Fac-similé
Le précédent chapitre a publié la copie d’un procès-verbal
des miracles attribués à
Rappelons tout d’abord les quelques données fournies :
A la suite d’une « délibération publique et authentique »
du 21 septembre 1715, le sieur Abadie, curé de Puntous, écrit en 1716 à l’archevêque
d’Auch pour demander la permission d’élever une chapelle dédiée à
Toujours en 1716, le curé de Puntous fait imprimer à Auch le document publié dans le précédent chapitre. Depuis peu, en effet, le prêtre a reçu de Simon Rouëde, Chapelain de Garaison, le procès-verbal établi par Etienne Daignan du Sendat, alors archidiacre du Magnoac, lors d’une visite de paroisses, en 1636. Le document de trouvait dans les archives de Garaison. Allégation vraisemblable, puisque Etienne Daignan du Sendat fut élu Supérieur des Chapelains de Garaison en 1662.
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Le vicaire général Laffont examine la demande d’érection de la chapelle, mais somme bientôt le curé Abadie de répondre aux accusations portées par Noble Arnaud de Sariac, contre un projet favorisant le lucre et la superstition
Après enquête la chapelle, finalement, ne sera pas érigée.
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Quelle valeur accorder à cette longue relation de miracles publiés en 1716 par les soins du curé Abadie.
Par souci de clarté, quelques précisions tout d’abord, sur :
- la visite des paroisses par l’archidiacre au XVIIe et XVIIIe siècles, dans le Magnoac en particulier.
- la mentalité religieuse et profane de l’époque,
- les principaux acteurs de l’affaire qui nous intéresse.
Cet éclairage permettra de mieux situer la portée du texte attribué à Etienne Daignan du Sendat, texte à étudier par la suite en le confrontant notamment avec la relation établie par Pierre Geoffroy sur les débuts du Sanctuaire de Garaison et les miracles obtenus par l’intercession de N.D. de Garaison, avant 1606.
En conclusion, il sera loisible de mieux prendre conscience de l’œuvre des premiers Chapelains de Garaison, face à un contexte psycho-social bien déterminé.
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L’archidiocèse d’Auch, avant
Ce dernier comprenait, en gros, les paroisses englobées par les actuels doyennés de Castelnau-Magnoac et Galan.
Puntous dépendait ainsi de l’archidiacre du Magnoac.
Charge purement honorifique réservée aux chanoines de la cathédrale d’Auch sur promotion de l’archevêque, l’archidiaconat implique le droit annuel de visite des églises relevant de l’archidiaconé, moyennant, à charge du curé visité, une taxe fixée de temps immémorial.
Dans ses « mémoires », Louis Daignan du Sendat, archidiacre du Magnoac au XVIIIe siècle, fait ainsi état d’un document, daté de 1434, qui précise le montant des redevances exigibles de chaque curé du Magnoac, à la suite de telles visites.
Depuis Géraud Daignan du Sendat, nommé archidiacre du Magnoac en 1629 par Monseigneur de Trappes, les Daignan du Sendat vont se succéder sans interruption à la tête de l’archidiaconé du Magnoac, ainsi que le précise, vers 1742, Louis, dans ses « Mémoires » :
« L’archidiacre de Magnoac a l’avantage d’avoir dans le district de son archidiaconé la célèbre chapelle de Garaison, fameuse par les guérisons miraculeuses que Dieu y oppère, tant de l’âme que du corps, et il ne manque pas de la visiter toutes les années, de mesme que le reste de l’archidiaconé. On trouve dans les archives de l’archeveché, que les églises de cet archidiaconé ont été visitées avec exactitude, surtout depuis le commencement du XVIIe siècle jusqu’à présent par les archidiacres Géraud, Orens, Estienne, Pierre et Louis Saignan du Sendat. Et lorsqu’ils n’ont pu faire la visite par eux-mêmes ils ont commis un autre pour cette fonction, entre autre Guillaume de Junca doyen du chapitre de Castelnau de Magnoac qui fit sa visite en 1624 en qualité de commissaire du susdit Géraud et Jean Carlès chapelain de Garaison par le susdit Louis Daignan du Sendat en plusieurs églises où il ne peût aller en 1739 et 1740 pendant le cours de sa visitte. »
Ces visites qui s’effectuaient en présence du seigneur du lieu, des consuls, du clergé, de la population, suivant un cérémonial précis, devaient permettre à l’archidiacre de répondre à un long questionnaire établi à l’avance.
