Histoire Auschitzky

 

 

LE NŒUD

 

 

onomastique

 

Une légende bordelaise, remontant à deux siècles, faisait des Auschitzky une famille originaire de Pologne. Comme notre conviction n’était pas formelle, nous avons consulté plusieurs éminents spécialistes.

Selon eux, ce nom - dérivé de l’alphabet cyrillique - aurait été adapté à l’alphabet latin puis germanisé, mais il n’a pas été francisé car les Lettons ont retrouvé des actes du XVIIIe siècle où la terminale de notre nom (Auschi...) est tantôt "zkÿ", tantôt "zki" ou "zky", puis "tzky" sur les plus récents documents.

Pour être authentiquement polonais, nous ont-ils dit, ce nom patronymique aurait dû commencer par la lettre « O », ne pas comporter de « T » et se terminer par un « I ».

·          Le « AUS » est certainement d’origine germanique.

                « AU », est une diphtongue prononcée « ao »

                « SCH », correspond au « ch » français.

                D’où une première énigme car ce pourrait être une contraction de « Ausländisch » qui veut dire : « provenant de l’étranger »...

                « provenant [de Pologne] ?». Nous donnons dans nos livres d’autres précisions sur cette éventualité.

                Les noms allemands ont été transcrits dans diverses langues d’Europe Centrale et Orientale. Il ne faut pas oublier que le Royaume de

                Prusse et l’Empire d’Autriche-Hongrie débordaient largement les frontières de l’Allemagne et de l’Autriche actuelle, et que les

                modifications successives des frontières ont créé une certaine dispersion des noms de famille d’origine allemande.

·          Le « SI » des Slaves, ici s’écrit : « CHIT » comme il se prononce là-bas.

·          Enfin, pour reconstituer le son « I » de l’alphabet cyrillique, deux « I » sont nécessaires dans le nôtre, d’où l’ « Y » final qui lui donne cet aspect vaguement russe... et qui n’est certes pas polonais puisque, dans cette langue, « CH » = « x » en phonétique, et « S » = « ss », tandis qu’en russe le son du « S » correspond à celui de « Sucre ». 

                Au féminin, notre nom ainsi orthographié ne peut en aucun cas se dire AuschitzkA. A la rigueur, si l’on s’entichait vraiment d’exotisme :

                AuschitzkAïA.

                La Société Historique et Littéraire Polonaise renchérissait : "En polonais, AUSCHITZKY peut se lire OSICKI. (Emilian von ·ericki-

               Szeliga, Der Polnische Adel, Hamburg 1900. Tome II. Page 162, ne mentionne pas le blason et explique seulement qu'un Osicki était dans

               l'armée prussienne)".

 

Lancmanis est tombé, au cours des recherches qu’il effectuait en Lettonie pour notre compte, sur une cote « Aizpute1/Aušickis » renfermant de précieux documents qui seront évoqués le moment venu. Avait-il retrouvé nos racines Coures ?

Sa découverte au premier abord semblait passionnante, mais cette forme lettone est plus récente et de ce fait nous ne devons pas y attacher trop d’importance. Outre Aušickis, elle se décline : Ošicki, Aušikijs, Aušickiju, Ošiscka, suivant le genre, le nombre... et l’imagination du rédacteur.

 

Lancmanis, interrogé sur ces orthographes divergentes ajoute qu'il est presque impossible de déduire l’origine ethnique d’après le nom de famille puisqu’il y a, par exemple, de nombreuses familles allemandes - surtout en Prusse et en Poméranie - qui possèdent des noms à consonance slave, ce qui n'est pas extraordinaire compte tenu de la coexistence des populations allemandes et slaves dans ces régions. Ce qui est important, c'est ce qu'elles en pensaient elles-mêmes. Dans quelle langue parlaient-elles ? De quelle confession étaient-elles ? Il n'y a pas de doute que les Auschitzky, quelle que fut leur origine, se tenaient pour des Allemands.

La notion de nationalité n'existait pas encore au XVIIIe siècle ; pas plus en Courlande qu'ailleurs. On était le sujet d'un prince, d'une république rarement. Dire de quelqu'un qu'il était Courlandais c'était indiquer le pays où il vivait, duché de Courlande ou République de Pilten. Sans que ce terme de Courlandais soit attaché à un quelconque droit de citoyenneté, pas plus qu'à celui d'Allemand d'ailleurs. La population, à l'époque, se composait de paysans lettons descendants des Coures (d’où Courlande) proprement dit et des Zemgales qui ont donné le nom à l'autre partie du duché, tandis que les Allemands formaient la classe supérieure.

On parle, en ce temps là, des Lettons, jamais de la Lettonie. Le terme de Lettonie ne date que du XXe siècle.

La langue dominante, la culture, la mentalité, et même la cuisine, étaient allemandes.

