Appendices Auschitzky

 

 

 

POUR ALLER DE BORDEAUX A ARCACHON

 

 

La route Bordeaux-La Teste

 

 

 

 

«  La Teste était comme étrangère au reste de la France, par la difficulté qu’il y avait à s’y rendre. Les Landais, habitués à des chemins couverts d’eau pendant l’hiver, et de sable pendant l’été, pouvaient seuls se décider à faire un pareil voyage, aussi les habitants de Bordeaux connaissaient à peine ce pays, et la majeure partie ne se doutait certainement pas de ce qu’était le Bassin d’Arcachon » (Oscar Dejean, 1848).

 

Eux, peut-être pas. Nous oui… Mais quelle expédition !

 

Nos parents disposaient de tous les véhicules hippomobiles nécessaires pour circuler à Bordeaux et dans sa banlieue immédiate, mais ils n’étaient pas assez fiables pour un aussi long trajet, d’où la nécessité d’emprunter les pataches ou  les voitures de poste, puis, mais plus tard, le chemin de fer.

 

Dans les premières années du XIXe siècle, le cami Bougès, qui relie La Teste à Bordeaux, est parcouru chaque jour par d’antiques chariots tirés par des bœufs, les cas qui livrent en ville de la résine, du charbon de bois ou du goudron. On y croise les peschouneyres, femmes ou filles de marins, qui portent le poisson à Bordeaux, assises à califourchon entre deux paniers sur leur petit cheval landais, mais aussi les charrettes des mareyeurs, attelées de quatre coursiers vigoureux, ou la voiture de poste qui transporte courrier et voyageurs dans l’inconfort le plus total… Le chemin n’est pas empierré, il est défoncé en permanence par le passage de lourds charrois, et souvent impraticable en hiver, à cause des inondations de la Leyre, de la boue et des fondrières. Le mauvais état de la chaussée allonge la durée du trajet : deux jours pour les cas, quinze heures pour la patache de La Teste, treize heures au moins pour les peschouneyres, qui galopent de nuit, pour préserver la fraîcheur de leur poisson.

 

Les travaux d’une route destinée à remplacer le vieux cami Bougès débutent après la chute de l’Empire : la voie est d’abord ouverte mais non stabilisée, et, pendant plusieurs années, elle se réduit à un chemin de sable à peine plus praticable que le précédent. L’empierrement commence seulement en 1837 et se termine lorsque la construction d’une voie ferrée parallèle permet d’acheminer facilement les matériaux. Commencée en 1816, la route arrive à La Teste en 1841 – soit vingt ans plus tard ! Depuis 1823, on ne traverse plus la Leyre sur un bac, mais sur une passerelle provisoire en bois, constituée de madriers mal équarris, si instable que beaucoup de voituriers préfèrent traverser à gué. Un véritable pont de pierre est construit un peu plus tard : emporté par une crue en 1842, il sera réparé et ouvert à la circulation l’année suivante. Ce pont durera cent ans : les Allemands le feront sauter, ainsi que le pont du chemin de fer, au mois d’août 1944.

 

Malgré l’amélioration de la route, le voyage de Bordeaux à La Teste n’est pas une partie de plaisir, si l’on en croit les récits des contemporains ; encore peut-on s’estimer heureux si la voiture ne verse pas en chemin ou si l’on ne laisse pas sa bourse à quelque bandit en embuscade… On quitte Bordeaux à 16 heures pour n’arriver à destination que le lendemain matin. Le trajet paraît interminable aux malheureux voyageurs entassés dans un char à bancs brinquebalant, exposés à tous les vents. Le paysage monotone de landes désolées n’est pas de nature à les distraire, et les arrêts dans des auberges sordides, à Croix-d’Hins, à Marcheprime ou aux Argentières, ne leur apportent guère de réconfort.

 

A Croix-d’Hins, le patron est à la fois coiffeur, vétérinaire et bedeau. Il verse à ses clients un vin « aussi aigre et rocailleux que le caractère des servantes ». Aux Argentières, le hameau se compose de quelques cabanes misérables. On entre dans l’auberge par l’écurie, et l’on ne peut se sustenter qu’avec du pain noir et de la piquette. Marcheprime, situé à mi-parcours, est le relais de la patache de La Teste : « C’est là que l’on attendait, pendant deux heures, le moment de se remettre en route, pour arriver enfin à destination, brisé, moulu, harassé, broyé, rompu, courbaturé, autant qu’il est possible de l’être légalement depuis que la torture est abolie » (Oscar Dejean).

 

Parvenus enfin au bourg de La Teste, les voyageurs ne sont pas encore au bout de leurs peines s’ils souhaitent admirer le paysage de la montagne d’Arcachon ou se rendre à la chapelle des Marins. En l’absence de chemin carrossable, le moyen le plus raide d’y accéder reste le bateau. Il faut alors prendre place à bord de pinasses que des femmes manœuvrent à l’aviron, aussi bien que les hommes.

