Appendices Auschitzky

 

 

 

LES BARONS BEHR

 

Qui étaient les Behr dont nos ancêtres étaient si pro­ches ?

Pour répondre à cette question, nul n’était mieux placé que le baron Behr-Popen lui-même.

 

Karl, baron Behr-Popen, neveu de Pauline Auschitzky, (et petit-fils d’Ulrich-Johann von Behr, le protecteur de Samuel Aus­chitzky et parrain d’Ulrich-Johann Auschitzky, son fils) a écrit ses souvenirs durant sa vie entière, en français. Il a été parfois si critique que ses mé­moires ne seront accessibles au public que trente ans après sa mort. Les treize volumes qui composent son œuvre, ne sont pas écrits par ordre chronolo­gique. C’est un va et vient en­tre présent et passé.

La tâche de Madame Françoise Dumas, de Langenfeld (Allemagne), n’a pas toujours été facile car la traduction du texte allemand était déjà une traduction-résumée. Elle a aussi cherché à différencier les passages pouvant nous intéresser de ceux de moindre valeur.

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 « Je suis né le 18 décembre 1836 au château de Schleck, fils de Karl Otto baron von Behr, seigneur de Popen Anzen, Schleck Abaus­hof, etc. et de Caroline, née com­tesse von der Wenge, appelée Lambsdorff a.d.H. Suhrs et Laiden (marraine du fils aîné et du qua­trième enfant de Pauline Auschitzky).

« Ma mère m’a raconté que ma grand-mère paternelle, venue à Schleck pour s’occuper d’elle lors de l’accouchement, voulut elle-même annoncer à mon père la naissance d’un fils.

« Elle le trouva au grand salon, faisant les 100 pas d’inquiétude, en compagnie du frère de ma grand-mère, le vieux baron Friedrich von Mirbach, de Pussenecken. Franchis­sant le premier salon et ouvrant un pan de la porte, elle s’approcha de mon père de son allure sé­rieuse et majestueuse et lui dit : « Mon cher Karl, Dieu merci votre femme va bien, elle vous a donné un fils. » Alors que mon père baisait la main de sa mère et que celle-ci le pressait dans ses bras, le vieux baron Mirbach exprima son étonnement et remontrança sa sœur, disant : « Mais chère Jeanne, pourquoi n’as-tu pas commencé par annoncer qu’un fils lui est né, et dit le reste ensuite ? ». Ma grand-mère répondit : « Pensez, mon cher frère, que des parents prennent continuel­lement soin de leurs enfants, et il était cor­rect de remercier Dieu d’avoir protégé ma belle-fille avant d’annoncer la nais­sance de mon petit-fils. » Sur ce, elle lui tourna le dos et quitta, de son allure majestueuse, le salon pour porter à ma mère un bouillon léger et substantiel dans la belle soupière anti­que en porcelaine de sèvres, soupière dans laquelle sa propre grand-mère lui avait servi sa première collation à l’occasion de la naissance de son premier en­fant. Cette soupière est une pièce antique ap­par­tenant depuis des générations à ma famille, je me souviens encore avec précision de sa forme et du décor peint, aux couleurs vives.

« J’ai été baptisé par le pasteur Büttner à Schleck, un vieux pasteur intéressant et excentri­que, intelligent, bon et énergique. Malgré nos opinions différentes sur la re­ligion, nous fûmes plus tard de bons amis. Lorsqu’il mourut octogénaire en 1863, soixante ans pasteur à Schleck, je l’ai vrai­ment regretté.

« J’ai peu à raconter sur ma petite enfance passée sous les yeux de ma mère et d’une excel­lente vieille bonne.

« Mon père était très occupé par l’administration très complexe de ses vastes domaines (en tout 300 000 acres).

« Nous avions beaucoup de visiteurs restant parfois plusieurs se­maines, avec leur famille, leurs serviteurs, chevaux et chiens.

« Je me souviens encore très bien du son des cors de chasse, retentissant presque chaque matin dans la cour d’honneur de Schleck, des piqueurs avec les meutes de chiens, et de la foule des chasseurs que nous regardions partir pour la chasse, depuis la fenêtre de la cham­bre d’enfants. Le soir, à leur retour, ils sonnaient l’hallali, et fai­saient un excellent tableau de chasse, loups, lynx, élans, chevreuils et renards étaient abattus à la lueur des flambeaux et une sonnerie de cors ensuite donnée cérémonieu­sement en leur honneur. Souper et par­ties de cartes tard la nuit. Quel­ques invités, par exemple le vieux baron Peter Keyserlingk, séjour­nèrent non pas des mois mais des années chez nous. Il pestait sur tout et rien, ce qui amu­sait mon père.

