Appendices Auschitzky

 

 

 

 

AU CRÉPUSCULE DU XVIIIe SIÈCLE

 

 

I - LA FIN DU DUCHÉ

 

 

La Duchesse à Varsovie

 

 

Vitrolles, provençal de vieille noblesse, petit neveu du bailli de Suffire (prononcez Suffrin, s'il vous plaît !) avait servi dans l'armée du prince de Condé en Allemagne. Protégé de la duchesse de Bouillon et de son cousin le prince Emmanuel de Salm, de monseigneur de Dalberg, il est introduit dans la plus haute société allemande, à la cour du landgrave de Hesse, à celles du duc de Saxe-Weimar, du landgrave de Hesse-Rheinfels. C'est ce qui lui a permis de se lier avec le comte Batowski, et de bien connaître la duchesse de Courlande. Laissons le parler :

 

« ... le duc de Courlande, Pierre Biron, était en querelle ouverte avec la noblesse de son duché, à l'occasion de quelques droits régaliens qui étaient disputés. La Courlande était originairement un fief dépendant du royaume de Pologne, mais les droits de cette suzeraineté s'étaient affaiblis et presque effacés par la décadence de l'autorité en Pologne.

 

« ... Les prétentions que la noblesse de Courlande élevait contre le duc étaient soutenues par la Russie. Il chercha son appui auprès de la couronne de Pologne et de la diète de Varsovie. Les Polonais flattés de l'hommage que leur rendait un ancien feudataire qui avait échappé depuis longtemps à leur suzeraineté. On donna au duc de Courlande le conseil d'envoyer la duchesse elle-même à Varsovie pour suivre des intérêts aussi importants. Elle partit, jeune, belle, et avec un cortège digne de son rang. »[1]

 

Ainsi le duc commença par reconnaître pour son suzerain le roi de Pologne. C'était un événement. On a vu au chapitre qui précède, que la duchesse avait réussi lors du séjour qu'elle fit à Mittau en 1787 (et où elle accoucha d'un prince héritier) à détendre l'atmosphère très tendue qui existait entre le duc et la noblesse de Courlande. Ce succès, elle le devait à de très grands talents de séduction[2]. On pouvait penser que ces talents feraient merveille auprès des nobles polonais et de leur roi, amateurs de femmes séduisantes.

 

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C'est à l'automne 1790 que la duchesse arriva à Varsovie. Nul n'aurait pu soupçonner que son séjour se prolongerait durant de très nombreux mois. Vitrolles nous raconte :

 

« Le roi de Pologne, se conformant à la magnificence des mœurs polonaises, lui prépara une réception superbe. Un des palais de la ville fut meublé pour elle aux frais de la République. On lui rendit tous les honneurs dus à une souveraine et on éleva pour elle, dans la salle de la Diète, une tribune vis-à-vis de celle du roi. Stanislas ajouta à cet accueil officiel tout ce que sa grâce, son esprit et sa galanterie pouvaient lui inspirer de plus courtois et de plus délicat pour la jeune et belle princesse. La duchesse de Courlande, de son côté, ouvrit sa maison à tout ce qu'il y avait de plus considérable dans le royaume, et particulièrement à tous les membres de la Diète qu'elle cherchait à capter. Un grand nombre rendirent à ses invitations ; mais les jeunes nonces, dont le groupe était plus nettement républicain, s'en tenaient éloignés.

 

« Parmi ceux qu'elle consultait avec le plus de confiance se trouvait le comte Zabiello. Il avait été au service de la France et on le connaissait à Paris sous le nom du « beau Polonais ». Il fit comprendre à la duchesse de Courlande combien il était important de rapprocher d'elle les dissidents et lui proposa de faire, auprès de ceux qu'il connaissait, des démarches pour les lui ramener. De ce nombre était le comte Batowski, lequel avait aussi servi en France, comme capitaine dans le régiment de Royal-Suède, commandé par le célèbre et malheureux comte de Fersen.

