen, Balingue, Engeschlat, Wuestmuehle, Bolzhouse, Ofterdingue, Duslingue, Tubingue, Lusnau, Dotenhause, Valtenbouch, Mahingue, Stusgart, Naschberg, Bietlingue, Buningue, Braknam.
De Heidelberg, il faut
aller le long de
Les noms des localités sont visiblement écrits de façon que, prononcés par un Français non familiarisé avec la langue, ils puissent être à peu près compris par une oreille allemande.
Ainsi cheminait-on, à travers champs et bois, par des sentiers ou petits chemins, parfois plus court que la grand-route, mais de parcours plus difficile. Il fallait trouver, bien que ne connaissant pas le pays, les gués, les ponts.
Il est probable que, lors des péages, comme sur le célèbre
pont de pierre de Bietigheim, sur l'Enz, long de
Dans les bourgs ou petites villes, ils trouvaient aide et asile. A Tuttlingen, les hospices étaient presque inexistants, les personnes tombées malades en route devaient donc chercher une auberge acceptant de les recevoir à un prix raisonnable. Les réfugiés qui se présentaient au pasteur luthérien pour solliciter un secours obtenaient de lui de trois à six kreutzer.
A Balingen, les malades pouvaient être accueillis à l'hospice ou dans une auberge, les dons reçus étaient notés sur l'attestation délivrée par l'église. A Tübingen, petite ville universitaire, le pasteur luthérien avait la charge de ses frères en religion, dont chacun recevait, s'il se présentait, un batzen. Les malades étaient transportés à Stuttgart à cheval ou en voiture.
Depuis que l'on foulait le sol du Wurtemberg, il n'y avait plus lieu de s'attendre à des difficultés sérieuses, car Friedrich-Karl zu Winnenthal, qui administrait le duché au nom du duc Eberhard-Ludwig encore mineur, était rallié à la cause des princes d'Orange et bien disposé à l'égard des fugitifs pour fait de religion.
Toutefois, à Stuttgart même, les étrangers n'avaient pas été toujours - surtout en l'absence du Régent - traités avec beaucoup d'humanité. Que les voyageurs aient été logés dans des couloirs, des écuries, des granges, cela s'explique. Mais d'Olympie se plaint auprès du Président du Consistoire luthérien que des réfugiés se soient vu parfois refuser un toit.
A partir de Stuttgart, les réfugiés continuaient parfois sur Heidelberg, Francfort, Cassel, Magdebourg et Berlin, ou bien, ayant atteint le Rhin à Mannheim, non loin de Heidelberg, certains se dirigeaient vers les Pays-Bas, généralement par la voie fluviale. Il y avait aussi ceux qui, sans passer par Stuttgart, suivaient la vallée du Danube jusqu'à Ulm, puis remontant vers le Nord, par Nördlingen, Gunzzenhausen, Schwabach, Bayreuth, poursuivaient leur périple laborieux jusqu'à Leipzig et Berlin.
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C'est dans le margraviat de Bade-Durlach4, à Auerbach, que Marc Fort, sa femme et ses deux enfants nés à Saint-Auban, arriveront au terme de cette épuisante fuite en avant.
Leur bonheur était grand d'avoir trouvé enfin le repos - du moins le croyaient-ils - et une nouvelle patrie.
Dans le margraviat de Bade-Durlach 5
Le margrave luthérien, Frédéric VII, leur assura la liberté de conscience et de culte.
En 1699, les villages de Friedrichstal et Welchneureut furent fondés par des réfugiés français ; d'autres, comme les Fort, s'établirent à Auerbach. D'autres encore, à Fleinsteinbach, Langensteinbach, Pforzhein, Mühlburg, Graben, Staffort et Spoeck. Dans le duché voisin, en Württemberg, des groupes se fixèrent à Dürrmenz, Schönenberg, Corres, Pinache, Pérouse, Großvillars, Kleinvillars et à Palmbach annexé en 1806 à Bade.
Société d’Etudes des Hautes-Alpes. Gap
Villages vaudois dans la région d'Auerbach
A Welschneureut s'établirent des vaudois des hautes vallées du Piémont et de
Outre Friedrichstal6, qu'ils fondèrent, ils s'établirent dans presque toutes les autres localités du margraviat.
Les réfugiés de Bade et du Württemberg furent groupés sous l'autorité d'un même synode réformé. Des luthériens vivaient au milieu d'eux. A partir de l'"Union", en 1821, il n'y eu plus de différence entre luthériens et réformés badois.
Auerbach
Marc Fort et sa famille habitent en 1711 Auerbach.
Il est qualifié de "ménager"7.
Pourtant, en 1707, les colons de ce petit village des avancées
de
Alors, à Auerbach et à Welschensteinbach tout proche, de même que dans l'enclave würtembergoise d'Untermutschelbach, une partie d'entre eux décidèrent après l'expiration des années de franchise, de reprendre une fois encore leur bâton de pèlerin. C'est en Prusse Orientale, dans de larges zones dépeuplées par la peste, qu'ils espéraient trouver un avenir meilleur.