« En dehors de l’époque de la chasse, des courses de chevaux étaient organisées ; mon père avait une préférence pour les chevaux de la steppe, sauvages, à longue cri­nière et yeux flamboyants.

Pour voyager, mon père avait un attelage de quatre chevaux, ma mère de six, avec blason d’argent, laquais en livrée et piqueurs. Normalement, nous habitions six mois de l’année à Schleck et six mois à Popen. Les dates du déménagement étaient fixes : du 10 avril au 10 septembre nous étions à Popen ; ces dates étant très rarement modifiées.

« En hiver, les chasses durent huit à dix jours, avec orchestre (les Jagemanns, venus de Boême) chaque soir, et danse jusqu’à l’aube. Vins fins, belles jeunes filles, causes de duels au pistolet le lendemain, parfois.

« J’ai un souvenir très vivant de ces fêtes somptueuses, on dansait comme cela se fait chez nous en Russie et en Pologne, c’est-à-dire d’une manière accomplie, avec gaieté et enjoue­ment. Toutes ces fêtes étaient marquées par la bonne humeur et l’élan qui y régnait, il n’y avait ni ennui ni raideur.

« L’été à Popen, avec souvent cinq semaines d’interruption passées à la mer, à Windau, ou bien à Gut Pissen, dépendant de Popen. Mes grands-parents ayant commencé à prendre des bains de mer.

« Ma tante Wilhelmine, la plus jeune sœur de mon père, a vécu avec nous après la mort de ma grand-mère, elle s’occupait beaucoup des pauvres et des malades. Et égale­ment de nous, puisque nos parents gardaient, eux, une certaine distance envers nous, distance naturelle à l’époque : promenades à cheval dans les bois de Popen ; petites pièces de théâtre, poèmes. Nous devions présenter, pour l’anniversaire de mon père, une petite comédie en français. »

La vieille maison de chasse, dans le parc, bâtiment le plus ancien de Popen, date du temps où Angermünde était le lieu de résidence principal du domaine.

En mai 1856, Karl Behr est envoyé pour un long voyage à l’étranger, sous l’égide de son cousin plus âgé, Heinrich Offenberg, un diplomate. En diligence, ils se rendent à Königs­berg par Polangen et Memel, puis en train à Berlin, qui les impressionna mais ne leur plut pas.

Grâce à une lettre de recommandation de sa tante Minna, Karl Behr est reçu à Berlin par Bettina von Arnim, née Brentano qui malgré son grand âge était encore très vive et parla beaucoup de Gœthe. A Berlin, il rencontre de nombreux parents, puis part à Dresde où il suit des cours à l’Ecole Supérieure des Forêts de Tharandt.

Entre-temps, il visite Würzburg, Wiesbaden, le Rhin, Ostende et Bruxelles. Il est très im­pressionné par Baden-Baden, avec son public international, les nombreux politiciens haut placés, les princes régnants et autres, les artistes célèbres (Rubinstein), etc. Dans ses sou­venirs, il fait une liste qui n’en finit pas des représentants de la noblesse russe, française, allemande, etc. qu’il y rencontre et décrit très précisément.

Il fait l’éloge de l’élégance et de l’affabilité du prince Guillaume (futur empereur) dont il dit qu’il était plus prussien qu’allemand, à qui il refuse cependant le surnom de « Le Grand » car il lui paraît bien inférieur à Bismarck en intelligence et en énergie. Le prince Guillaume est un ami fidèle de la maison impériale russe ; son épouse, princesse Augusta, est par contre peu aimée car très soucieuse de l’étiquette, très froide extérieurement et inca­pable d’élégance.

A Baden-Baden toujours, Karl Behr fait la connaissance d’Editha Rahden une cousine de son père, longtemps Première Dame à la cour de la Grande Duchesse Hélène ; après la mort de cette dernière, à celle de l’impératrice Maria et directrice de toutes les écoles de jeunes filles nobles. Elle a joué un rôle important à la Cour impériale russe et était estimée de tous.