Non seulement il fallait rendre compte de l’état des lieux de culte, du linge, du mobilier, mais encore de la pratique religieuse des habitants, de l’assiduité du curé à s’acquitter de ses diverses fonctions, des mœurs de la population…
Un questionnaire du début du XVIIIe siècle comporte ainsi soixante des articles parmi lesquels on peut lire :
« XVI – Les noms des saints et les approbations ; par qui et quand elles ont été données ;
XXVI – S’il n’y a point de peintures, de statues indécentes ;
XXVIII - … s’il y règne des superstitions, et quelles…
XXXI – Si les filles vont avec les garçons ;
XXXVIII – Si les pères et mères couchent avec leurs enfants après l’âge de dix ans » ;
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Après ces lignes, il est donc raisonnable de penser que l’archidiacre
Etienne Daignan du Sendat a officiellement enquêté en 1636 sur le culte rendu
à
L’examen du registre des comptes rendus de visites de paroisses, effectuées par l’archidiacre de Magnoac Louis Daignan du Sendat de 1731 à 1724, prouve que le procès verbal de toutes les visites n’a pas été consigné par écrit. Dans d’autres cas, simplement en quelques lignes, mention est faite de la visite.
Ailleurs, Louis Daignan du Sendat justifie incidement ses dires : « Voyez une partie du verbal de visite qui fut faite le 31 juillet 1644 par Monsieur Etienne Daignan du Sendat, grand vicaire de Monseigneur de Vic, archevêque d’Auch, dans l’église de Sainte Dode… ».
Partant de ces constatations, il semble vraisemblable d’avancer
faute de documents plus explicites : en 1636, Etienne Daignan du Sendat,
après sa visite à Puntous demande à son secrétaire de rédiger la pièce officielle
à conserver aux archives de l’archevêché (?) et de conserver dans les archives
de l’archidiacre le texte de notre verbal de visite à
Etant donné l’exceptionnelle personnalité de l’ecclésiastique,
le rôle de premier plan qu’il joue dans le diocèse, Etienne Daignan du Sendat
sait en effet être le seul à devoir trancher ultérieurement, si nécessaire
sur les « miracles » de
Si, par la suite, il ne sera plus question de ce texte jusqu’en
1716, c’est peut-être tout simplement parce qu’au XVIIe siècle
le cas de
Ce phénomène religieux s’explique d’autant mieux que la mentalité de la population d’alors est encore très fortement marquée par le paganisme ancestral.
Louis Daignan du Sendat a des pages fort suggestives à ce propos : dont voici quelques extraits, rédigés vers 1740 :
« Les esprits follets… Le peuple dans le diocèse d’Auch est si infatué de ces opinions qu’il ne doute pas qu’il y ait de ces esprits…
On ne peut douter que cette superstition qui n’est pas prête encore à finir ne soit un reste de paganisme qui n’a pas été déraciné…
Il est évident que ces esprits folets ne sont autre chose que les Lemures des Romains… Les Romains avoient institué des fettes pour apaiser les lutins. Ces fettes s’appelèrent Lemuries. Les Lemuries se célébraient au mois de may. Tous les temples étoient fermés à Rome pendant les Lamuries. Il n’était pas permis de se marier pendant ces fettes comme nous le dirons dans un autre article sur les superstitions ».