 

« Le comte Zabiello alla un jour chez son jeune ami et lui demanda pour quelle raison il tenait rigueur à l'aimable et belle princesse qui faisait les délices de Varsovie. Le comte Batowski lui répondit qu'il trouvait fort inconvenant que les membres de la Diète, appelés à juger le procès de la noblesse de Courlande contre le duc, allassent faire leur cour à la duchesse et figurer dans ses salons. Zabiello combattit cette opinion, suivant lui par trop républicaine et lui dit qu'une jolie femme avait toujours droit à tous les hommages. Il ne réussit cependant pas à cette première tentative pour servir la duchesse et ce ne fut qu'après avoir plusieurs fois renouvelé ses instances qu'il parvint à décider le fier nonce à rendre une visite à la duchesse.

 

« Le comte Batowski ne comptait pas dans les premiers rangs par sa famille, qui habitait du côté des frontières de la Galicie. Mais il avait puisé dans son éducation et dans un long séjour en France des connaissances variées, le goût des idées nouvelles qu'il étudiait, les manières du monde et de la meilleure compagnie qu'il avait fréquentée. Il se trouva ainsi fort en avant de tous les nonces de son âge, sur lesquels il avait acquis une véritable influence. C'est ainsi qu'il avait été signalé à la duchesse de Courlande comme un de ceux qu'il était le plus essentiel de gagner. Elle le reçut avec une politesse plus marquée, et, à la seconde visite qu'il lui fit, elle se hasarda à lui parler des grands intérêts qui l'avaient amené à Varsovie. Batowski accueillit avec froideur cette première sollicitation et dit à la duchesse que la Diète rendrait dans ce différend la justice la plus impartiale. Il n'y avait pas là de quoi satisfaire la duchesse qui était tous les jours plus convaincue que le sort du procès dépendait du parti que prendraient les jeunes nonces. Mais c'était en vain qu'elle avait cherché diverses occasions de rattacher le comte Batowski à ses intérêts. Il lui avait toujours opposé une sévérité toute officielle.

 

« Un jour, enfin, elle obtint que le jeune nonce vint dîner chez elle. Après l'avoir traité de la plus flatteuse distinction, elle lui demanda de l'accompagner dans un cabinet situé près des salons de réception. Là, sur un canapé où elle avait fait asseoir le comte Batowski, tournant vers lui des regards charmants et qu'elle savait rendre suppliants, elle lui exposa les dangers de sa situation. Le duc la rendait responsable du succès, et, avec un caractère aussi terrible que le sien, on ne pouvait savoir jusqu'où irait son ressentiment. Tout cela était bien dit, avec l'émotion qui ajoute à l'éloquence, et quelques larmes roulèrent dans ses beaux yeux. Batowski fut vaincu par tant de charme et de séduction.

 

« Eh bien ! Madame la Duchesse, lui dit-il, vous le voulez ? Je prendrai sur moi la conduite et le succès de l'affaire qui a pour vous une telle importance. Mais j'y mets une condition rigoureuse : j'en resterai seul chargé et vous ne prendrez d'autres conseils que les miens. J'entends que vous ne fassiez plus auprès de personne des sollicitations qui sont au-dessous de votre rang.

 

« La Duchesse, d'abord interdite, n'osait s'arrêter à un parti aussi déterminé. Mais enfin, prenant confiance dans cette assurance et cette fermeté de caractère qu'on lui montrait, elle finit par accepter la condition qui lui était imposée.

 

« Dès cet instant, le comte Batowski servit de tout son zèle et de toute son activité les intérêts du duc de Courlande. Il entraîna tout le parti des jeunes nonces et fit des prosélytes dans les autres. Il dirigea la duchesse dans la conduite qu'elle devait tenir pour augmenter le nombre de ses partisans. Il est à supposer que ces communications journalières et intimes avec une aussi jolie femme ne manquèrent pas de lui inspirer un sentiment des plus tendres. Mais il était trop délicat pour mettre un tel prix à ses services. Le roi, d'autre part, aimable et galant, offrait à la duchesse des hommages d'autant plus flatteurs qu'ils étaient publics. Il se montrait favorable à la cause qu'elle était venue défendre.