Karl Behr rencontre plusieurs fois le futur chancelier du Reich, le prince Gortchakov, à l’époque âgé de soixante ans, qu’il décrit comme très spirituel et élégant. Des années plus tard, il écrira que Gortchakov a été plusieurs fois surclassé par Bismarck, car trop pré­somp­tueux, d’une part trop confiant, de l’autre cependant cynique.

Au Congrès de Berlin, Bismarck avait prouvé qu’il n’éprouvait aucune reconnaissance en­vers la Russie pour son attitude neutre en 1870.

Le jeune étudiant forestier passe l’hiver 1856-57 à Dresde. Il n’assiste que très peu aux cours à Tharandt, se plongeant dans la vie mondaine de Dresde, dont la figure cen­trale est, à l’époque, la belle et spirituelle princesse Pauline Metternich, née comtesse Sandor, épouse de l’envoyé autrichien à la Cour de Saxe, le prince Richard Metternich, un neveu du célèbre chancelier.

A l’automne de 1857, il s’installe à Paris, qu’il apprend vite à aimer et qui deviendra sa deuxième patrie puisqu’il y passera presque la moitié de sa vie (avec intervalles), sur­tout entre 1886 et 1910.

Par l’intermédiaire de la duchesse de la Trémouille, qu’il connaît depuis Dresde, il est in­troduit dans la haute société, dite « du Faubourg Saint-Germain », et bientôt à la Cour de Napoléon III et de l’impératrice Eugénie, avec laquelle il a de nombreux contacts jusqu’à sa mort.

Le soir de l’attentat par Orsini, le 14 janvier 1858 (devant l’Opéra), Karl Behr voulait aller à l’Opéra, mais dut garder le lit à cause d’une forte grippe.

En août 1857, Bismarck est à Popen, où il tue deux élans. Les parents de Karl Behr sont en voyage. Bismarck est reçu par l’oncle de Karl, Lambsdorff-Suhrs, pendant neuf jours.

Plus tard, dans ses souvenirs, Karl Behr décrit sa profonde antipathie envers Bismarck car c’est sur son conseil que la Prusse annexe en 1866 les trois anciennes monarchies de Hano­vre, Kuthessen et Nassau.

En 1859, Karl Behr rend visite à ses parents en cure à Würzburg, puis va à Nordeney (île de la Frise allemande) pour rendre ses devoirs, en tant que Behr, au roi Georges V, aveu­gle.

Puis il fait un voyage étendu en Italie, un long séjour à Naples (Cour des Bourbons) et à Rome où il rencontre le pape Pie IX dans un parc, qui lui donne sa bénédiction.

« Je suis ainsi resté en tout deux ans à Paris, d’où j’ai fait de nombreux voyages brefs dans presque toutes les capitales de l’Europe de l’Ouest. Mais la vie devint sérieuse puisque mon père avait décidé de me transmettre Popen à la Saint Georges (23 avril) de 1860, pour des raisons de santé. »

En septembre 1859, voyage du retour par Berlin, Königsberg, Tauroggen (Taurage), Me­mel (Klaipéda) et Libau (Liepªja). Il arrive un gris soir de l’automne à Schleck, qu’il re­trouve avec joie à cause de ses souvenirs d’enfance. Mais il doit le quitter pour s’installer à Popen, son lieu de résidence.

Du début janvier à avril, il est envoyé par son père à Saint-Pétersbourg pour y être intro­duit. Il passe par Mittau (Jelgava) où a lieu un Landtag (séance du parlement), donc où se trouve réunie la noblesse de Courlande, presque tous des parents. Au programme : sup­pression des corvées et vente du sol aux paysans. Voyage difficile, car pas de ligne directe en train. Donc, il prend le train jusqu’à RÌga, puis voyage en traîneau (ligne du courrier postal) à travers la Livlande et une partie de l’Estonie jusqu’à Pleskau (Pskow) où il re­prend le train. A Saint-Pétersbourg, il habite chez ses parents Lambsdorff. Il a la possibilité de rencontrer de nombreuses personnalités, membres de la famille impé­riale.

Il retourne en Courlande pour la Saint Georges. Son père, très malade, va se faire soigner en Allemagne. Karl Behr doit donc administrer Schleck, puis s’installe en mai 1860 à Po­pen.

Il y a beaucoup à faire, à Popen les structures sont archaïques, il doit faire face à de nom­breux problèmes avec le personnel, à des échecs même.

A Schleck, la situation est moins critique grâce aux « bons fonctionnaires » qui y travaillent.

