LE VILLAGE DE MONLÈON-MAGNOAC
I
Monléon Magnoac, canton de Castelnau-Magnoac, arrondissement
de Bagnères de Bigorre, Hautes Pyrénées, se trouve situé au nord-est du département.
Il a pour limites, au nord, les communes de Villemur, Devèze et Roriès Espénan ;
à l’ouest, celles de Ciros, Caubous, Laran et Hagaussan ; au midi, celles
de Lassales et Arné, à l’est, celles des Estérets (Haute Garonne) et Barodan.
Son étendue est d’environ
Monléon-Magnoac est bâti sur une proéminence entre la petite vallée du Cier et celle plus étendue du Gers. Le versent occidental, en nature de prairie ou en plantation d’arbres fruitiers, relie la commune à la plaine du Gers, bien moins fertile que celle du Cier.
A partir de l’église, dans la direction du nord, se trouve
le vieux Monléon, placé en amphithéâtre. Sur l’endroit le plus élevé, il y
a un point de vue admirable d’où l’on aperçoit, sur une longue étendue, la
chaîne des Pyrénées, depuis la base jusqu’au sommet. Du côté opposé, on voit
la plaine du Gers à une fort grande distance. A l’aide d’une lunette d’approche,
il est très probable qu’on apercevrait la ville d’Auch ; aussi n’est-on
pas surpris d’y rencontrer, dans quelques pans de murs très larges, les ruines
du vieux château féodal. Ce lieu est appelé
Une vieille maçonnerie en forme de pont à une arche, désignée
sous le nom de Prison, adossée à
la partie occidentale de l’église, rappelle le pont-levis donnant accès à
la ville et au château. A l’ouest du quartier de
Les restes de construction que le temps et la main de l’homme ont épargnés semblent indiquer d’une manière évidente que Monléon a joué un certain rôle, au moyen âge, dans l’histoire des Quatre Vallées.
C’est du reste la croyance des habitants de cette localité ; aussi, tiennent-ils à honneur de lui conserver le titre de ville, bien qu’elle ne soit plus qu’un grand village.
La tradition rapporte à ce sujet l’anecdote suivante :
Un des bourgeois les plus notables du lieu était un jour assis devant sa porte. Un voyageur vint à passer près de là. Désirant connaître le nom de la localité qu’il traversait, il s’approche du bon bourgeois et lui dit fort respectueusement : « Dites-moi, je vous prie, Monsieur, comment s’appelle ce village ? - Insolent ; lui répond ce dernier, se levant aussitôt et le menaçant de sa canne. Il faut que tu sois bien osé pour qualifier de village la ville de Monléon-Magnoac. » Notre étranger se promit de profiter de la leçon, ce qu’il a sans nul doute fait, car il s’est excusé du mieux qu’il a pu, se tenant pour averti.
Le nouveau Monléon est construit, en contrebas, sur une rue large. Les maisons, sans avoir rien de luxueux, sauf de rares exceptions, révèlent un travail plus récent et assez de confort. Comme il est sur un lieu de passage, il y a, en général, assez d’animation.
Le petit vallon placé à l’est est arrosé par un ruisseau nommé le Cier, qui déverse, à peu de distance, ses eaux dans le Gers. En hiver, il est assez abondant ; mais, à la fin de l’été, il est souvent à sec. Immédiatement après, vers l’est, vient un coteau très élevé, appelé Montromp, complanté en vignes, en bois ou en châtaigneraies. La nature du sol est de qualité médiocre ; la couche arable étant peu profonde, et les terres étant exposées à être ravinées par les pluies, il y a peu de labourable. On rencontre dans ce coteau, à une légère profondeur, des gisements de marne et de pierre calcaire. Plusieurs carrières de ces produits sont en pleine exploitation. Voici du reste une appréciation de M. Gailhard Armand, de Monléon-Magnoac, qui a décrit ces terrains au point de vue géologique :
Le gîte marneux sur lequel
est assis le coteau ou mieux les divers coteaux qui s’étendent de Gaussan
(Hautes Pyrénées) à Blageau (Haute Garonne) et probablement bien au-delà (car
si nous assignons ici cette localité c’est seulement parce que nos investigations
ne se sont pas étendues plus loin, que nous ne connaissons pas la composition
minéralogique des terrains qui se trouvent en aval de
Ces terrains se présentent le plus habituellement en couches sensiblement étagées et horizontalement posées, mais non pas en rapport constant d’épaisseur. Cette même disposition, nous la retrouvons dans l’escarpement calcaire qui sert de base au gîte de Montromp et qui est très avantageusement soit comme mœllon, soit comme pierre à chaux, la cassure de ce calcaire laisse voir fréquemment des empreintes de polypiers, tous autres fossiles s’y montrant fort rares, bien que M. Leymerie ait été assez heureux pour y recueillir des spatangus globuleux.