 

« Enfin arriva le jour où la diète du royaume allait décider de cette grande contestation. La discussion fut soutenue de part et d'autre par de brillants discours. La duchesse de Courlande était dans la tribune qu'on lui avait élevée vis-à-vis de celle du roi. La question fut vivement débattue. Batowski et ses amis firent des efforts inouïs. Cependant, quand on vint à recueillir les voix, la majorité se trouva favorable à la noblesse de Courlande. La duchesse, qui avait passé par tous les degrés de l'émotion, tomba évanouie en apprenant la fatale nouvelle. Les chefs de la noblesse polonaise, qui avaient fait pencher la balance de ce grand débat, assurés de leur succès, sortirent de l'assemblée avant que la séance fût levée. Batowski, malgré son désespoir, avait conservé toute sa présence d'esprit, et, profitant du droit que lui donnait le règlement de la Diète, il demanda que la décision prise au début de la séance fût remise aux voix. Des cris s'élevèrent de toutes parts ; on dit que la question était jugée, qu'un grand nombre de nonces, se fiant au vote, étaient sortis de la salle. Il ne se laissa point intimider, insista sur son droit positif de faire recommencer les suffrages et il obtint une notable majorité au milieu des clameurs du parti contraire. La séance fut levée sur ce succès inattendu.

 

« L'heureux nonce monta aussitôt à la tribune de la duchesse, et quel ne fut pas son effroi en la trouvant pâle et sans connaissance ! Ce fut en entendant ses paroles, en apprenant de lui-même ce retour inespéré de fortune que la duchesse reprit ses sens, pour ainsi dire dans les bras de son ami. Sa reconnaissance fut aussi vive qu'elle était naturelle. Elle donna au comte Batowski tous les témoignages de l'amitié la plus vive, que rien ne devait effacer. Ce fut dans ces sentiments qu'elle partit, et son retour vers son mari fut un véritable triomphe. »1

 

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La duchesse se plaisait à Varsovie ; la cour, la diète, la ville lui faisaient fête. Les Polonais aussi généreux que faibles épousaient la cause de la Courlande. Ils maintiendraient la souveraineté du duché, l'intégrité de son territoire. Cette jeune femme eut 30 ans à Varsovie, elle était née le 3 février 1761. Le charme des Polonais produisait aussi ses effets sur elle. Batowski produisait aussi ses effets sur elle. Batowski ne lui fut pas indifférent. Enfin elle céda...

 

Le Nonce (député de la diète polonaise) Alexandre Batowski avait alors la trentaine. Cela la changeait de son vieux mari. Le duc avait trente sept ans de plus qu'elle. Il portait des cheveux noirs et sans poudre, figure belle, yeux expressifs. Il avait fait un long séjour en France, était tout acquis aux lumières, avec un éclairage polonais cependant. C'est ce qui lui avait permis de s'imposer aux jeunes nonces de la diète.2

 

Celle-ci n'avait pas ignoré l'intrigue de la duchesse avec Batowski. Lorsqu'il fut question d'envoyer un commissaire polonais à Mittau ce fut Batowski qu'elle désigna. La duchesse, sa mission achevée au bout de deux ans, regagnait la Courlande et Batowski la suivit de près. L'année 1792 s'achevait.

 

 

Révolution en Pologne

 

 

Pendant le séjour de la duchesse à Varsovie se produisit, sous ses yeux, la révolution polonaise, ce dernier et noble sursaut de la vitalité polonaise sous la république royale. A la fin de la 2ème partie du chapitre IV, sous le titre « Les derniers ducs », ces événements ont été juste évoqués.

 

C'est la conjonction de cette révolution et de la révolution française qui créa le moment favorable pour permettre à Catherine II de mettre la main sur la Courlande. C'est pourquoi pour comprendre le rapide et imparable dénouement de la souveraineté du duché il faut savoir ce qui se passa en Pologne.

 

Une diète dynamique avait été composée en 1787. Elle comportait un noyau de jeunes nobles polonais patriotes, rêvant d'affranchir la Pologne de son voisin russe, de refaire une Pologne forte, conscient de la nécessité de mettre fin à l'anarchie qui rongeait leur nation. Ces patriotes voulaient un État fort, un gouvernement fort, un monarque fort. Il fallait mettre fin à tous les abus, aux débordements de la noblesse, imposer une réforme profonde, donner des structures nouvelles en partant d'une Constitution. Pendant trois ans s'affrontèrent à la diète ces patriotes et les représentants du très puissant parti russe : les Conservateurs peu disposés à changer leurs habitudes, à abandonner leurs privilèges, à renoncer à leurs abus.

