Alliances libournaises

 

 

 

Les MORDACQ

 

Nos berceaux de pierres : « la Poterie » et « la Brasserie ».

 

Mais quand le cœur s’attache au berceau des aïeux,

Il puise en ce terroir un sentiment pieux

Qui lui fait découvrir, sous de plus larges cieux,

La patrie éternelle où le passé repose…

                                Magdeleine Mordacq-Guillemet

 

Contemple la maison de pierres

Dont nos pas usèrent le seuil…

 

« La Poterie », une des plus vieilles fermes de Blaringhem, est le « berceau de pierres » de la famille MORDACQ.

Le cadastre de 1827 nous la présente, formée de pâtures, de terres labourables, d’une mare, de fossés, d’une cour et d’un jardin qui entourent la maison d’habitation et divers bâtiments ruraux.

D’une superficie de 10 ha 3 a et 43 ca, elle est reliée à la route de Wardrecques (PdC) par un chemin particulier et se situe à proximité de « la Brasserie » dont nous allons ensuite parler.

Propriété des familles Gommecourt-Formentin, Le Caron de Cannettemont et du Crocquet de Guyencourt, « La Poterie » fut longtemps exploitée par les Mordacq, arrivés à Blaringhen vers 1780.

C’est là que naquirent les dix enfants de JULES-JOSEPH MORDACQ-DORMION qui devait régulièrement se rendre à Arras pour payer son fermage. « Il prenait la diligence au Mont du Pil » disent ceux qui l’ont connu. En 1867, il confia la direction de « la Poterie » à son fils aîné, Jules-Alphonse, qui venait d’épouser Marie Cattoir, de Boëseghem.

Jules-Joseph Mordacq-Dormion se retira alors à « la Brasserie » qu’il avait achetée un an plus tôt.

Jules-Alphonse Mordacq-Cattoir fit prospérer « la Poterie » jusqu’à sa mort survenue en mai 1923.

Sa fille, Adèle tint ensuite la ferme paternelle une douzaine d’années. En 1933, Paul Mordacq-Morel, frère d’Adèle, acheta la ferme de « la Poterie » à Madame de Foucaucourt qui l’avait héritée de ses ancêtres.

Notre « berceau de pierres » est aujourd’hui la propriété de la famille de Madame Pierre Mordacq-Paublan.

 

« la Brasserie », cet ancien manoir très pittoresque, situé à Blaringhem non loin de la route qui mène à Wardrecques, fut acheté à Monsieur et Madame Constant Facqueur-Swaenepoel, de Staple (Nord), par Jules-Joseph Mordacq-Dormion qui s’y retira.

C’est à « la Brasserie » qu’enfants, petits-enfants et arrière-petits-enfants présentaient leurs vœux à l’aïeul, le jour de l’an.

En juin 1900, quelques mois avant sa mort, Jules-Joseph Mordacq-Dormion vendit sa vieille demeure à son petit-fils, Jules Mordacq-Leroy qui la transforma en « brasserie ».

Sa fille, Madame Louis Doumayrou, née Jeanne-Marie Mordacq, en est l’actuelle propriétaire.

Aidée des judicieux conseils de son gendre, Louis Martin-Garrin, maître d’œuvre, elle en a fait une agréable maison de campagne.

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Au milieu du XIIIe siècle, la seigneurie de Blaringhem appartenait à la famille de Pont-Rohart, puis à Thomas de Lille.

Mais, Raoul de Clermont, connétable de France, confisqua ce que Thomas possédait à Blaringhem pour l’octroyer, par lettres du 15 juillet 1298, à Baudouin de le Plancke, seigneur de Thiennes et de Steenbecque.

Depuis cette époque, la seignerie de Blaringhem n’eut plus d’autres maîtres que ceux de Thiennes et de Steenbecque.

Par lettres patentes données par Louis XV en avril 1745, la terre de Blaringhem fut érigée en comté pour Jean-François de Buisseret, né à Lille le 10 décembre 1658 et conseiller du roi.

Blaringhem dépendait alors de la châtellenie de Cassel.

 

1795

La Révolution française a aboli les droits féodaux. Blaringhem traversa une période agitée.

En 1795, pour éviter la continuation des excès de la Terreur (1793-1794), un décret de la Convention prescrivit le désarmement des terroristes.

Dans le bulletin des facultés catholiques de Lille (octobre 1954), L. Mathieu a analysé la situation engendré par cette procédure. Nous avons transcrit la partie du texte, consacrée à Blaringhem alors chef-lieu de canton.

« A Blaringhem, quand fut édicté le décret prescrivant le désarmement des terroristes, la municipalité en exercice était encore celle de la Terreur. Le maire Dupuis répondit de la manière qu’on pouvait attendre de lui : « Notre ouvrage fut bientôt fini : il n’existe en notre commune aucun partisan de ce régime affreux : point de désarmement à faire ».

Mais des plaintes multiples étaient sans doute parvenues au représentant Delamarre. Blaringhem fut une des localités du district où il épura la municipalité. Le conseil nouveau comprit précisément un grand nombre de victimes de l’ancien. L’enquête commença le 29 juillet pour se terminer le 2 août. Le procès-verbal de la comparution fait entendre les récits et les réclamations d’une trentaine de plaignants. Les récits en sont variés et dramatiques.