Marnes qui se trouvent au-dessus de l’escarpement calcaire sont généralement friables, à structure faiblement schistoïde ; celles plus voisines et en exploitation, que l’on observe du côté sud de la carrière à chaux, sont plus compacts et de nature argileuse.
Leur exploitation fournit aux agriculteurs de nos contrées l’un des plus précieux amendements à leurs terres siliceuses.
Ce sont ces calcaires, ces marnes et les divers terrains qui les accompagnent ou les avoisinent, qui ont été jusqu'à ce moment le principal objet de mes recherches, qui m’ont offert la majeure partie des fossiles et des observations que je donne aujourd’hui et qu’avant ce jour j’avais eu l’avantage de porter à la connaissance de savants distingués et que l’Académie des sciences, inscriptions et belles-lettres de Toulouse a bien voulu par deux fois encourager.
Au-delà de ce coteau, on trouve un nouveau petit vallon continuant le hameau d’Arpajan. Il est arrosé par un autre ruisseau de même nom, mais moins abondant que le précédent. La nature du sol diffère de celle des autres quartiers de la commune. Ici, c’est le sable qui domine ; le terrain est donc sablonneux calcaire. Il est d’une fertilité, sinon supérieure, du moins égale à celle du premier vallon. Les céréales et les fruits de toute nature y réussissent parfaitement. Après cette petite plaine se trouve un nouveau coteau ayant la même hauteur que le précédent, mais non la même valeur. C’est dans son versant occidental que se trouve la forêt communale.
Le cours d’eau principal qui traverse le territoire est le Gers. Il est à l’ouest de la localité et n’arrose qu’une faible partie des terres. Grâce à un filet d’eau déversé par le canal de Lannemezan dans cette rivière, les usines qui l’avoisinent ne sont pas exposées à chômer ; mais à côté de cet avantage, les riverains ont l’inconvénient de se voir menacés, à l’époque de la fonte des neiges et des grandes pluies, par des crues qui, souvent, leur causent de vives inquiétudes. Le lit primitif du Gers, n’étant plus suffisant en certains points pour contenir le nouveau volume d’eau, cherche tous les jours, et notamment en pareil cas, à s’élargir de plus en plus au préjudice des propriétés qui ne lui laissent pas un libre cours. Les riverains pratiquent tous les jours des moyens de défense, afin d’atténuer le plus possible le retour des dégâts qu’ils ont essuyés en 1875, et à l’occasion de certaines autres inondations subséquentes.
Les roches principales du territoire communal sont : la cilice, le calcaire et la marne qui, combinés avec l’argile et un peu d’humus, dans les deux vallons précités, forment un territoire de première nature. Les prairies naturelles et artificielles y sont d’un excellent rapport. Les céréales et les plantes racines y réussissent également toujours. Il est regrettable, pour les habitants de la commune, que ce soit là la plus faible partie de leurs propriétés. Le terrain de la plaine du Gers, de nature boulbène, où l’argile domine n’est pas, de bien s’en faut, aussi productif. On ne peut y assurer la réussite des récoltes que par des labours souvent répétés, par l’emploi de bons engrais et l’usage de jachères.
L’eau potable est fournie par quatre sources naturelles échelonnées au versant occidental du coteau sur lequel se trouve Monléon, par quatre puits que la municipalité a fait creuser, il y a environ cinq ans, dans les différents quartiers de la commune, et par ceux que certains particuliers ont fait pratiquer à leurs frais. L’eau de source naturelle est plus claire, moins chargée de produits étrangers que celle des puits. L’une et l’autre sont, sans avoir la limpidité des sources qui jaillissent à travers les rochers, un des bons produits que l’on trouve dans la localité.
Monléon-Magnoac est situé à Environ
II
Le chiffre de sa population, d’après le recensement de 1886, est de 1 531 habitants. Dans ce nombre est compris celui de la population flottante qui s’élève à 319, ce qui réduit à 1202 le total des habitants indigènes.