 

L'adoption de cette réforme par le vote d'une constitution fut acquise par un véritable coup d’État. Les patriotes acquirent à leur cause le roi Stanislas, peu enclin à contrarier les Russes depuis son avènement, lié à Catherine. Et cela se passa ainsi à la diète, le 3 mai 1791 :

 

Le Maréchal de la Diète lut, en séance, les lettres des agents de la république polonaise à l'étranger montrant toutes les difficultés rencontrées par la Pologne pour être gouvernée. Puis, sans transition, il s'adressa au roi :

 

« C'est à Votre Majesté de proposer les moyens les plus efficaces de sauver le pays ». Alors le Roi donna lecture d'une Constitution.

 

En voici les grandes lignes :

 

·       Le trône devenait héréditaire. Plus d'élection. Après la mort du roi régnant il passerait à la Maison de Saxe qui avait eu raison de l'impérialisme suédois ;

·       Le "liberum veto" était supprimé (il faisait qu'un seul des nonces pouvait s'opposer à l'exécution d'une décision de la diète qu'il n'avait pas approuvée. Ce qui amenait à faire approuver une décision par l'unanimité pour éviter le jeu du "liberum veto") ;

·       Les lois étaient votées à la pluralité des suffrages ;

·       La Diète se partageait en deux chambres ;

·       Le roi possédait un droit de veto ;

·       Le roi gouvernait avec des ministres responsables, nommait aux emplois, commandait l'armée ;

·       La tolérance était accordée à tous les cultes.

 

Cette constitution signifiait la fin de l'anarchie - quand le roi eût achevé la lecture, ce fut la stupéfaction -. Aussitôt les représentants du parti russe et les conservateurs défendirent avec acharnement les antiques privilèges de la noblesse polonaise. Et ce fut sept heures de luttes oratoires. Mais la constitution finit par être adoptée, à la polonaise, par acclamation. Le roi prêta immédiatement serment de fidélité à la Constitution et jura de la maintenir. Tous les nonces quittèrent la salle et s'en allèrent sans attendre à la cathédrale. Là, ils prêtèrent serment de fidélité à la Constitution.

 

On remarquait à l'article 5 de celle-ci cette maxime : « Dans la Société tout pouvoir émane essentiellement de la nation. »

 

Oui, c'était bien la fin de l'anarchie en Pologne !1

 

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Et dans toutes les cours et chancelleries d'Europe cet événement inimaginable eut le plus grand retentissement.

 

La Révolution polonaise fut admirée par les tenants de la Révolution française ; mais aussi admirée par de farouches adversaires de la Révolution française. L'anglais Burke écrivait : « Nous avons vu détruire l'anarchie et l'esclavage ; nous avons vu le trône s'affermir par l'amour de la nation sans offenser la liberté ».1

 

Dans les autres nations de la vieille Europe ce fut un mouvement de vive réprobation. Cette révolution contrariait leurs hommes d’Etat, les gouvernements.

 

Pour les États allemands, la Pologne devenue forte allait se mêler au concert des grandes puissances qui menaient l'Europe, concert dont son anarchie l'avait exclue depuis deux siècles.

 

La Russie ne pouvait plus rien entreprendre du côté de Constantinople si la Pologne devenait une grande puissance. Pour Catherine il était impératif de briser les reins à la république de Pologne.

 

 

République Russe

 

 

Pour Catherine, le premier point c'est d'avoir les mains libres en Pologne. Pour cela, elle éloignera la Prusse et l'Autriche de la Pologne. Elle disait : « Je me casse la tête pour pousser les cours de Vienne et de Berlin à se mêler des affaires de la France. Je veux les engager dans des affaires pour avoir des coudées franches. J'ai beaucoup d'entreprises qui ne sont pas terminées, et je veux que ces deux cours soient occupées afin qu'elle ne me dérangent pas ».