On peut y remarquer deux caractéristiques. Il s’en dégage tout d’abord le fait que la persécution à Blaringhem fut pour une part religieuse et qu’un rôle important y fut joué par Béhin, curé constitutionnel de l’endroit. Le 30 octobre 1792, le maire Liévin Lefort avait été empêché violemment de présider un scrutin par des énergumènes qui le qualifiaient de suspect pour ne pas assister à la messe de ce prêtre. L’on avait fait entendre au cultivateur Michel Lefort que s’il y avait assisté, il n’aurait pas été arrêté.

Augustin Ghys fut forcé par la garde de porter son plus jeune fils à l’église pour l’y faire baptiser par Béhin.

Le berger Dezeure qui refusait pour son nouveau-né ce ministère d’un assermenté fut accablé de coups à la mairie par les amis de Béhin, puis persécuté de mille manières, y compris par une attaque nocturne, jusqu’à ce qu’il eût capitulé.

Une autre caractéristique de Blaringhem, c’est le rôle que joua dans cette commune Alexis Lagniez, l’un des administrateurs du district. Les plaignants qui furent arrêtés et condamnés soit à la prison soit à des contributions pécuniaires (de 300 à 400 livres) le furent par lui. La force armée les conduisait à l’église et il prononçait des sentances, bien que ses fonctions d’administrateur ne lui en donnassent pas le pouvoir, comme on le lui fit vainement remarquer. Ajoutant la cruauté à l’illégalité, il voulait même faire signer à ses victimes leur propre condamnation.

Les terroristes de Blaringhem, opposés au catholicisme romain, ne l’étaient pas moins à ce qu’ils considéraient comme l’aristocratie. Etienne François Pétain se rendait le 3 mars 1793 comme témoin à la mairie pour l’enregistrement d’une naissance ; le conseiller Anckart l’interpella : « Que viens-tu faire ici ? Tu es un aristocrate ; sors d’ici ou je te tue ». Le père de l’enfant fut lui-même maltraité et chassé de la maison commune. Ils ne purent obtenir justice. Le juge de paix, secrétaire de mairie, était lui-même un terroriste. On ne pouvait faire valoir aucune considération d’humanité. Quand Lefort avait été arrêté, on n’avait pas eu égard à ce que sa femme était enceinte et qu’il avait cinq enfants en bas âge.

Isabelle Malleville, veuve de Martin-Joseph Louchard, raconta en 1795 comment son mari était mort des suites de sa captivité, lui laissant sept enfants en bas âge : la circonstance ne l’avait pas fait maintenir dans ses foyers.

On a vu que les maisons n’étaient pas sûres et que les terroristes les attaquaient parfois comme auraient fait de vrais brigands. La sûreté n’existait pas davantage sur les routes : Augustin Guys y avait été attaqué à coups de serpes. Nicolas Fauqueur, Guillaume Courtois et Pierre Harley l’avaient été à coup de fusil par trois ménagers du lieu, officiers municipaux. Courtois avait de plus subi des brimades dont il avait été plus de deux mois à se remettre.

 

LES MORDACQ, VICTIMES DE LA TERREUR !

Appuyés par Lagniez, les terroristes de Blaringhem se sentaient assez forts pour défier toute résistance. On peut le voir par l’histoire de GASPARD et d’AUGUSTE MORDACQ qu’il est intéressant de narrer plus en détail, du moins à partir de leur condamnation par Lagniez dans l’église de Blaringhem.

Il les condamnait à verser la somme de 294 livres et les obligeait à signer leur condamnation. Les deux décisions leur parurent illégales. Ils refusèrent de s’y soumettre. Alors Lagniez déclara que « ceux qui ne paieraient pas, monteraient sur le grand chariot pour être transférés à Paris ». Ils refusèrent encore et se retirèrent chez eux. Ils résistèrent également aux instances de la municipalité qui voulait à tout prix les amener à payer.

On les laissa quelques temps tranquilles. Au début de mai 1793, nouvelle offensive. La municipalité leur détache dix hommes de la garde avec un billet de logement. Les Mordacq les envoient loger à l’auberge. Le lendemain, Deroo, commandant de la garde, arrive avec vingt hommes ; ils consentent à les nourrir, mais refusèrent de les loger, n’ayant pas assez de lits. Le lendemain, cinq à six hommes les conduisirent à la municipalité.

Sur leur nouveau refus de payer, la garde les emmène dans les prisons d’Hazebrouck, où ils finissent par céder après trois jours de résistance.

Nous venons d’évoquer les excès du régime de la Terreur à Blaringhem. On conçoit que les quatorze auteurs de ces violences aient été jugés terroristes, et dignes du désarmement prescrit par le décret de la Convention.

L’arrêté municipal qui l’ordonna, fut motivé par trois considérants. Il relevait avant tout l’arrestation qui avait eu lieu à la fin du mois d’août 1793 de dix-huit citoyens de la commune, lesquels avaient été détenus deux mois à Hazebrouck : cette arrestation était arbitraire et dénuée de tout fondement, comme le reconnaissait la réclamation faite le 24 septembre 1793 par les autorités même de Blaringhem de ce temps-là.