La désertion vers les villes des ménages entiers courant après la fortune cause, depuis quelques années, une diminution insensible, mais progressive de la classe ouvrière. Les propriétaires, habitués à tenir des ouvriers cultivateurs à la journée, sont aujourd’hui presque dans l’impossibilité d’en trouver, tant ils deviennent rares. Il y a en ce moment à Paris cinq ou six ménages Monléonais qui ne comptent pas moins d’une trentaine de personnes. Cette tendance, qui semble vouloir se continuer, malgré le peu de succès de beaucoup d’émigrants, porte un grand préjudice à l’agriculture.
La commune comprend d’abord le chef-lieu, avec une population
agglomérée de 614 habitants, auquel il faut rattacher les quartiers de
Ensuite les hameaux d’Arpajan, avec une population de 168 habitants,
auquel il faut rattacher les quartiers de
Ce hameau et ces quartiers sont à environ
Garaison, situé à
La population flottante est fournie par les maîtres, les élèves et les domestiques des deux pensionnats de garçons et de filles, tenus à Garaison par des prêtres et des religieuses.
La commune compte en tout 286 feux ; elle est desservie pour le culte par un prêtre et un vicaire ; pour les finances, par un percepteur qui y réside, et pour les postes et télégraphes, par une receveuse aidée de deux facteurs. Les fonctionnaires municipaux sont : le secrétaire de la mairie, le garde champêtre et le valet commun.
La valeur du centime est de 1 944. Les revenus ordinaires de la commune consistent dans le produit d’une coupe annuelle de la forêt communale donnant un rendement moyen de 1 500 francs dont il faut déduire les frais d’exploitation, de traitement du garde forestier et autres, qui absorbent la majeure partie de ce chiffre ; dans celui de la taxe sur les chiens ; dans celui des permis de chasse, soit un total de 2 000 francs. Le budget est, comme on le voit, relativement maigre ; aussi est-ce à grand peine que les recettes équilibrent les dépenses.
III
Les produits agricole, selon leur ordre d’importance, sont
les suivants : le froment, les pommes de terre, le maïs, l’orge, l’avoine
et quelque peu de millet. La première de ces cultures occupe la majeure partie
du terrain cultivé, soit environ
L’agriculture sort peu à peu de la routine pour entrer dans la voie du progrès. C’est ainsi que la plupart des instruments aratoires en bois et anciens ont fait place à ceux construits en fer, plus solides, mieux confectionnés, et pouvant de la sorte remuer la terre plus commodément et à une plus grande profondeur. Les amendements sont plus nombreux et plus réguliers que par le passé. Les labours faits à temps et lieu témoignent de l’activité du laboureur qui semble redoubler d’efforts pour combler les vides laissés par les déserteurs de la campagne. Les engrais chimiques, appelés à révolutionner l’agriculture, ont fait leur apparition dans la commune. Quelques agriculteurs des plus intelligents l’ont employé et s’en sont bien trouvés. Nul doute que leur exemple ne soit peu à peu suivi.
Malgré les nombreux défrichements qui ont été faits dans ces
derniers temps, il reste encore bon nombre de petits bois (essence chêne),
situés sur les coteaux ou dans des terrains de médiocre valeur. La commune
possède une forêt, soumise au régime forestier, d’une contenance de
Le terrain complanté en vignes a une étendue de
Le mauvais état des vignes réclame de la part du cultivateur plus de soins qu’il ne leur en a accordés jusqu'à présent. Ici encore, l’engrais chimique est appelé à seconder les efforts du cultivateur. Des expériences faites, dans le département du Gers, l’année dernière, par un agronome distingué prouvent l’efficacité de l’emploi de phosphates azotés. Deux des meilleurs propriétaires de Monléon, ayant entendu vanter l’état prospère des vignobles de leur confrère du Gers se sont transportés chez lui pour faire une étude approfondie de ses procédés. Ils se sont retirés émerveillés de la belle récolte qu’ils ont vue dans ses vignes et de la vigueur des sarments dues en entier à l’usage de l’engrais chimique depuis quelques années.
Ces idées commencent à pénétrer dans l’esprit de quelques propriétaires. Espérons qu’elles seront mises à exécution, qu’elles seront couronnées de succès, et qu’ainsi le travailleur pourra encore boire de ce bon vin clairet qu’il trouve supérieur à tout autre parce qu’il le récolte lui-même.