« Des fées. On appelle en gascon les fées las hades suivant l’idiome gascon qui met toujours un h à la place de la lettre f…
Cette croiance des fées a été assez universelle en Europe mais
elle paroit avoir été particulièrement établie dans
Beaucoup de fontaines sont célèbres par les fées qu’on a souvent vues autour de leurs rives.
Mais la plus célèbre de toutes est sans doutte la fontaine de Carles qui a sa source à une petite demi-lieu d’Auch. Les paisans du voisinage de cette fontaine disent qu’on les a souvent veues autre fois et qu’elles se montroient avec des habits d’une blancheur plus éclatante que la neige, ce qui est conforme à l’opinion qui les appelle les Damos blanquos.
Ces fées de Gascogne semblent avoir quelque rapport aux nayades des Romains qu’ils croiöent présider aux fontaines… »
« De la répugnance à se marier au mois de may. Le peuple du diccèse d’Auch est dans l’usage constant de ne point se marier au mois de may. C’est une délicatesse que rien ne seroit capable de guérir, on aurait, dit-on a craindre les plus grands malheurs. On assure que ceux qui se marioient dans ce mois risquent pour leur vie et ne sauroient éviter une mort prochaine.
Le mois de may, ajoutte ton ne peut être qu’un mois funeste dans le mariage. C’est dans ce temps la surtout que le coucou, triste oizeau, simbole de l’infidélité fait entendre sa voix.
On allègue mille contes ridicules de cette espèce sans être en état de rendre aucune raison solide à la conduite qu’on tient. Tel est l’usage qu’on a vu pratiquer à ses ancêtres, tel est l’usage dont on n’ose s’écarter soy même sans scavoir pourquoy. Il ne faut pas être fort versé dans la théologie payenne et dans les coutumes des Romains pour juger que c’est d’eux que cette pratique est venüe… »
« De la coelle des enfans nouvellement nés… Le peuple du diocèse d’Auch se persuade que cette pellicule (la membrane qui entoure le fœtus) portée sur soi, porte bonheur. Cette superstition luy vient sans doute du paganisme. »
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Posons quelques jalons susceptibles d’éclairer le lecteur sur
le mentalité de nos campagnes au XVIIe et XVIIIe siècles,
esquissons à grands traits la figure des principaux acteurs de l’enquête sur
les « miracles » de
Place tout d’abord à Etienne Daignan du Sendat, et ce, afin
de mieux comprendre pourquoi le curé de Puntous, en
Une fois encore laissons la parole à Louis Daignan du Sandat :
« Etienne Daignan du Sandat, chanoine de l’église métropolitaine d’Auch et archidiacre de Magnoac est un de ces hommes si singuliers par leur mérite qu’on parlera à jamais dans le diocèse d’Auch de l’étendue de ses rares talens. Les messieurs de Ste Marthe en parlent avec un grand éloge dans leur gallia Christiana, dans la vie de M. de Lamothe Haudencourt, archevêque d’Auch.
La province ecclésiastique d’Auch l’avait député à Paris l’an
Etienne Daignan herita pour Mrs les Pénitens de tout le zele de son oncle Geraud Daignan, leur fondateur. La confrairie doit à ses soins et à ses veilles le bel office de Nôtre Dame de Pitié avec les méditations qu’il a composées pour leur usage. C’est lui aussi qui a dressé les sages statuts de cette confrairie, aujourd’hui si négligés par la pratique…
Précédemment, à l’occasion de la notice biographique sur Mgr de Lamothe Houdencourt, le même Louis Daignan du Sendat avait dit :
« … Ce fut du temps de ce prelat que les temples des prétendus Reformés furent détruits dans ce diocèze. Le nom de temple est pris pour les Batimens où les protestans s’assembloient pour les exercices de leur religion. Par les édits de pactification, les prétendus Réformés de France devoient avoir un certain nombre de temples dans chaque province. Il y en avoit plusieurs dans le diocèze d’Auch. On en voyait à Euze (Eauze), à Manciet, à Vic Fezensac, à Puicarquié, et il y eu divers arrests du Parlement de Toulouse qui en ordonnérent la démolition, malgré toutes les pièces que les prétendus Réformés de ces divers endroits montroient pour se maintenir dans l’exercice de leur Religion prétendue Réformée. Le zèle et les soins d’Etienne d’Aignan alors Vicaire général et Archidiacre de Magnoac contribuèrent beaucoup à hâter la destruction des temples et à établir l’unité de Religion dans le dioceze… »
Vicaire Général pendant cinquante ans, Etienne Daignan du Sendat eut l’occasion de manifester sa sollicitude à l’égard de plusieurs sanctuaires mariaux du diocèse d’Auch.