L’arrêté municipal relevait de plus que les municipaux récemment évincés et Lagniez, le juge de paix, s’arrogeaient encore à Blaringhem une autorité qu’ils n’avaient plus en proclamant eux-mêmes les lois, et dans un local qu’ils s’étaient attribué.

Il relevait encore que les désarmés s’étaient opposés tant qu’ils l’avaient pu à la réorganisation de la garde nationale et au remplacement de son commandant Augustin Deroo, bien que l’arrêté du 26 prairial du représentant Delamarre l’eût exclu de toutes fonctions militaires.

Le conseil municipal de Blaringhem, en expédiant au district le dossier de la liste des citoyens à désarmer, lui demandait d’envoyer sa brigade de gendarmerie pour opérer le désarmement. Il lui fallait cette force étrangère pour être maître de la situation.

 

BLARINGHEM AU DÉBUT DU XXe SIÈCLE.

La tourmente révolutionnaire passée, Blaringhem vécut de nouveau au rythme des saisons et des moissons.

Les ans se suivirent et se ressemblèrent. La période 1894-1906, l’affaire Dreyfus, la séparation de l’Eglise et de l’Etat, troublèrent encore la quiétude de Blareinghem.

GEORGES MORDACQ a évoqué ses souvenirs : « L’affaire Dreyfus et celle des inventaires sont étroitement liées. Quand éclata, en 1894, le procès et la condamnation à la dégradation du capitaine Dreyfus, d’origine israélite, l’affaire, commencée avec le journal de Zola et son fameux éditorial : "J’accuse", divisa le pays.

Dreyfus, condamné comme espion à la solde de l’Allemagne, fut finalement réhabilité, mais seulement en 1905…

Malheureusement, dans son ensemble l’Eglise de France s’était engagée contre Dreyfus. La réaction politique fut brutale sous le ministère Combes (1902-1905), dit du "bloc" : interdiction de l’enseignement religieux, abrogation de la loi Falloux qui depuis 1850 permettait la liberté de l’enseignement, etc…

Et voici, ce qui se passa à Blaringhem au moment de l’inventaire des objets et mobiliers de l’église.

Le jour et l’heure de l’inventaire avaient été publiés : à 8 h. les fidèles furent invités à remplir l’église avant cette heure qui serait celle de la fermeture des portes.

Curé, vicaire, sacristain et enfants de chœur, nous attendions dans la fièvre, quand survint mon oncle, JULES-ALPHONSE MORDACQ-CATTOIR.

Depuis vingt ans, il était le maire incontesté de notre village aux cinq collines.

« Voyons, M. le Curé, les gendarmes sont arrivés, le portail semble bien barricadé et ils vont le fracturer, n’est-ce pas grand dommage ? »

Et il ajouta malicieusement : «  Est-ce que vous ne pouvez pas me confier la grande clef comme si je n’en avais fait faire un double ? ».

Tranquillement mais fermement, notre curé qui était du même âge, et depuis longtemps vénéré et respecté, répondit courtoisement : « M. le Maire, je comprends votre embarras… mais si vous avez des ordres, moi aussi, j’ai reçu des instructions de mon évêque ».

Je ne garantis pas le mot à mot, mais cet esprit de conciliation de bon aloi m’a frappé pour toujours.

Là-dessus, notre curé monte en chaire pour réciter le chapelet et notre vicaire me demande de l’accompagner près du contrôleur, décidé à aller vite.

La veille, nous avions recouvert toutes les statues du voile qui sert pendant la semaine sainte, dans le but que vous devinez. Le représentant du fisc nous interroge : « Quelle est cette statue, comment l’appelez-vous ? ». Et notre vicaire de lui répondre : « Demandez-lui, elle vous répondra ! ».

En 1905, avec la loi sur la séparation du ministère Briand, le presbytère et l’église devenaient la propriété de l’Etat ».

Il fallut 1914 pour réunir les français.

Deux guerres mondiales allaient faucher plusieurs jeunes générations. Blaringhem a hélas payé un lourd tribut.

 

AUJOURD’HUI.

Blaringhem s’étend sur une superficie de 1823 hectares. Son altitude est de 23 m.

« La Belle Hôtesse », « Le Laboureur », « La Prairie », « Le Croquet », « Cohem », La Carnois », « Fontaine », « Mont du Pil », « Mont d’Hiver », « La Place », « Le Pont » et « Pont d’Asquin » : à eux tous, ces hameaux racontent l’histoire de Blaringhem.

De 1884 à 1977, sans interruption, des MORDACQ ont été les premiers magistrats de la commune.

De 1790 à 1800, Blaringhem fut un chef-lieu de canton. De nos jours, la commune fait partie du canton d’Hazebrouck-Nord et de l’arrondissement de Dunkerque.

Les Blaringhemois étaient au nombre de 1465 en 1962, de 1395 en 1975.
Les récentes implantations vont augmenter la population.

Pierre KERLEVEO, "Généalogie Mordacq".