 

 

Musée Talleyrand

 

Pierre Biron, duc de Courlande

 

 

En fait elle ne craint pas la propagande révolutionnaire. Elle écrit à Grimm, le 27 septembre 1791 : « La propagande dont je me moque ». Mais elle prêche la croisade contre la Révolution française. Elle s'affiche ultraroyaliste, elle clame qu'il faut une France forte, qu'il faut restaurer en France une royauté absolue. Elle déploie d'autant plus d'ardeur à soulever l'Europe contre la France qu'elle est bien décidée à ce que la Russie ne fasse rien, absolument rien contre la France révolutionnaire. Le sort de Marie-Antoinette et de Louis XVI (nous sommes après Varennes) lui importe peu ! « Je monte la tête à tous ceux de chez eux qui me tombent entre les mains » écrit-elle dans sa lettre susvisée à Grimm.1

 

Aussi la Tsarine va-t-elle limiter ses mesures contre la France à des démonstrations de chancellerie.2

 

 

 

Elle portera un coup à la Révolution française, servira la « bonne cause » en tuant la Révolution polonaise. « Chacun opéra sa contre-révolution : les Allemands à Paris, les Russes à Varsovie » (lettre de Catherine à son agent à Vienne)3. Tout lui est bon pour parvenir à ses fins : elle se sert des nombreux Polonais qui lui sont dévoués et veulent replonger la Pologne dans l'anarchie. Elle flatte les émigrés français qui rêvent de despotisme.

 

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Le 8 avril 1792 Catherine avait mis en mouvement deux armées, 64 000 hommes venant du Danube (l’armée de Potemkine) et 32 000 hommes venant du nord de la Lithuanie (sous Soltykof). Pour avoir les mains libres sur le Danube elle a su, avec son habileté coutumière, se montrer conciliante envers la Porte. Au printemps 1792 elle est prête. L'Autriche et la Prusse se préparaient à marcher sur la France. Selon le mot très fort de Sorel :

 

« Les Allemands venaient en France pour y faire cesser l'anarchie, les Russes allaient en Pologne pour l'y rétablir ».1

 

La Diète, réunie à Varsovie le 16 avril, donnait au roi Stanislas des pouvoirs très étendus, plus que jamais n'en eût un roi de Pologne avant lui. Il n'était pas digne d'autant de confiance, sa faiblesse était grande, et il avait la crainte de perdre ses biens. Stanislas n'était pas du tout l'homme d'une pareille situation. Les décisions pour résister aux Russes furent prises par le Gouvernement de Varsovie, mais les moyens dont il disposait étaient minces.

 

Catherine répliquait aux "Patriotes" de Pologne en soulevant les nobles du "Parti russe". Ses agents s'activaient. Et le 14 mai les Polonais qui soutenaient sa politique se réunissaient à Targowitz, se proclamaient "confédérés", appelaient à la révolte contre le roi et les patriotes, déclaraient la guerre civile.2

 

L'impératrice devait s'engager contre la France en exécution d'un traité d'alliance avec l'Autriche de 1781, renouvelé pour huit ans en 1789.

 

Lorsque mourut Joseph II elle écrivit au jeune Empereur François, son frère, qui lui succédait:

 

« La subversion qu'a porté dans la République de Pologne la constitution du 3 mai y produira des désordres analogues à ceux de la France. Il n'est que temps d'aviser à sévir contre un mal qui fait des progrès si rapides dans toutes les contrées ».

 

Et elle argumentait : La Russie serait en droit de requérir l'aide de l'Autriche contre les Polonais en vertu du traité d'alliance. Mais elle comprenait la situation de l'Autriche, engagée contre la France. Elle consentait à ne demander aucune aide de l'Autriche contre la Pologne.3

 

Vu de l'extérieur Catherine II disait n'importe quoi pour se justifier :

 

« D'où vient que vous croyez que les affaires de la Pologne ne sauraient aller en même ligne et de front avec celles de France ? Apparemment vous ignorez que la jacobinière de Varsovie est en correspondance régulière avec celle de Paris. Et vous voulez que je plante là mes intérêts et ceux de mon alliée la République et mes Amis républicains pour ne m'occuper que de la jacobinière de Paris ? Non, je la battrai et combattrai en Pologne ; mais pour cela je ne m'en occuperai pas moins des affaires de France, et j'aiderai à battre le ramassis des sans-culottes comme feront les autres » (lettre à Grimm du 20 mai 1772).4