L’archidiacre du Magnoac aime s’appeler « le premier chapelain
de Cahuzac » et dote les chapelains de N.D. de Cahuzac de
Le 20 juin 1678 le même Vicaire Général compose les statuts
de
Rappelons enfin qu’Etienne Daignan du Sendat est élu Supérieur des chapelains de Garaison en 1662, tout en demeurant Vicaire Général.
L’homme a beaucoup écrit en prose et en vers, en latin comme en français. Citons simplement une lettre circulaire parue en 1671. Le texte reflète bien le personnage conscient de sa valeur et la mentalité d’une époque :
« Estienne d’Aignan prestre ancien archidiacre de Maignoac,
et Vicaire Général de monseigneur l’Illustrissime et Reverentissime Archevesque
d’Auch à tous les Sieurs Archiprestres, Curés, Vicaires, Confesseurs et autres
prenants part à
MESSIEURS. Les relations, que nous avons de quelques Diocezes
de
1. Tous Curés et Vicaires tairont durant plusieurs mois leur
Catechismes et exhortations sur le sujet de
2. Comme l’oraison et le jeusne sont des remedes que nostre
Seigneur nous donne dans l’Evangile contre le Demon, châque Curé et Vicaire
exhortera ses parroissiens de les pratiquer chascun selon son pouvoir, et
d’assister à
3. Tous Confesseurs fairont difference des penitents. Il y en à qui volontairement et sans avoir esté indiquez ou diffamez, se confessent au Sacrement de penitence des crimes de Sorcelerie : il y en à d’autres qui ne vont au Sacrement, et ne s’y confessent qu’après avoir esté indiquez ou diffamez : et il y à des penitents d’une troisiesme classe, qui nonobstant l’indication ou diffamation de Sorcellerie ne s’en accusent jamais, quelques grandes que soient les remontrances du confesseur : Enfin ceux du dernier ordre sont, qui estant convaincus de ces crimes ou mesme condamnez à mort par la justice, ne veulent les confesser au Sacrement.
4. Au regard des premiers on à sujet de croire que la penitence est sincere : au regard des seconds elle est suspecte : il est dangereux que ceux du troisiesme rang sont sans penitence ; et il est constant que ceux du dernier n’en ont pas du tout.
5. Le conduite du Confesseur au regard de toutes ces personnes est très difficile, et quoyque nous devions nous confier en sa prudence, supposée la faculté qu’il ait d’absoudre de ces cas reservez, neanmoins nous avons jugé à propos de luy donner quelques advertissemens.
1. Qu’avant de commencer aucune de ces administrations il s’unisse fort à Dieu et à Notre Seigneur, et implore sa misericorde pour la conversion fidèle des penitents.
2. Qu’il oblige les penitents de luy declarer s’ils ont aucun gage du Diable : s’ils ont fait aucun pacte par escrit avec le demon, auquel cas le Confesseur avant d’ouyr la confession obligera les penitents de luy apporter ces gages et escrits, pour les faire brûler en leur presence.
3. Les Confesseurs examineront les penitents sur les motifs de leur conversion : et tascheront de descouvrir avec adresse, si ce qu’ils en disent part du fonds du cœur, sans s’arrester aux larmes feintes parce que s’ils descouvrent que la confession ne se fit que par grimace, ils devront renuoyer le pretendu Penitent : comme ou en à trouvé, qui n’alloient à confesse que dans la croyance qu’ils avoient, qu’au moyen du sacrement ils se metraient à couvert de la diffamation du public, de la descouverte des Devins, de l’accusation de leur complices, et de la recherche et condemnation de la justice Seculiere.
