LA FAMILLE OBSCUR
Une famille de marchands et bourgeois de Villefranche-de-Rouergue
aux XVIIe et XVIIe siècles.
porte de l’ancienne maison Obscur (XVIIe siècle)
Dans la deuxième moitié du XVIIIe siècle, Jean-Baptiste Obscur, cadet d’une famille de marchandes de Villefranche-de-Rouèrgue, vint résider à Bordeaux, rue de la Rousselle, pour y apprendre le négoce. En 1767, son mariage avec Jeanne Cartier, fille d’un bourgeois et négociant de Saint-André-de-Cubzac, le fixa définitivement en Gironde.
Reçu peu après bourgeois de Libourne, il tint certes dans cette ville un rang honorable et élevé, mais ce n’est pas là le mérite qui valut à ses neuf filles de contracter de brillantes alliances dans de riches et anciennes maisons du Libournais et du Bordelais. Selon une tradition qui reste vivace, les demoiselles Obscur étaient fort belles, de sorte que toutes se marièrent, et se marièrent jeunes. « A défaut de grosses dots, elles apportèrent à leurs maris le charme et la beauté », nous assure-t-on dans une généalogie de leur descendance. Il s’agit d’un mémoire inédit, d’un très grand intérêt car il montre comment de nombreux Bordelais comptent parmi leurs aïeules l’une de ces charmantes demoiselles ; mais il ne nous donne aucune information sur l’histoire de leurs ancêtres rouergats. L’état actuel de nos connaissances permet de combler en partie cette lacune, du moins pour les deux siècles pendant lesquels la famille Obscur se perpétua à Villefranche.
Elle s’y était établie vers la fin du XVIe siècle. A la veille de la Révolution, par le commerce de la passementerie, puis celui plus lucratif des toiles, les Obscur étaient parvenus au premier rang de la riche bourgeoisie villefranchoise. Les deux immeubles qu’ils ont fait édifier place de la Fontaine, au XVIIe, puis au XVIIIe siècle, témoignent aujourd’hui de la prospérité de leur négoce ; la seconde demeure, dont la construction fut achevée en 1757, l’une des plus belles que possède Villefranche, est depuis 1973 le siège du musée municipal.
Le nom peu répandu que porte cette famille ne paraît pas appartenir au fonds patronymique rouergat. Sa forme moderne, en effet, pourrait être le résultat d’une altération d’un patronyme plus ancien, dont la signification serait alors bien différente de celle que suggère l’adjectif obscur. L’hypothèse repose sur l’analyse des armes parlantes de la famille que l’on voit encore, finement sculptées dans la pierre, au-dessus de l’entrée du vieil hôtel bâti au XVIIIe siècle. Ces armes procèdent de deux rébus. Le premier, le plus compréhensible de nos jours, est composé à partir d’un cœur brochant sur deux os posés en sautoir, allusion directe à OS-CŒUR. Or le cœur est enflammé, c’est le second rébus qui désigne d’une autre façon les deux mots contenus dans le premier, mais à condition de restituer à OS le sens ancien qu’il a perdu, à savoir HARDI, dont la sonorité appelle l’autre mot désuet ARDEIS, c’est-à-dire l’incendie, l’embrasement. Il est permis de mener, par conséquent, que le patronyme Obscur provient probablement du qualificatif OS - CUER qui, en ancien français, voulait dire HARDI - CŒUR. C’est sans doute le sobriquet qui fut donné au fondateur inconnu de cette famille, originaire probablement du nord de la France. Il est évident, enfin, que la cordelière nouée, qui figure dans ces armoiries, au dessous du cœur, évoque l’activité professionnelle de plusieurs générations d’Obscur, la passementerie.
Pierre HOCQUELLET.
Bulletin du Centre Généalogique du Sud-Ouest. n°11, année 1983. Pages 18 à 33.