Les animaux domestiques les plus ordinaires sont : les vaches de race gasconne, propres, par leur structure et leur taille, en même temps qu’à la production, au travail pénible que nécessite la nature du sol. Elles remplacent avantageusement les bœufs qui sont très rares dans la commune. Il y a aussi les juments poulinières et quelques troupeaux de bêtes à laine. Comme les prairies donnent un pacage excellent après l’enlèvement du foin, et que le regain est peu sûr pour cause de manque d’eau, on élève beaucoup de jeune bétail à cornes.
L’élevage du cochon, des oies, des canards, des dindons et de la volaille est aussi fait sur une large échelle.
La chasse est assez productive à l’époque des cailles et des perdrix. Le lièvre et le lapin sauvage sont aussi assez nombreux ; mais le chiffre des braconniers augmente progressivement, il n’est pas rare d’entendre les chasseurs se plaindre de leur peu de réussite, vu le peu de gibier qu’ils trouvent.
La pêche à la ligne et au filet sont en usage dans la localité ;
mais il n ‘y a guère que les riverains du Gers, le seul cours d’eau poissonneux,
qui se livrent à ce genre de distraction. Les poissons les plus communs sont :
le barbeau, le goujon, l’anguille et l’écrevisse. La truite a fait son apparition
depuis qu’un filet d’eau de
Toutes les usines, mues par la force de l’eau, se trouvent
sur le bord du Gers. On y compte : cinq moulins à farine, un à huile
et un autre à trèfle ; trois scieries et une corderie, le tout en pleine
exploitation et bien outillé. Il y a aussi au centre de la localité, une fabrique
de chandelles de suif, et à environ
Monléon est traversé par une route départementale allant de Castelnau-Magnoac à Lannemezan, et par celle, N°28, allant de Lourdes à Boulogne (Hautes Garonne). La création de ces deux voies de communication remonte à une cinquantaine d’années.
Deux ponts jetés sur le Gers, dans ces deux routes, viennent d’être construits. Celui de la première date d’un an à peine, et celui de la deuxième, de quatre à cinq ans. Ils sont d’une élégance et d’une solidité qui témoigne en faveur des agents de l’administration des ponts et chaussées.
De Monléon à Bazordan, il y a aujourd’hui, grâce à la sollicitude du Conseil Général, un chemin carrossable. Il vient d’être rectifié et amélioré sur les points les plus défectueux.
La localité est en outre bien partagée sous le rapport de la viabilité de ses chemins vicinaux et ruraux. Rien n’est négligé par la municipalité pour en assurer le bon état d’entretien.
Il n’y a pas, malheureusement, de voie ferrée. Le seul moyen de communication avec les chefs-lieux de canton, d’arrondissement et de département est un omnibus, faisant le service des dépêches de Lannemezan à Castelnau-Magnoac. Il passe à Monléon à 5 heures du matin, se dirigeant vers la gare de Lannemezan, pour revenir à 4 heures du soir, se rendant à Castelnau-Magnoac.
Une diligence, faisant le trajet d’Auch à Lannemezan et inversement,
passe sur la route nationale, située à
La commune est pourvue de quatre marchands de nouveautés, de
quatre épiciers dont l’un fait la quincaillerie, d’un marchand de fer, d’un
bureau de tabac, de deux hôtels, l’un situé à Garaison, et l’autre au quartier
de
Certains vieux calendriers font figurer Monléon comme ayant un marché tous les mardis et plusieurs foires dans l’année, ce qui semblerait indiquer, ainsi que le dit la tradition, qu’il y a eu jadis un marché régulier.
A la chute de l’Empire, en 1870, il y eut un changement radical
dans la municipalité. Le nouveau conseil inaugura son entrée aux affaires
en obtenant du gouvernement de
Il y eut d’abord un certain engouement, et l’on crut au succès de l’entreprise, mais l’indifférence des habitants eux-mêmes qui ne se rendaient au marché qu’en minorité par esprit de parti ; le rapprochement de Castelnau, qui a un marché bien approvisionné tous les samedis, ne tardèrent pas à ralentir le premier élan, et deux ou trois ans après, elle était complètement abandonnée. Seule la foire a survécu ; mais elle périclite tous les ans. Il est fort à craindre qu’elle ne suive bientôt son frère dans l’oubli.