Fin 1886, Karl Behr s’installe pour la deuxième fois à Paris, qui demeurera son lieu de résidence jusqu’en 1910. La société du Faubourg Saint-Germain, si homogène et dis­tinguée dans le passé, lui semble devenue décadente à cause de nombreuses familles juives et de riches américains (Rothschild, Bamberg, Gould, ...).

 

Révolution de 1905-1906 :

Une partie des paysans de Popen, menés par des agitateurs étrangers, se soulève et incendie les belles écuries neuves. Le bétail et les chevaux sont sauvés par des soldats russes. L’ingratitude des paysans, auxquels il a fait cadeau de 200 000 roubles d’or en l’espace de quarante ans sous forme d’aides et dons, blesse profondément Karl Behr et renforce son opinion défavorable du peuple. En 1907, les paysans lui envoient une adresse de dévoue­ment, et il leur pardonne.

Il rapporte que de nombreux châteaux, des domaines entiers, de grandes forêts sont détruits par des incendies. Meubles et vaisselle de valeur sont pillés. Les propriétaires de domaines et les intendants sont assassinés. Des églises profanées. Le baron Roenne, mandaté à Popen, a fait transporter à temps les archives de Popen, toute l’argenterie, entre autre le beau tré­sor en argent ancien des Behr, à Mittau, au Kreditverein (sans doute une banque). Comme, à la suite de l’inactivité du gouverneur de Courlande, Swerbeïev, Popen n’a pas eu, pendant longtemps, de protection militaire, Karl prie son cousin Valdemar comte Lambsdorff, à l’époque ministre russe des Affaires Etrangères, d’intervenir.

Sa lettre est transmise par Lambsdorff à Swerbeïev, qui est bien sûr très mécontent, mais envoie quand même une troupe de protection.

A Schleck, le mandaté d’Ulrich Behr (a.d.H. Virginahlen) et sa femme Ada, née Osten-Sacken, ainsi que son secrétaire et trois employés, se sont armés et défendent le châ­teau pendant 42 heures contre une meute importante de révolutionnaires, jusqu’à ce qu’un ou­vrier loyal, atteignant Goldingen par des voies détournées, ramène une escorte militaire. Schleck n’a plus eu, par la suite, de problèmes.

Malgré sa loyauté envers la monarchie russe, Karl Behr critique férocement Nicolas II, incapable de faire face aux intrigues et de se défendre contre l’influence grandissante des révolutionnaires.

Dans ses mémoires, Karl Behr se tourne également vers les générations précédentes pro­priétaires de Popen et Schleck.

- L’arrière grand-père, Ulrich-Johann (né en 1721, mort en 1766) était propriétaire de Po­pen-Anzen, Landsrat (sous-préfet) de Pilten et chambellan à Varsovie. Grâce à ses relations polonaises, il devient Starost de Krottingen en Lituanie, et accède ainsi à une fortune lui permettant un train de vie et de nombreux voyages très agréables. Il sé­journe souvent à Varsovie avec sa femme, la belle Louise Charlotte, née von Medem.

Son père, Ulrich-Johann (né en 1688, mort en 1763), donne une grande fête pour leur ma­riage à Popen, avec chasse à l’ours.

Leur vie de couple dure 18 ans, et à la mort d’Ulrich-Johann, Louise-Charlotte prend en main l’administration des domaines, avec intelligence. Fait construire, entre autres, la nou­velle église sur la colline, en face du château ; fait assécher une grande surface maréca­geuse. Pour elle, elle fait ajouter un deuxième étage à la maison d’Anzen, où elle vivra les dernières années de sa vie.

De ce couple, sont issus : Ulrich-Johann1 et Juliane-Charlotte2 , épouse de Peter-Heinrich von Korff auf Pelzen ; Dorothea-Charlotte-Anna, épouse de Ernest-Friedrich von der Brüggen auf Stenden, et Elisabeth-Ulrike, non mariée.

- Ulrich-Johann (né en 1750), époux de Agnese-Catharina-Johanna von Manteuffel, devient Etatsrat et Landrat de Pilten, mais pas Stravost de Krottingen, poste qui est oc­cupé par son frère Johann-Dietrich-Ferdinand, également nommé chambellan polonais, puis, plus tard, chambellan du prince-électeur de Hanovre, donc le premier Behr à occuper à nouveau un poste dans sa patrie d’origine.