Ils ont dû quitter le pays de Bade avant le 19 juillet 1709. Dans leur migration vers le nord, ils n'ont pas demandé d'aide au diaconat de la communauté de Francfort, ce qui se conçoit aisément. Ils n'étaient plus alors sur les chemins "à cause de religion" ; ils avaient quitté leurs petites exploitations de leur propre volonté, après l'invasion française, et sept ans après la conclusion de la paix, afin de s'établir en un lieu qui leur paraissait plus propice et pour bénéficier de nouvelles années de franchise, lesquelles, il ne faut pas l'oublier, devaient être payées par un dur travail de défrichage.
Marc Fort compte parmi ceux qui restèrent.
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Les recensements précisent que Marc Fort, ménager venant du Dauphiné, était établi en Württemberg en 1699, avec sa femme, née Olympe Gautier, sa sœur, et quatre enfants.
En 1709, Marc Fort figure sur le rôle des bourgeois et fils de bourgeois de la colonie d'Auerbach.
Au recensement de 1711, il est écrit qu'il demeurait encore à "Urback (N.D.T. : lire Auerbach), pays de Dourlak" (Lire Durlach).
Olympe Gautier est morte à Auerbach avant le mariage de son fils Jean-Louis, c'est-à-dire avant 1711.
Marc Fort est mort entre 1711 et 1719. Peut-être à Auerbach.
On peut supposer que Marc Fort s'était remarié, puisque sa "veuve" résidait encore à Auerbach en 1719.
Sur ses quatre enfants, nous n'avons retrouvé que Jean-Louis né à Saint-Auban.
Ce dernier rejoindra ses parents Fort, établis à Magdebourg, où il épousera sa cousine le 11 octobre 1711.
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C'était alors un va-et-vient de célibataires ou de familles, souvent à la suite de mariages, entre colonies voisines ou vers un village allemand ; néanmoins les descendants des immigrés se sont presque toujours fixés à demeure et lentement acclimatés dans leur nouvelle patrie, mais à vrai dire réduits par les décès de façon extraordinaire au cours des deux générations suivantes.
A partir de la deuxième ou troisième génération, la connaissance du français se perdit. Peu de noms français subsistent encore. Les familles ont disparu, ou émigré, ou ont germanisé leur nom (Horne est devenu Hornung, Roux Ruh, etc.). Par contre, des scribes français ont souvent francisé les noms allemands (par exemple, en 1713, à Friedrichstal, on écrit Chendaler pour Schoentaler).
Extrait du n° 27 - 1er & 2 ème trimestre 1998, de la revue « Patrimoine, Histoire et Culture des Baronnies ».
1 - On en a de nombreuses mentions,
notamment dans un très brillant travail paru dans le « Bulletin de
2 - Les galériens de ″
· Elie Bedar, capitaine danois de Royan en Saintonge âgé de 41.
ans ou environ fut pris en mer sur le vaisseau dit
· Jacques Vigne de Guon en Daufiné âgé de 42. ans fut condamné aux Galères à Montélimar en 1688 pour luy avoir trouvé des armes à feu, qu’il vérifia n’être point à luy, et des livres pour son usage ausquelles Galères il professe ouvertement la vérité.
· Jacques Fort de Silan dans le mandement de Chalancon en Vivarès
agé de 54. ans fut arrêté pour sa R. et pour assemblée qui se fit à Beauregard
en Vivarès et on le mena à .... où le Sr. de Moular Juge de
Extrait de : « Les galères de France et les galériens protestants ». Chapitre
: « Liste générale des confesseurs de
Gaston Tournier. Les Presses du Languedoc. 1984.
3 - Inspiré de divers extraits de "Zerstreut in alle Winde" de Eugen Bellon. Traduction A. Golaz. Société d'Etudes des Hautes-Alpes. Gap 1981.
4 - N.D.T. : En 1527 le pays de Bade
avait été partagé en deux margraviats : le margrave de Baden-Baden, au
sud, restant catholique, tandis que celui de Baden-Durlach adopta la réforme.
Durlach, qui fut capitale jusqu’en 1724, est à
5 - Extrait du « Bulletin de
6 - Nous localisons d’autres FORT à Friedrischstal, et sur le « rôle des français réfugiés dans le Palatinat en 1700 » (ligne 287), Abraham FORT, manoeuvre, et son épouse, mais nous n’avons pas suffisamment d’éléments les concernant pour retrouver la parenté.
7 - "Ménager" signifie aujourd'hui "agriculteur".
Le Brandebourg fut dévasté et ruiné par la guerre de Trente Ans. Sa population réduite de moitié. Pour attirer une nouvelle couche de population, les électeurs margraves attribuèrent des terres aux émigrants. Des lopins souvent marécageux et infestés de moustiques. Beaucoup de ces "ménagers" périrent de la malaria.