Si cette situation avait survécu, le bien-être et l’importance de Monléon se seraient considérablement accrus.
Les mesures anciennes ont partout fait place aux nouvelles. Les marchands d’étoffe parlent bien encore quelquefois de l’empan, les épiciers, les boulangers et les bouchers de la livre ; mais cet usage tend à disparaître complètement. En général, on connaît aujourd’hui les poids et mesures du système métrique, et on s’en sert.
IV
Ainsi que cela a été déjà dit, Monléon se trouve situé sur un mont. Les armes de l’ancienne ville sont représentées par un Lion. Des deux mots réunis, on en a fait Mont-lion qui, modifié par les diverses phases qu’a présentées notre langue, est devenu Monléon. Cette étymologie, donnée par les hommes lettrés de la commune, paraît vraisemblable.
Monléon aurait été, d’après la tradition, une localité d’au moins trois mille habitants. On raconte que la peste a réduit ce chiffre à celui que nous lui voyons aujourd’hui. Les anciens se rappellent avoir entendu dire qu’il y a eu un hôpital, situé près du Gers, et où l’on allait par une côte étroite et rapide qui portait naguère encore le nom de côte de l’hôpital.
A cette maison de charité était attaché un moulin que l’on appelait, jusqu'à ces dernières années, Moulin de la commune, bien qu’il appartint à un particulier. Le propriétaire actuel a fait construire une jolie maison à côté de cette usine. Afin de disposer les lieux selon sa convenance, il fit pratiquer des défoncements qui amenèrent la découverte de nombreux ossements humains. Les Monléonais restèrent convaincus qu’il y avait eu là une cimetière qui ne devait être autre que celui de l’hôpital.
Un autre quartier de la commune, ou plutôt une pièce de terre, était anciennement désigné sous le nom de terre des Templiers. Est-ce qu’il y aurait eu une maison de cette antique confrérie ? Ce qui semblerait militer en faveur de l’affirmative, c’est qu’on a découvert à une certaine profondeur, des montants d’ouvertures, en pierres du pays, dont plusieurs ont été utilisées pour de nouvelles constructions.
Il est probable qu’à l’époque de la féodalité, Monléon était plus populeux qu’il ne l’est aujourd’hui ; mais aucun document ne l’établit. Les archives communales ne contiennent aucune pièce relative à l’ancienne cité.
M. Gailhard Armand, ancien pharmacien, dont il a été déjà parlé, a fait des recherches pour servir à l’histoire des Quatre Vallées et à la généalogie de la famille de Labarthe. Dans une des feuilles qu’il a publiées, il s’exprime de la manière suivante, quand il parle de Monléon :
Le château de Monléon-Magnoac, dont il ne reste que d’informes et tristes débris accusant la main dévastatrice du temps qui, dans son œuvre a néanmoins épargné sur l’un de nos vieux monuments les armes de la ville qui figurent sous la forme d’un lion, récemment rafraîchies par les soins de M. Danizan, pharmacien, était une des résidences de Sanche II qui vivait au treizième siècle. Le château, ou mieux cette petite ville, était le chef-lieu de la seigneurie de Magnoac, comprenant trente-cinq terres ou communautés, où siégeait une justice royale. Cette résidence, il l’aurait donnée avec quelques autres dépendances en dot à sa sœur, Mascareuse, mariée à Giraud IV, comte de Magnoac, gardant toutefois la majeure partie des terres de Magnoac qu’il aurait administrées de son château de l’Estellette qui, à ce moment, prend le nom de Châteauneuf, et que le gasconisme a plus tard appelé Castelnaou ; francisé, ce mot devint et est resté Castelnau.
C’est sans nul doute là le point de départ de la décadence de Monléon, et la prospérité de Castelnau qui est devenu chef-lieu de canton.