A sa mort, en 1795, sans testament, Ulrich-Johann essaie de nombreuses années d’obtenir le poste de Stravost de Krottingen, sans succès jusqu’à sa mort en 1799. Agnese essaie de faire face aux intrigues à Varsovie, mais ses bonnes relations envers le roi Stanislas-Au­guste ne peuvent empêcher qu’elle perde tout droit à ce poste.

Ses relations sont si étroites que lors d’émeutes à Varsovie, Stanislas-Auguste envoie par un courrier secret une partie du trésor de la couronne et des documents d’état im­portants à Popen. Agnese n’en a jamais parlé, l’a mentionné, plus tard, dans une lettre mais il n’y a pas de confirmation officielle de ce fait. Ce n’est que deux ans plus tard que le dépôt est re­tourné à Varsovie.

On découvre, à cette époque, sur le Burgberg, douze figurines en argent d’un pied de hau­teur. Selon les dires, la veuve d’Ulrich Behr (1608-1667) y aurait fondé un monas­tère, tous deux étant catholiques. Les figurines sont alors offertes à l’église catholique de krottingen, pas à celle de Popen.

- Johann-Ernst (1772-1831), grand-père de Karl, est beau et le parfait sosie du roi décédé, Frédéric Guillaume II. Servant à Potsdam au régiment « Garde du Corps ». Il se marie en 1799, aura quatorze enfants et vit à Popen puisque son père, Ulrich-Johann, meurt peu après ce mariage.

En hiver, les grands-parents de Karl quittent Popen pour Mittau, capitale du pays, donc of­frant une vie plus agréable. Mais durant un tel séjour, les paysans et métayers de Popen se soulèvent à cause d’un gérant, Sally, qui, à l’insu du grand-père, prélève des redevances supplémentaires et se montre brutal lors de recouvrements par la con­trainte, et ce, à chaque absence des grands-parents. Les paysans ainsi rançonnés assiègent un jour le château, mais ne l’endommage pas, si ce n’est le cellier qui est « vidé sur place ». Sally leur échappe et se cache, un jour et une nuit, sous un pont dans le parc, par - 24°. Rentré d’urgence à Popen, le grand-père remet Sally à la police et dé­dommage les métayers, rétablissant ainsi l’ordre et la confiance. Mais devenu lui-même méfiant, le grand-père administre ensuite personnel­lement ses domaines, apportant de nombreuses améliorations. En toute saison, il chasse en grand style. Il a un enclos avec des ours dans le parc de Popen, animal se trouvant sur son blason, qu’il nomme « nos chers cousins ». Un couple d’ours, dressés, se déplace même librement dans le parc, terrifiant passants et visiteurs. Jusqu’au jour où il est grièvement blessé par l’ourse déjà âgée. Il se débarrasse alors de tous les ours, au grand soulagement du voisinage. Il était très dur envers lui-même, très courageux. Karl Behr raconte qu’il a sauté à la mer, avec quelques serviteurs, pour sauver l’équipage d’un navire marchand coulant devant la côte de Popen. L’empereur lui envoie en remerciement une grosse bague avec diamant, et une lettre.

En 1812, la vie à Popen change brutalement : les troupes françaises occupent Popen, trans­formant la maison en hôpital. Les grands-parents doivent s’installer dans une annexe, four­nir des contributions énormes. C’est grave, car ils ont déjà beaucoup perdu dans un procès contre Philippe Behr.

Le frère de la grand-mère de Karl Behr, le baron Mirbach-Pusseneeken, est pris en otage par l’armée française pour non paiement des contributions par le district de Pilten. L’argenterie, cachée dans les bois de Popen, est déterrée et remise aux français pour libérer le baron. Cet argenterie, remplissant une charrette tirée par quatre chevaux, ne sera jamais retrouvée, même en France. Lors de la retraite napoléonienne, les bijoux précieux de la grand-mère seront volés par des soldats français, ainsi que les vingt qua­tre chevaux ; c’est surtout la perte de ces bêtes magnifiques qui met cette pauvre femme en rage.

Le château a beaucoup souffert. Le mobilier de valeur a été très abîmé ou a servi de bois de chauffage. Dans les années 1870, suite à des achats massifs, il sera remeublé en « jugendstil », style correspondant à notre « Art-déco »



1 - Il sera le parrain de Ulrich-Niklas-Johann Auschitzky (SA2), baptisé le 12 octobre 1764.

2 - Elle est la marraine de Charlotte-Veronica-Anna-Christina Auschitzky (SA3), née le 7 mai 1766.