Appendices Fort

 

 

 

LES VAUDOIS

 

 

QUI FECIT MIHI MAGNA, pour basse.

 

 

Influencés par leur seigneur Pape[1] Saint Auban, nos ancêtres Fort, à l’origine des Vaudois, optent pour la Réforme.

En conséquence, à deux reprises ils seront martyrisés pour la défense de leurs convictions religieuses.

Nous allons tenter de faire revivre leur abominable calvaire.

 

 

Les Vaudois

 

 

Pierre Valdo

 

Les Vaudois sont célèbres par la pureté de leurs mœurs et les horribles persécutions dont ils furent victimes. Ils tirent leur nom de Pierre Valdo2, leur fondateur. Cet honnête homme, né au commencement du XIIe  siècle, près de Lyon, était un riche marchand qui se dépouilla de ses biens pour les donner aux pauvres. Ayant vu dans l’Évangile que les disciples immédiats du Christ formaient une société fort différente de celle qu’il avait sous les yeux, en ce que nul n’y possédait rien en propre, il jugea que le meilleur moyen de ramener les hommes à cette société ″selon le cœur de Dieu″ était de mettre sous les yeux de tous, traduit en langue vulgaire, le Livre de la loi chrétienne. Pierre Valdo prétendit, en outre, que tout homme qui observe les commandements du Christ est prêtre et apôtre, et que tout laïque qui pratique la pauvreté volontaire possède un pouvoir plus réel et plus légitime de remplir les fonctions sacerdotales et de prêcher l’évangile que les prêtres écartés de la pauvreté apostolique. Il disait aux prêtres : « Votre force doit résider dans le renoncement et la pauvreté. Or vous donc qui êtes riches, vous n’êtes point les successeurs et les héritiers des Douze ». Le clergé, menacé dans ce qu’il avait de plus cher, poussa un cri d’alarme. Les papes, les abbés, les évêques possédaient de grands biens, des fiefs, des bénéfices ; ils pratiquaient la simonie, ils faisaient la guerre. Les Vaudois dirent aux papes, aux abbés, aux évêques : « Vous êtes rejetés et réprouvés ; c’est nous, étant purs et de bonne volonté, qui sommes l’Église. » Puis, interprétant eux-mêmes l’évangile que leur chef avait traduit, ils rejetèrent le purgatoire et les prières, trop souvent vénales, que l’église fait pour les morts, les indulgences, les fêtes et l’invocation des saints, le culte de la croix, des images et des reliques, le baptême des enfants, la confirmation, l’extrême-onction et le mariage. Donnant l’exemple des vertus qu’ils prêchaient, ils faisaient de nombreux prosélytes dans le peuple, parmi les gens simples ; mais ils en faisaient aussi parmi les barons, « empressés, dit M. Marc-Antoine de La Bastide, de saisir un prétexte pour abaisser les seigneurs ecclésiastiques en les dépouillant de leurs terres ».

 

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Un chef hérétique important, Giacomo Bech, de Chieri, en Piémont, se rendit en Avignon, vers 1374, mais, chemin faisant, il s’arrêta pendant environ deux années en Dauphiné, près du lieu Buis (-les-Baronnies), avec les hérétiques de l’endroit (dont sans doute les Fort de Saint-Auban) qui se nommaient eux-mêmes « les Pauvres de Lyon ».

 

Il devait s’agir d’une communauté stable et suffisamment importante pour justifier le séjour aussi long d’un prédicateur à demeure. Cette communauté était établie dans le voisinage du Buis, et non dans l’agglomération urbaine, car il existe sur les pentes du Saint-Julien, un lieu-dit : ″Le Camp des Vaudois″, (où, à vrai dire, plus rien ne permet de discerner les traces d’une occupation durable).

 

L’existence de cette communauté pose de nombreuses questions et tout d’abord celle de ses rapports avec les autorités religieuses catholiques du Buis, où était établi un important couvent dominicain. On imagine mal que les Dominicains du lieu, sans aucun doute personnages importants, appartenant à un Ordre lié aux développements de l’Inquisition, aient pu ignorer la communauté vaudoise de son district. Il faut aussi se rappeler que durant le XIVe siècle Le Buis a connu le sommet de son destin. La fixation de la Papauté en Avignon avait eu pour conséquence directe l’adoption de la vallée de l’Ouvèze comme voie de passage pour les échanges avec l’Italie. C’est le siècle où les grands personnages de la Cour pontificale font halte dans la région, époque où les Juifs et les Lombards s’y fixent, y créant ce qu’il faut bien appeler, toutes proportions gardées, une place financière, un lieu d’échange économique et culturels.

 

Cette communauté vaudoise fait figure de proue dans l’histoire du Protestantisme en Baronnies3.

 

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Mais le pape, après avoir excommunié les Vaudois, invita le roi de France à les exterminer. Philippe-Auguste, était bien lui-même excommunié en qualité de bigame, mais c’était raison de plus pour exterminer les Vaudois, en manière d’expiation. De plus, cette œuvre pie fournissait au roi Très-Chrétien l’occasion de ruiner un assez grand nombre de seigneurs suzerains qui trempaient dans l’hérésie. Le roi fit raser plus de trois cents châteaux où se tenaient des assemblées de Vaudois. Plus de sept mille de ces honnêtes gens furent massacrés. Ceux qui échappèrent au fer et au feu furent dispersés. Valdo se retira dans les Pays-Bas.