L’existence de deux tertres en forme de cône, situés :
l’un à l’extrémité nord du coteau de Montromp et portant le nom de Trico-Meillas ; l’autre, à une centaine
de mètres, au midi, et à la base de ce coteau, désigné
L’église de Monléon, de style ogival, est remarquable par ses
belles et nombreuses statues en bois, et par la sculpture des boiseries qui
entourent le sanctuaire. Ces divers ouvrages, d'un fini parfait, disent clairement
qu’ils sortent des mains d’artistes tels qu’en a produit l’époque de
La chapelle de Garaison les revendique comme siens ; prétendant que ce sont des épaves de la tourmente révolutionnaire dont Monléon se serait emparé. Sans savoir au juste ce qu’il y a de vrai dans cette accusation, on s’aperçoit facilement que certaines boiseries ne s’adaptent pas d’une manière irréprochables partout. On serait tenté de croire qu’elles n’ont pas été faites, du moins en totalité, pour orner les lieux où elles se trouvent.
Mais en admettant que le fait soit vrai, Monléon n’a fait qu’user d’un droit, puisque Garaison fait partie de son territoire.
D’ailleurs, d’après la légende, ce serait la municipalité monléonnaise qui aurait jeté les fondements de cet édifice.
Légende :
Il y a quelques quatre cents ans environ, une famille très
pauvre vivait dans le hameau de Garaison. Une jeune fille, âgée de treize
à quatorze ans, portant le nom d’Anglèze, allait chaque jour faire paître le
troupeau de ses parents, munie, pour toute nourriture de la journée, d’un
morceau de pain noir qu’elle mettait dans son tablier, au milieu des étoupes
qu’elle filait en gardant ses bêtes. Un beau jour, une dame d’une beauté éblouissante
lui apparut et lui demanda si elle ne pourrait pas obtenir de son père qu’il
allât trouver l’échevin de Monléon pour qu’il eût au plus tôt à faire construire,
en ce lieu même, une chapelle en l’honneur de
Le jour suivant eut lieu la même apparition, le même miracle et la même supplication. La pauvre Anglèze avait beau prier son père de remplir sa mission, il restait sourd à ses exhortations.
Quelques jours après, eut lieu une troisième apparition, et cette fois, le pain fut changé en fleurs que la pauvre bergère fut obligée de porter chez elle comme preuve de ce qu’elle disait, et au lieu désigné par la dame, une source, jusqu’alors inconnue, jaillit du sein de la terre.
En présence de tous ces faits, le bon paysan se rendit à Monléon et plaida si bien la cause dont il était le messager qu’une chapelle fut construite par ordre et avec les deniers de la commune.
La source se trouve dans une espèce de grotte. Un tableau placé
au-dessus représente
Ici se termine la légende pour faire place à l’histoire. Le cadre de ce travail ne permettant pas de décrire les diverses transformations qu’a subies cette petite chapelle, ce chapitre va prendre fin en indiquant de Garaison est composé de quatre corps de bâtiments formant un quadrilatère qui forme sur un carré où se trouve un jet d’eau, et à des cours de récréation au midi et au nord. Au levant se trouve un vaste jardin, bien tenu, et produisant des fruits et des légumes pour alimenter le personnel entier du pensionnat.
Garaison a été longtemps un lieu de pèlerinage. Il ne l’est plus que pour les populations voisines dont la ferveur se ralentit de jour en jour.
Le Monléonais est, en général, de mœurs simples et réglées. Il est poli, avenant, généreux et hospitalier. Sensible à un bon procédé, il s’en montre reconnaissant. L’étranger est toujours bien accueilli chez lui.
La population se compose de quelques hommes exerçant des professions libérales, tels que : notaire, huissier, médecin, vétérinaire et pharmacien ; de quelques familles bourgeoises vivant de leurs rentes ; de plusieurs artisans en tous genres. Le gros des habitants de la commune se livre aux travaux agricoles.
Le cultivateur est, en général, attaché à sa terre ; cependant, depuis déjà bien des années, l’usage des voyages momentanés, en qualité de marchand colporteur, s’est introduit dans ses mœurs. Il va, en terme patois : chiner. C’est-à-dire trouver lui-même le client dans son domicile et vendre sa marchandise le plus qu’il peut. Certains ont augmenté leur pécule ; d’autres sont restés ce qu’ils étaient. Ce genre de commerce était surtout en vogue il y a une vingtaine d’années. Aujourd’hui, il tend à disparaître. Le hameau d’Arpajan seul fournit encore quelques chineurs ; mais les autres parties de la commune n’en comptent que peu ou point.