4. L’experience nous fait voir que pour l’ordinaire les diffamez
qui vont a confesse, ne s’accusent pas du peché de Sorcelerie ni des autres
crimes qui la suivent : et il sera de la prudence des Confesseurs de
differer l’absolution des pechez confessez : et affin de rendre capables
les penitents de la raison de ce delay, ils les instruiront de l’integrité
necessaire de la confession, leur proposeront l’horreur qu’ils doivent avoir
de
5. Pour le regard des convaincus et condamnez, d’ont les uns n’advoüent qu’une partie de ces crimes, les autres n’en confessent aucun, à cause des menaces que le Diable leur fait de les mal traitter, au cas qu’ils confessent tout : ou des complaisances qu’il excite en eux pour les pechez commis, des asseurances qu’il leur donne que l’Enfer est un lieu de delices pour ceux qui le servent, et que les tourments sont pour ceux qui luy ont desobei : ou enfin du desespoir dans lequel il les jette de la misericorde de Dieu, leur faisant entendre que Dieu ne peut ou ne veut leur pardonner : les confesseurs tâcheront de descouvrir ses tentations, proposeront les motifs des vertus contraires qu’ils confirmeront par exemples, ils les asperseront d’eau benite, fairont le signe de Croix sur eux, invoqueront sur eux les noms de Dieu, Jesus et Marie, les Anges Gardiens, Patrons et tous les Saints du Paradis, et s’il est mesme besoin, useront secretement de quelques uns des exorcismes que le rituel met contre le Demon.
6. Au cas de malefice qui aura porté dommage, la reparation estant necessaire suivant la faculté des penitans, les Confesseurs les obligeront à la faire avant l’absolution, s’il se peut, ou bien apres.
7. Les Confesseurs n’obligeront aucun de leurs penitents d’avouër devant le juge aucun des crimes susdits, à moins que la procedure soit faite juridiquement, ce qui s’entend lors qu’il y à diffamation publique, fondée sur le témoignage de deux ou de trois personnes sages et bienconnoissante du crime commis, où qu’il y ait semipleine preuve, ou des presomptions du troisiéme ordre qui equivalent cette preuve : et les Confesseurs observeront en toute leur conduite l’obligation du sceau de la confession, pour être de droit divin, et dont toutes les loix humaines de peuvent dispenser.
8. Que si toutes ces precautions sont necessaires ou utiles,
pour empescher qu’au tribunal de la penitence on fasse un sacrilège au lieu
d’un Sacrement : elles devront estre observées avec plus d’exactitude
au regard du Sacrement adorable de l’Autel : que son excellence est plus
grande : et que la malice des Sorciers est quelque fois si horrible,
qu’au lieu d’avaler le S. Sacrement à
Prions le bon Dieu qu’il benisse tout ce dessus, affin que vous en puissiez faire bon usage. Nous recommandant à vos saintes prières.
Donné à Auch ce 26, jour du mois de Juin 1671.
Comparé à Etienne Daignan du Sendat, le Vicaire Général Laffont qui instruit l’affaire du curé Abadie, manque de relief.
Datée du 13 octobre 1724, la lettre circulaire faisant part du décès du personnage mentionne seulement, outre ses vertus habituellement attribuées à un vénérable ecclésiastique, que depuis 1722… « Ses infirmitez l’obligèrent à discontinuer et ne lui aïent presque permis de sortir de chez lui, il n’a pas laissé que d’y recevoir et d’entendre tous ceux qui avoient quelque affaire et quelque difficulté à lui proposer ; en sorte que sa maison étoit comme un espèce de tribunal domestique de charité, dans lequel il a répandu jusqu’au dernier moment sur les autres les lumières que sa longue expérience lui avoit acquise… Signé (Louis) Daignan du Sendat Vic. Gen. »
Intéressante précision qui explique en partie combien le curé Abadie fait appel aux sentiments dans ses lettres de justification au Vicaire Général Laffont.