 

 

origines

 

 

De prime abord, trois possibilités pouvaient cependant être envisagées :

 

·          Pour l’historien Jean Grison, notre patronyme « prouve une origine germanique, héritage d’ancêtres émigrés des temps lointains venus d’un quelconque pays germanique ». L’héraldiste Fernand Bartholoni est plus précis : « Les couleurs de vos armoiries sont celles de la Prusse Orientale ». Jean-Jacques Mourreau, le spécialiste des Pays baltes,  ajoute que nos ancêtres auraient pu se fixer en Courlande à l’occasion des faits rappelés ci-après :

 

« La colonisation au-delà de l'Elbe et de l'Oder remonte au XIe siècle . Elle n'a pas été seulement une entreprise guerrière. Des milliers de paysans et artisans allemands y ont participé.

 

 

                                                                                                                                                                                                                  coll. Le Spectacle du Monde

 

L'Europe était alors en pleine explosion démographique, conjuguée à la position centrale de l'Allemagne et à cette faim de terre qui avait contribué au succès de la première croisade.

Elle allait déclencher l’Ostsiedlung, la migration vers l'Est.

L'initiative est souvent venue des princes slaves eux-mêmes, comme lors de l'appel de Varègues.

Les expéditions militaires ont naturellement joué leur rôle et dans cette conquête il faut insister sur l'activité déployée par l'ordre des Chevaliers Teutoniques.

Fortement structuré, réputé pour la rigueur de ses méthodes, l'ordre des Chevaliers allemands est l'un des mieux administrés d'Europe. La colonisation entamée au XIe siècle bénéficie de ses vertus. Grâce à ses actions de nombreux villages censitaires ont été créés par des Allemands.

La troisième composante de l'expansion et de la migration allemande vers l'Est réside dans la puissance marchande des villes de la hanse.

Alors naît une aristocratie terrienne d'origine allemande, celle qui donnera naissance aux barons germano-baltes. »

 

·          On enregistre, à cette époque lointaine, dans les provinces polonaises, comme Allemands, des Polonais qui ont des noms propres germaniques. Ces Polonais ne savent souvent pas un mot d’allemand. Leurs noms propres germaniques rappellent qu’ils descendent de ces Allemands qui, pour échapper à la tyrannie d’autres Allemands (les Chevaliers Teutoniques, dont les rois de Prusse ont recueilli l’héritage et les traditions), se sont volontairement mêlés aux Polonais il y a plusieurs siècles. C’est, à mon avis, la moins plausible car, si les Auschitzky étaient anti-allemands ils n’auraient pu s’établir à Popen et obtenir la confiance des barons germano-baltes dont l’un des nôtres fut l’amtmann.

 

·          François Paucis, qui s'est beaucoup penché sur l’histoire de la Courlande, suggère une troisième hypothèse :

 

« Les Aušickis, descendants des Coures ou des Lètes, voir des Borusses, étaient déjà sur les lieux avant le début du XIIIe et l'arrivée des Chevaliers Porte-Glaive.

L'un d'eux a pu collaborer avec l’occupant qui a colonisé son pays, après avoir été enrôlé dans l'armée des Teutoniques (les Porte-Glaive ayant disparu).

Les Chevaliers Teutoniques astreignaient les habitants de leur empire au service militaire (comme les Français levaient des troupes indigènes en Algérie, au Maroc ou au Sénégal). La colonisation de la Courlande terminée, les Allemands implantés, un Aušickis entre à leur service, combat avec eux, et reçoit le droit de porter un blason qui est les armes de son herb : celui du chevalier sous la bannière de qui il a combattu (ne pas oublier que les combats sont sans relâche) contre les Slaves, Russes et Polonais et que l'empire teutonique est guerrier. »

 

Ce ne sont là que des suggestions impossible à vérifier. Pour trancher, il faudrait remonter à quelques 25 générations. Nous n’en avons retrouvé que 9, et au prix de quels efforts !

 

 

blason

 

 

 

 De sable au chef de gueules

Ce sont les couleurs de la Prusse Orientale.

au lion rampant d'or armé et lampassé.

que l'on retrouve dans les armes du duché de Courlande.

au chef à trois croix pattées d'or.

croix des armoiries de Windau [1]

 

Ce blason est parlant. Il confirme un lien qui n'est pas de consanguinité mais de compagnonnage.

Aujourd'hui encore, dans ce pays, la plupart des familles ne portent pas un blason qui leur soit spécifique, mais les armes de leur herb, c'est-à-dire de leur ancien clan. C'est pourquoi les mêmes armes sont couramment portées par une dizaine de familles différentes, qui ont été rassemblées autrefois sous la même bannière.

Un principe analogue a présidé de nos jours à la création, par le général De Gaulle, de l'ordre des Compagnons de la Libération. Ceux qui ont combattu sous la croix de Lorraine continuent à en porter l'insigne jusqu'à leur mort.2

 

Beaucoup d'entre-vous arborent une chevalière ornée du blason des Auschitzky, vous le faîtes avec raison car c'est un droit héréditaire.

 



1 - Aizpute est le nom letton d’Hasenpoth.

[1] - Windau, nom allemand d'un petit port au nord de la Courlande sur la Baltique. Nom letton : Ventspils. Popen se trouve à quelques kilomètres à l'est de ce port.

Windau, comme Popen, sont dans le district de Pilten.

2 - Dit l'héraldiste Fernand Bartholoni, qui est l'auteur d'un ouvrage de vulgarisation : "Le Guide du Blason". Chez Stock, 1975.