Tout en respectant la liberté individuelle qui autorise chacun à faire selon qu’il l’entend, il est à souhaiter, sauf de rares exceptions, dans l’intérêt des familles, que cet usage finisse par disparaître. En effet, les jeunes gens contractent des habitudes de dépenses dont ils ne peuvent se priver ensuite, et perdent l’habitude des travaux dans les champs qu’ils n’auraient pas dû, pour la plupart, abandonner.
La population entière est catholique ; ce culte est d’autant plus vivace que Garaison se trouve dans son territoire et que les prêtres qui y résident ont assez souvent l’occasion de l’évangéliser.
Le costume de la classe bourgeoise est celui des villes. Les agriculteurs et les ouvriers portent la blouse, les jours de travail, et le veston, les jours de fête. La casquette, le béret béarnais et le chapeau mou, large de bord, composent leur coiffure. Les sabots sont leur chaussure, en hiver, et les sandales, en été. Les souliers sont celle des jours de fête.
Le français est la langue habituelle de la première de ces deux classes, et le patois est celle de la seconde. Le Monléonais comprend quand on lui parle français ; il sait aussi, au besoin, s’exprimer dans cette langue plus ou moins bien, sauf d’honorables exceptions ; mais il est bien plus à l’aise quand il parle son idiome dont les expressions sont parfois d’une énergie que le français ne possède pas. Les chants patois mêmes ne sont pas exclus du répertoire populaire.
L’alimentation est, en général, bonne dans toutes les conditions. Il est peu de familles qui n’aient pas le dimanche, sinon la poule au pot que le bon Henri IV souhaitait à ses paysans, du moins un pot-au-feu de viande de boucherie. Le pain et les légumes, qui sont la base de l’alimentation des classes laborieuses, sont excellents. Le vin est, en ce moment, le produit le moins bon et le moins abondant. Il se boit plus de piquette ou d’eau que de vin, à cause de sa cherté et du mauvais état des vignes.
Annexe au titre IV
Enseignement
Des recherches faites aux archives communales donnent la certitude qu’il n’y a aucun document laissant trace de l’existence d’une école, dans la commune, avant 1789. Selon les renseignements recueillis auprès des personnes âgées, la première école dont elles ont souvenance, dirigée par un instituteur, remonterait à 1795, et celle dirigée par une institutrice, à 1820.
L’instituteur tenait son école à l’une des salles de l’ancienne
mairie et logeait dans une maison particulière. Cette bâtisse, qui tombait
de vétusté, située au quartier de
L’institutrice était dans une maison particulière, ce qui semblerait indiquer que, dès l’origine, la première de ces écoles était communale, tandis que la seconde était libre.
L’école des filles eut, après un certain nombre d’années d’existence, une interruption assez longue, paraît-il, et l’école des garçons devint mixte. Ce n’est que vers 1850 qu’on voit reparaître une école de filles libre, dirigée par une institutrice laïque, native de Monléon même. Vers 1856, la commune fit l’acquisition d’une maison et y installa l’école des filles dont elle confia la direction à une religieuse de l’ordre de Saint Joseph, et dès lors l’école devint communale. Un poste d’adjointe y a été créé en 1874.
L’école des garçons paraît avoir eu des maîtres sans interruption depuis la date de son ouverture. De 1860 à 1868, il y a eu un poste d’adjoint, moyennant la somme annuelle de deux cents francs que la commune sortait de son budget.
A cette dernière date, le Conseil municipal, soit par mesure financière, soit pour tout autre motif, en a demandé et obtenu la suppression. Le nombre des élèves n’ayant jamais atteint le chiffre 80, il a été impossible, malgré les demandes réitérées qui ont été faites, dans ces dernières années, par la municipalité, de le rétablir.
Jusqu’en 1874, époque à laquelle le local scolaire a été définitivement construit, l’instituteur a dû se loger dans des maisons particulières. Aujourd’hui, le logement, quoique un peu exigu, offre assez d’agrément et de commodité.
La maison d’école, servant aussi de mairie, est située au centre de la localité, dans le plus beau quartier, à une vingtaine de mètres de l’église. Sa façade regarde le levant et donne sur la rue principale. La salle d’école occupe la partie nord du rez-de-chaussée ; elle reçoit la lumière de ces deux points par quatre ouvertures dont deux de chaque côté ; mais comme elle n’est pas plafonnée, elle est un peu obscure, en hiver surtout. Cette amélioration exigerait, en plus, une dépense d’une centaine de francs. Au midi, se trouve une salle de mêmes dimensions que la commune a louée et qui, au besoin, pourrait être mise au service de l’instituteur.