C’est qu’en effet le curé Abadie suscite l’étonnement, la suspicion.
« Le Verbal sommaire des Miracles arrivés à
Ce qui signifie en clair : le procès verbal en question n’est qu’un simple constat de relations orales, non vérifiées dans les faits.
Or, à propos de ces mêmes dépositions, dans
Une conclusion s’impose : nous sommes en présence d’une brochure tendancieuse qui, à partir d’un texte d’Etienne Daignan du Sendat, cherche à justifier, à promouvoir une dévotion chère à un prêtre. Mais ce dernier fait preuve d’une conception assez particulière de la notion de vérité : le constat de relations orales ne prouve pas nécessairement que de tels dires garantissent la réalité des faits invoqués.
La remarque prend de l’importance lorsqu’on fait état d’un jugement rendu le 27 juillet 1723 par Louis Daignan du Sendat, alors « official général » d’Auch.
A la suite d’un long procès intenté par « noble Sébastien de Beauregard, habitant du lieu de Trébons en Bigorre », le curé de Puntous s’est vu condamné pour avoir confondu « prêter » avec « donner ».
Voici d’ailleurs l’essentiel de la sentence : « … avons condamné le dit Abadie de rendre au dit sieur de Beauregard le bréviaire et le diamant monté sur l’anneau d’or, dont s’agit, dans le delay d’un mois ou a luy en payer la legitime valeur suivant l’estimation qui en sera faite par des experts… » Si, par ailleurs, le curé de Puntous a prêté une somme de trente livre au sieur de Beauregard, dit qu’il le prouve… De toute manière le curé est condamné « … en la moitié des depens (à) liquider à la somme de vingt et six livres y compris les frais de l’expedition de la présente donnée, l’autre moitié demeurant reservée en fin de cause. »
Un prêtre beau parleur, intriguant, peu scrupuleux, tel apparaît désormais le curé Abadie de Puntous.
Ce qui donne du relief aux plaintes adressées le 1er septembre 1717, à l’Archevêque d’Auch par « noble Arnaud de Sariac, seigneur de Bouris habitant du lieu de Puntous ».
Pour l’essentiel, la requête supplie l’évêque de « couper
chemin a un mal si pressent et qui n’est allé déjà que trop loin ; les
prêtres du lieu alléchés par les dons et les offrandes que des pauvres paysans
ignorans portent tous les jours a une pierre dont ils font leur idole, bien
icin darreter leur idolatrie animent par leur exemple ces misérables de rendre
a cette pierre un culte qui n’est du qu’à Dieu seul… et vouloir deffendre
au curé de Puntous de conduire le peuple en procession a cette pierre pour
y allumer le brandon de
Faut-il conclure que la brochure publiée par le curé de Puntous est l’œuvre d’un faussaire ?
Conclusion hâtive.
Certes, il est curieux de constater que le procès-verbal des visites à Puntous de Louis Daignan du Sendat, Archidiacre du Magnoac durant la période qui va de 1731 à 1738, ne fait aucune mention de la pierre, encore moins des miracles.
Tout de même, la permission accordée par le juge-mage et l’avocat du roi, en 1716, en faveur de la fameuse brochure, n’a pu être octroyée qu’à la suite de garanties fournies par le curé de Puntous.
Il était facile d’ailleurs de s’informer auprès des chapelains de Garaison.
Enfin, si en 1723, le curé de Hachan est encore chargé par le vicaire général Laffont d’enquêter sur le sujet de la pierre de Puntous, c’est que malgré le procès avec le sire de Beauregard, procès qui dessert le curé de Puntous, l’argumentation de ce dernier concernant la pierre de Puntous revêt une certaine consistance aux yeux de l’officialité. Or le curé fait du procès-verbal d’Etienne du Sendat l’une des pièces maîtresses de sa thèse en faveur de la pierre aux miracles, on l’a vu.