 

 

D’autres préfèrent leurs jambes

 

 

Certains même, font ce long trajet à pied. André Rebsomen, dans son excellent ouvrage sur N.D. d’Arcachon, site le cas de cette brave et pieuse dame qui tenait le petit magasin d’objets de piété au pied de notre actuelle basilique :

 

De retour de Saint Jacques de Compostelle, elle perd son mari, un Espagnol, et craint de se trouver seule et désemparée sur le Bassin. Elle envisage alors de monter un magasin de piété à Verdelais en raison de la concurrence. Elle oriente ses pas vers Arcachon et sa chapelle et elle s’y rend à pied. Faisant escale aux Argentières (nous l’avons dit : près de Marcheprime), étape classique des voyageurs. Là, elle fait la connaissance de celui qui deviendra son mari ; né un 25 décembre, on avait appelé ce garçon "Bon Dieu". Ils s’aimèrent, se marièrent et Mme Bon Dieu tint le magasin de piété prévu. Mariée en 1830, elle s’éteignit en 1858. Notre aimable correspondant, M. André Mouls, ajoute : « J’ai connu une dame qui lui succéda vers 1950, qui s’appelait Mme Dieu ».

 

 

Le chemin de fer

 

 

Hameau de pêcheurs, Arcachon devint en quelques années, grâce à la liaison par chemin de fer avec Bordeaux (1857), un must thérapeutique et mondain. Luxueuses villas, parc à l’anglaise, attirent la riche clientèle médicale.

 

 



 


 

« L’idée de construire le chemin de fer germa dans l’esprit des bordelais dès que ce mode de locomotion vient à la connaissance du public. La première demande fut déposée par M. Godinet, notaire à Bordeaux en 1835 et la loi de concession à la compagnie promulguée le 17 juillet 1837 ».

 

La gare de Ségur est la première gare construite à Bordeaux (rue de Pessac) et l’une des premières lignes de chemins de fer français.

 

Départ donc de la Gare de Ségur à Bordeaux prise d’assaut par les personnalités enthousiastes, le 6 juillet 1841, à 11 heures 15 mn. Le train parcourt les 52 kilomètres en une heure et 43 minutes en fanfare. La ligne est ouverte dès le lendemain et dessert vingt stations.

 

« Je voyais un chemin de fer pour la première fois. On monte en voiture sous une gare couverte, aussi simple que gracieuse, et dans six ou sept quarts d’heure on descendra à La Teste » (L’abbé Ferminhac).

 

« On accourt de partout pour essayer ce nouveau mode de transport. Des guides à l’usage des voyageurs expliquent le fonctionnement des machines, recommandant de ne pas s’effaroucher du sifflet du locomoteur, assurant les voyageurs de troisième classe qu’ils arriveront aussi rapidement que ceux de première classe etc.

 

Le confort n’est pas cependant bien brillant au début, seules les premières sont fermées et les troisièmes classes de simples plates-formes mal suspendues. Dans un guide de 1845 on pouvait lire :

 

Les voitures de première classe sont bien suspendues, rembourrées de tout côté. Celles de seconde classe, beaucoup moins bien suspendues, ne sont pas rembourrées, les bancs seuls ont des coussins. La troisième classe n’a pas de coussin, les portières ne sont pas vitrées, ce qui occasionne un violent courant d’air, mais les wagons sont bien couverts et l’on est à l’abri de la pluie et des étincelles qui n’atteignent les voyageurs que par les côtés. » (R. Galy).

 

 

Mais les accidents de train accompagnent inévitablement le développement du chemin de fer et la ligue Bordeaux-Arcachon n'échappe pas à la règle, d'autant que dans les premières années d'exploitation jusqu'au début du XXe siècle, les trains circulaient sur une seule voie. Ils se croisaient dans les gares où existait une voie de garage, mais cela nécessitait une manœuvre délicate, et donc dangereuse.

 

Le 25 septembre 1898, le train de Bordeaux percute à pleine vitesse le train venant d'Arcachon, à la suite d'une erreur d'aiguillage. Il n'y a que des blessés légers, mais ce spectaculaire accident donne l'occasion à l'Avenir d'Arcachon de dresser un saisissant tableau des relations sociales de l'époque.

© "Avenir d'Arcachon". 2 octobre 1898.

 

Mais en octobre 1876, notre ancêtre Louis Auschitzky, va monter au Cap Ferret une importante exploitation ostréicole (elle est évoquée ailleurs) et sa pérégrination se poursuivra en pinasse à voile ou à la rame d'un bord à l'autre du Bassin, mais ceci est une autre histoire…

 

Doc. www.leonce.fr

 

Cette carte postale date d'avant 1908… Mais nous étions quelques trois quart de siècle plus tôt et à cette époque lointaine un document d'archive n'aurait pu être réalisé.