Maisons Bonifas

 

 

 

LE 78 QUAI DES CHARTRONS

 

C'est en 1900 que Paul va mettre sa famille et sa maison de commerce quai des Chartrons, dans ses murs. Dans une vaste demeure du XVIIIe siècle.

C'est la maison type de la Façade des Chartrons où s'est installé Jean-Henry Schÿler en 1774.

Façade étroite (trois fenêtres). La profondeur totale de la maison est supérieure à 30 mètres. Les étages comportent quatre pièces, dont une donnant sur les quais, les autres sur les chais et sur la cour intérieure. Les chais sont sous la totalité de la maison et se prolongent bien au-delà, sur environ 50 mètres, avec une sortie sur la rue Barrès.

A l'entresol : entre les quais et la cour, qui couvre une partie des chais, les bureaux. Entre la cour et la façade arrière, les cuisines et dépendances.

Située au dessus de l'entresol, la réception, dont un superbe grand salon, avec trois porte fenêtres sur un balcon étroit dominant les quais. Un décor Louis XVI très pur : cheminée, boiseries encadrant les glaces.

Au troisième étage sur les quais : une très vaste chambre, celle de nos grands-parents, avec un petit salon y attenant. Enfants, de leurs fenêtres, nous contemplions, admiratifs, le spectacle magnifique du fleuve couronné par les coteaux de Lormont. La vue de l'activité intense sur les quais sillonnés de camions à chevaux, les navires amarrés ou évoluant sur la Garonne, exerçait sur nous une véritable fascination que les années n'ont pas atténuée, tout au contraire.

Que c'était beau le Bordeaux des quais ! Qu'elle était belle cette ville vue des fenêtres de Grand-Mère !

Le quatrième étage ne couvrait que la partie de la maison entre les quais et la cour. Le magnifique escalier de pierre s'arrêtait en effet au troisième et sur le palier de celui-ci débouchait l'escalier montant en une seule volée à ce petit quatrième. C'est là que Paul avait aménagé sa bibliothèque, la pièce qu'il préférait dans sa maison, et aussi un cabinet de toilette à son usage personnel.

Nous nous étions demandé comment notre grand-père avait pu financer l'acquisition de cette vaste demeure et de suite nous avions pensé que l'héritage Ducharpreau avait dû y contribuer. C'était exact.

Par acte reçu par Me Bebin, le 9 juillet 1900, notre grand-mère est devenue propriétaire du "78". Elle a procédé à un échange avec M. François Bourdel, demeurant 56 avenue d'Iéna à Paris. Elle lui a cédé le 33 rue Cornac et a reçu de lui le 78 quai des Chartrons. Echange assorti d'une soulte de 45 000 francs payée comptant. Cette belle maison appartenait donc en propre à notre grand-mère. Après la vente de la maison de ses parents il lui restait encore 46 729 francs, ce qui permettait même de payer une partie des frais de l'échange.

Nous notons aussi, :c'est André Ducharpreau qui va déclarer le décès d'Eugénie Auschitzky à la mairie. L'acte de décès précise qu'André est négociant 71 quai des Chartrons (cela on l'ignorait chez les petits enfants Bonifas). Les deux beaux-frères sont à moins de cent mètres l'un de l'autre. Ils sont venus sur les quais à la même époque, après la vente du cours du Jardin-Public et l'échange de la rue Cornac.

Est-ce André qui a devancé Paul dans cette migration sur les quais ?

 

Les Bonifas et les Chartrons

 

La rue Tourat était bien proche du Pavé, mais pour les étrangers de Bordeaux ça ne disait rien.

Résider quai des Chartrons, dans une telle demeure, est une marque de réussite et de prospérité. Plus forte encore que celle de l'arrière grand-père Sourget et des aïeux artisans tonneliers de la rue Notre-Dame, de Ciboure et de Saint Jean de Luz !

Pierre Chicou-Fonroque, seigneur de Bonne-Fauzie, natif de Grésillac, fier de son blason, habitait sur la Garonne (qui n'avait pas de quai) au 71 façade des Chartrons ! il y mourut le 11 septembre 1799. Un notable dans le monde des affaires à Bordeaux. Directeur de la Chambre de commerce, huit fois consul de la Bourse (entre 1768 et 1787). C'était le grand-père de Clémentine Fiton, l'épouse de Bernard du Charpreau (qui vécut longtemps à Tizac et y mourut), elle même arrière grand-mère de Magdeleine Bonifas.

Cet ancêtre avait épousé, le 3 juin 1760, Catherine la fille d'André Barreyre, écuyer, anobli en 1745, six fois consul de la Bourse (entre 1738 et 1754), et habitant les Chartrons. André Chénier s'était-il installé dans l'immeuble où vécut et mourut Pierre Chicou-Fonroque ? (ce n'est pas certain, un changement de numérotation a pu intervenir).

Magdeleine Bonifas avait d'autres ancêtres installés aux Chartrons bien avant cet aïeul :

André Barreyre avait épousé le 20 janvier 1733, à la chapelle de la Palu des Chartrons, Magdeleine Delbreil. Le père de celle-ci est qualifié de "bourgeois et marchand aux Chartrons" à son mariage avec Jeanne Lussy, le 17 janvier 1702.

El les Lussy habitaient, eux aussi, les Chartrons. Nous le savons par le mariage, le 2 août 1719, de la sur aînée de Jeanne Lussy avec Bernard Dupin, courtier royal (lui-même fils de courtier royal). l'acte de mariage précise : "Marie-Madeleine Lussy demeurant aux Chartrons". L'épouse de Bernard du Charpreau, Clémentine Fiton, était l'arrière-petite-fille du couple Dupin-Lussy.

Quant à comprendre comment Clémentine Fiton avait dans ses aïeux une sœur Lussy, mère de son arrière grand-mère Barreyre par les Chicou... et l'autre sœur Lussy, sa propre arrière grand-mère, mais par les Fiton... Cela vous incitera, peut-être, à consulter attentivement l'arbre généalogique des ascendants de notre grand-mère... Ce n'est là, au surplus, qu'une des curiosités de sa généalogie bordelaise et girondine un peu compliquée.

RETENONS : Le 71 quai des Chartrons, c'est le retour aux sources pour les Bonifas :

·       Paul, par son ascendance des Sourget et des tonneliers,

·       Magdeleine, par les ascendants de son arrière grand-mère Fiton ; des familles illustrées pendant deux siècles dans le négoce bordelais : Barreyre, Dupin, Chicou, Lussy, Delbreil, Arrouch, Fiton.

 

Avant de clore ce paragraphe, notre dernière pensée sera pour Nifa. Avant de mourir, elle aura été reçue par Paul et Magdeleine dans le grand salon du 78 quai des Chartrons, au milieu de leurs quatre enfants. La petite Marie-Thérèse a trois ans.

François PAUCIS