Admettons donc, jusqu’à preuve du contraire, que le curé Abadie
a publié, non pas un procès verbal d’Etienne Daignan du Sendat, autifiant
en 1636 une série de miracles attribués à
Indirectement, cette prise de position est corroborée par deux lettres inédites, résultat d’une enquête menée au XXe siècle par l’abbé Cézerac, alors vicaire capitulaire à Auch. L’on retrouve en effet dans la tradition orale de 1905 l’essentiel de ce qui est dit de la pierre dans la brochure analysée plus haut.
Ponsan Soubiran, le 28 juin [19]05.
Monsieur le Vicaire Capitulair (sic),
J’ai eu le plaisir de visiter
Photo Jean Nicolas
Il n’y a pas de vestige de tumulus et personne n’a souvenir de ce tumulus.
Espérant avoir quelque renseignement utile, j’ai vu Mr Baudens, ancien Sénateur, qui avec Mgr de Carsalades en particulier, s’est occupé d’Archives. Il n’a pu me renseigner malgré sa meilleure bonne volonté.
Sur son indication j’ai causé avec Melle Baudens, 75 ans, propriétaire
du Champ où est
Mr le Curé de Punctous n’a rien dans les archives de la paroisse. Dans la localité on visite peu cette pierre. A ma connaissance il n’y a pas eu de pèlerinage, à vrai dire.
J’ai causé avec un vieillard de 84 ans et une bonne femme de 85 ans. Le premier m’a dit que jamais on n’avait pu la couvrir, que ce qu’on avait élevé au-dessus avait toujours été rejeté par une force surnaturelle. La bonne femme de 85 ans, mais très saine d’esprit et très bonne chrétienne, m’a dit qu’un bouvier l’avait heurté avec sa charrue et qu’elle avait donné du sang. Qu’on croyait parmi les Ancêtres qu’une Sainte Fille avait été ensevelie en cet endroit, que dans sa jeunesse elle y avait vu une croix en bois, disparue depuis de longues années.
Mr Baudens croit que dans les Archives de sa mairie on pourrait trouver quelque renseignement.
M. l’abbé Labat, natif de Punctous, curé de Savournin par Trie, Htes Py. Pourrait être un peu au courant de la légende.
Très disposé à continuer les investigations, si vous le jugez utile, je regrette d’être si peu heureux jusqu’à ce moment.
P.-S. – J’ai emporté un petit flacon d’eau blanchie par le frottement. La pierre est grise mais la surface supérieure creusée en cuvette est blanchâtre et l’eau blachit naturellement.
Tout à votre disposition. Je vous prie d’agréer, Monsieur le Vicaire Capitulaire, l’expression de mes bien respectueux sentiments. Arrouy.
D’après la bonne femme de 85 ans, assez voisine du quartier
de
Sadournin, le 4 juillet 1905.
Monsieur le Curé,
En recueillant mes souvenirs, voici ce que je puis vous dire
sur «
Un laboureur rencontra avec sa charrue un obstacle irrésistible ;
c’était le sommet d’une pierre. Changeant d’instrument, il fit le vide tout
autour et mit à découvert une pierre haute d’environ
Dès lors, elle devint sacrée pour le peuple. On lui attribua des vertus curatives. Quiconque était atteint d’une affection obstinée venait lui demander guérison.
Voici comment on s’y prenait. On apportait une bouteille d’eau, bénite ou non, on se mettait à genoux ; on versait quelques gouttes d’eau sur la surface plane de la pierre. On frottait avec les doigts jusqu’à ce qu’on obtienne un liquide laiteux en quantité suffisante pour frictionner la partie malade. Certaines personnes prétendirent avoir trouvé un soulagement…
Alors la reconnaissance populaire s’affirma par des manifestations
publiques. On s’y rendait en procession avec des lumières, particulièrement
la veille de
La légende s’en est emparée et y a mêlé son côté pittoresque.