 

Au printemps 1532 se tint un synode extraordinaire où les Vaudois rescapés se posèrent le problème de leur adhésion à la Réforme. Une très forte majorité des fidèles présents et de leurs pasteurs décida l’entrée de la communauté dans l’église réformée animée par Genève.

 

L’adhésion définitive des anciens Vaudois à l’Église de Genève eut lieu en 1533. Olivétan4 traduisit la Bible en français, à partir de textes originaux hébreux ou grecs. Cette Bible fut imprimée à Neufchâtel en Suisse. Jusque là il n’existait, dans la langue populaire des Hautes Vallées, que des traductions partielles de la ″Vulgate″. A partir de cette date, il n’y eut plus, et il n’y a plus aujourd’hui, aucune communauté de Vaudois mais uniquement des familles et des personnes Calvinistes5.

 

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A la révocation de l’édit de Nantes, nos ancêtres émigreront pour demeurer fidèles à leur foi.

 

Avant de les suivre dans leur terre de refuge, nous tenons à remémorer cet édit et sa révocation, d’où ses conséquences à Saint-Auban et dans les environs immédiats, une bien triste page de l’histoire de France, qui a cassé la vie tranquille de nos ancêtres.

 

 


[1] - Gaspard PAPE, né probablement vers 1516, embrassa la carrière des armes et accompagna à Constantinople, en 1541, Antoine Escalin des Aimars, baron de la Garde (La Garde-Adhémar), envoyé spécial du roi François Ier auprès du sultan Soliman II. Il fit ensuite la campagne d’Italie (1554-1555) sous les ordres du maréchal de Montluc dont les Commentaires sont loin d’être flatteurs pour lui.

Capitaine de 300 hommes de pied, converti au protestantisme à peu près en même temps que Charles Dupuy-Montbrun, son voisin de terre, il se joignit à lui dès le début des troubles religieux et ne tarda pas à devenir l’un des principaux chefs militaires du parti huguenot dans le Sud-Est de la France. S’étant porté au secours de Condé assiégé dans Orléans, il reçut du Prince le commandement des troupes réformées du Dauphiné en remplacement du baron des Adrets.

Mais fait prisonnier à Tarare, il ne fût relâché qu’au début de 1563 et le comte de Crussol, successeur de des Adrets, l’ayant alors nommé gouverneur d’Orange, il sévit dans le comtat où il s’était rendu maître d’environ quatre-vingts villes ou villages.

Au cours de la deuxième Guerre de Religion (1567-1568) Gaspard Pape s’empara du Buis mais ne put s’y maintenir. En novembre 1569, il fut tué au siège de Montpellier de « quatre arquebusades ». Il avait épousé le 4 mai 1545 Blanche de Poitiers, descendante de Lancelot, devenant par ce mariage baron de Sahurne, seigneur de Condorcet, Montréal et autres terres.

2 – Pierre VALDO ou VALDÈS, hérésiarque, né à Vaux en Dauphiné, d’où il prit son nom (en latin : Valdus), mort en Bohême vers 1197, selon d’autres vers 1217. Riche marchand à Lyon, il renonça au monde vers 1173, à la suite de la mort subite d’un ami, distribua ses biens aux pauvres et s’attacha à l’explication de la Bible et de l’Evangile. Il se mit à prêcher la pénitence (1177) et groupa de nombreux disciples qu’on appela « les pauvres de Lyon ». L’archevêque lui interdit, comme laïque, la prédication ; il en appela en vain au troisième concile de Latran (1179) et fut excommunié. La secte ne s’en répandit pas moins en Franche-Comté, en Bourgogne, en Lorraine, en Picardie, en Provence, en Italie où ses adeptes se confondirent avec les humiliates ; on les appela aussi sabotati, leonistæ, et ils devinrent célèbres sous le nom de vaudois.

3 - « Bulletin paroissial du Buis ». Janvier 1991

4 - Pierre-Robert OLIVETAN, traducteur de la Bible en langue française, né à Noyon vers le début du XVe  siècle, mort à Ferrare en 1538. En 1533, il était précepteur à Genève. Banni de cette ville, où il avait causé un scandale public en interrompant un prédicateur qui maltraitait les luthériens, il se réfugia dans le pays de Neuchâtel, où il entreprit une traduction de l’Ancien Testament en s’aidant de la récente version de Jacques Lefèvre d’Etaples. Les Vaudois la firent imprimer à Neuchâtel, chez Pierre de Zingle, en 1535. Peu après, Olivétan se rendit en Italie et poussa peut-être jusqu’à Rome, où, selon une tradition suspecte, on tenta de l’empoisonner.

5 - La Société de l’Histoire du Protestantisme Français, qui assure la lecture critique de ces textes, précise : On ne peut pas dire qu’ « il n’y a plus aujourd’hui aucune communauté de Vaudois ». A l’assemblée de Chauporau (1532), les Vaudois ont en effet donné leur adhésion aux idées de la Réforme et pris à leur charge la traduction et l’impression de la Bible d’Olivétan.

Les Vaudois de Provence, qui ont survécu au grand massacre du baron d’Oppède (1545), se sont fondus tout naturellement dans la communauté réformée ; mais beaucoup conservent aujourd’hui encore le souvenir de leur origine. (Voir « Le Vol masqué ». Association d’études vaudoises et historiques du Lubéron. 84360 Mérindol).

Les Vaudois du Piémont, dont beaucoup portent des noms français, forment aujourd’hui une grande église, dont le bureau central est à Rome. Le centre le plus actif se trouve à Torre-Pellice, près de Pignerol ; il existe des communautés dans toute la péninsule et aussi en Amérique du Sud.

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