Sur le devant de la maison se trouve un péristyle à six colonnes où les enfants prennent, à défaut de préau, leur récréation lorsqu’il fait mauvais temps.
Derrière la maison se trouve une petite place publique servant de promenade où les élèves peuvent, lorsqu’il fait beau, se livrer à leurs ébats ; mais tout cela ne remplace pas les avantages d’un préau couvert dont la commune devrait s’imposer le sacrifice, soit une dépense de deux cents francs.
Le premier étage comprend le logement de l’instituteur, situé au midi, et divisé en quatre petites pièces, la salle de la mairie et ses dépendances se trouvent au nord sur la salle d’école. Cette partie du local est plafonnée, mais n’a pas de plancher, et par conséquent pas de galetas. Le logement de l’instituteur est, pour ce motif, sans décharge. D’un autre côté, il est très froid pendant l’hiver et très chaud pendant l’été. La commune aurait là une autre dépense à s’imposer, soit trois cents francs, et au total, six cents francs.
La maison d’école des filles se trouve aussi sur la rue principale, à une centaine de mètres environ, au midi, de celle des garçons. Cette bâtisse, ancienne maison particulière, n’est guère propre au service actuel ; aussi la municipalité en a-t-elle demandé la reconstruction depuis déjà plusieurs années. Le dossier est entre les mains de l’administration.
Le local actuel se compose de la salle d’école de la titulaire, donnant sur la rue, au rez-de-chaussée, et recevant la lumière par deux ouvertures, du côté du levant. Au nord de cette pièce se trouvent, séparés par un corridor, un petit salon et une cuisine, et au couchant, une pièce de décharge.
Sur la salle d’école, au premier, est la chambre à coucher des maîtresses et au couchant, se trouve une autre pièce où l’adjointe fait son école. Cette salle reçoit la lumière de l’ouest. Sur la cuisine et le salon est un corps de bâtisse non approprié pour aucun usage.
La disposition de ce local est défectueuse surtout à cause de l’éloignement des deux classes. Il est donc à souhaiter, dans l’intérêt du service, que le nouveau plan soit au plus tôt approuvé et mis à exécution. La commune s’imposerait pour deux mille francs sur le montant des dépenses portées au devis.
Au nord de la maison sont la basse-cour et un préau couvert ; et au couchant, un jardin assez vaste et de bonne nature.
Les familles comprenant de plus en plus le prix de l’instruction, redoublent d’efforts pour envoyer le plus possible d’enfants à l’école ; aussi ne voit-on plus parmi les jeunes gens et les jeunes filles, aucun illettré dans la commune. Tous les conscrits et tous les conjoints de l’année dernière ont signé les pièces les concernant.
Les écoles ne sont pas dotées d’une bibliothèque scolaire ; mais elles le seront incessamment. L’élan est donné : M. le Maire a promis qu’il ne négligerait rien pour aider l’instituteur à atteindre le but désiré.
La caisse des écoles ni
Le traitement de l’instituteur est de 1 300 francs, ceux de l’institutrice et de son adjointe sont de 700 fr. et 600 fr.
Pour réaliser les améliorations dont il est parlé plus haut, aux locaux scolaires, la commune doit prendre à sa charge :
1. Pour reconstruction de la maison d’école des filles 2 000 fr.
2. Pour plafonnage de la salle d’école des garçons 100 fr.
3. Pour création d’une bibliothèque scolaire 100 fr.
4. Pour construction d’un préau couvert à l’école des garçons 200 fr.
5. Pour la pose d’un plancher au galetas de la maison 300 fr.
Total 2 700 fr.
Monléon-Magnoac, le 4 Avril 1887.
L’Instituteur public
Signé : Lacassagne
Archives départementales des Hautes Pyrénées T385 - 262.
[1] - Cet emplacement vient d’être acheté par M. le docteur Capdeville de Monléon-Magnoac pour y élever une maison d’habitation. Les travaux de démolition et de déblaiement sont en voie d’exécution.
[2] - Les rendements par hectare sont : froment, de 15 à 18 hectolitres ; pommes de terre, 28 à 35 hecto. ; maïs, 24 à 26 hecto. ; Orge, 26 à 30 hecto. ; Avoine, 20 hectos. ; Millet, 35 à 40 hecto.