Voici ce qu’on pratiquait en cas de fièvre.
On prenait un bouquet de « mandras », sorte de menthe sauvage ; on le plaçait sur la pierre avec un morceau de pain à droite et du sel à gauche et l’on disait aussi dévotement que possible :
Aci, que soy, praoubé mandras ;
Jou qu’ey la frébé, tu nou l’as pas.
Aci qu’ed porti pan et saou ;
Qu’et dechi la frébé é qué m’en baou.
Je ne voudrais cependant pas vous dire du mal de
Je n’ai jamais compris que l’Eglise ait donné son caractère
religieux au concours qui s’est fait autrefois autour de
Tels sont, Monsieur le Curé, les renseignements que je puis
vous donner sur
Je suis heureux d’avoir l’occasion de vous renouveler, l’expression de mes meilleurs sentiments. L. LABAT, Curé.
÷
L’actuel dossier de
-
- La puissance mystérieuse qui se dégage de
Si, par exemple, le hangar de la tuilerie de Mademoiselle de
Puntous ne peut tenir debout tant qu’il renferme des matériaux provenant de
l’édicule couvrant
L’on aurait ainsi une preuve supplémentaire du fréquent procédé
de substitution : dans un contexte de merveilleux, est attribué à
Par comparaison, l’histoire du « crocodile » de Saint Bertrand de Comminges milite en faveur de cette opinion.
L’on sait que selon une légende, saint Bertrand, nommé évêque de Comminges en 1073, mort en 1123, aurait délivré la contrée voisinant avec son siège épiscopal, d’un monstre semant la terreur. D’où la dépouille d’un crocodile suspendue près du portail d’entrée de la cathédrale.
En fait, cette « relique » est exposée seulement depuis le XVIIIe siècle. C’est aussi seulement au XVIIIe siècle qu’un écrit fait allusion pour la première fois, au monstre vaincu par Saint Bertrand.
Ne faut-il pas voir, par contre, dans la pierre qui proémine sur le pourtour extérieur, face Est de l’église Saint Juste de Valcabrère, le point de départ de la légende.
Un monstre enserre dans ses griffes une tête d’homme.
Matériau de réemploi utilisé vers la fin du XIe
siècle lors de la construction de l’édifice chrétien, l’ensemble sculpté fait
songer, par sa facture, à
De fait, la ville de saint Bertrand fut d’abord un opidium celte avant la romanisation. Par ailleurs, les sondages effectués par Monsieur Sapène autour de Saint Juste de Valcabrère, prouvent que nous sommes en présence d’une très ancienne nécropole.
La pierre qui nous occupe ne serait-elle pas la fruste représentation, mutilée, de la divinité tutélaire habilitée à veiller autrefois sur le cimetière de Valcabrère ?
Ce ne serait qu’à la fin du VIIe siècle, après le passage du saint évêque Donadieu de Griet, en particulier, que, définitivement vainqueur des « superstitions » - entendons le paganisme ancestral -, le clergé aurait célébré à sa manière la lutte du christianisme contre le paganisme, au bénéfice du saint évêque Bertrand ; d’où la légende du « crocodile », concrétisée plus tard, par une effective dépouille de saurien dans la cathédrale.
÷
Si nous nous interrogeons maintenant sur ce qu’était
Il s’agirait vraisemblablement d’un autel votif gallo-romain, très mutilé, semblable par exemple à celui de Belloc-Clamens.
Quant au tumulus visible au XVIIIe siècle, près
de
- Un tumulus comme il en existe tant dans la région,
- Une chapelle ruinée depuis longtemps,
- Une pile romaine.
Il reste à nous demander pourquoi au XVIIIe siècle, le curé de Puntous n’a pas obtenu la chapelle qu’il demandait.
Le prochain article s’efforcera de répondre à cette question.
Père Xavier RECROIX, "GARAISON, bulletin de l’amicale des anciens élèves de Garaison, n° 138"