 

Elle faisait croire aux émigrés que 18 000 Russes allaient marcher sur le Rhin, qu'elle allait prendre des Suisses à sa solde. Fersen y croyait : « Ils partiront dans trois semaines » écrivait-il.3

 

Le vice-chancelier Philippe Cobenzl avait vu juste quand il écrivait le 12 avril à l'ambassadeur d'Autriche à Saint-Pétersbourg (son cousin, Louis Cobenzl) : « Nous ne savons plus que penser des sentiments de la Russie envers notre cours. Serait-il vrai que la Russie n'a cherché qu'à nous engager bien avant dans les Affaires françaises sans avoir envie de nous y seconder et avec le projet réservé d'en profiter pour exécuter je ne sais quels desseins en Pologne »5. C'était lucide !

 

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Tandis que l'Autriche et la Prusse s'enlisaient dans les combinaisons imaginées par les diplomates les Russes avançaient. Le chancelier d'Autriche, le prince de Kaunitz, ne pouvant enrayer les erreurs de son Empereur se retirait des Affaires à fin mai 1792. Tous ces palabres eurent pour résultat de retarder de deux mois l'entrée des armées alliées en France. Ce délai fut suffisant pour permettre à la France de faire face.

 

La Pologne était bouleversée par l'invasion russe. Tout s'écroulait. La petite armée de Kosciusko était battue, ses débris dispersés. Abandonné ne pouvant résister, Stanislas estima qu'il ne restait que la solution de la sagesse : capituler entre les mains de la tsarine. Le 22 juin il demanda un armistice et offrit son trône au grand-duc Constantin (le deuxième petit-fils de Catherine). Le 13 juillet l'impératrice somma le roi d'adhérer à la confédération de Targowitz. Stanislas se rendit aux confédérés le 24 juillet.

 

Catherine avait la Pologne à ses pieds. Les armées de l'Autriche et de la Prusse enfin réunies sur le Rhin allaient - avec lenteur - gagner la frontière française.

 

Les patriotes polonais ont tenté d'arrêter l'invasion russe, ils ont succombé. La Pologne est vite retombée à ses deux siècles d'anarchie. Il ne pouvait en être autrement : la nation polonaise à cette époque se réduisait en fait à quelques deux cents ou trois cents mille nobles (la noblesse est très nombreuse en Pologne) qui formaient les factions et se disputaient la république. Ici point de bourgeoisie, pas de tiers État ambitieux, pas de paysans propriétaires. « La grande masse des Polonais reste indifférente à la révolution parce qu'elle y est désintéressée. La Révolution de la Pologne n'est faite que par les nobles et pour les nobles ; elle sombre parce que la nation ne la soutient pas », écrit Sorel.1

 

En définitive, après l'échec de Valmy, Autriche, Prusse et Russie se mirent, une deuxième fois, d'accord sur le dos de la Pologne. Le 9 avril 1793 Sievers, le ministre de Russie à Varsovie et Bucholz, le ministre de Prusse, signifiaient aux confédérés de Targowitz, réunis à Grodno (ville sur le Niemen), les décisions de leurs gouvernements : procéder à un nouveau démembrement de la république polonaise que la diète est sommée d'entériner. Certains nobles polonais se montraient récalcitrants (dont Walewski) : on mit leurs biens sous séquestre. Les alliés créèrent une caisse de corruption destinée à gagner les opposants paisibles. Pour le dernier carré d'irréductibles il y eut les baïonnettes des soldats du général russe Igelstrœm. Le 17 juin la Diète se réunissait à Grodno. Les nonces étaient bien "choisis", comme l'avaient souhaité les ministres de Prusse et de Russie. Elle accepta le démembrement décidé par ses ennemis. Le 2 juillet était signé le traité qui abandonnait à la Russie les territoires qu'elle s'était attribuée.1

 

Le palais dans lequel logeaient à Grodno le roi Stanislas et une cour misérable, était toujours gardé par des sentinelles en armes, des sentinelles Russes.2

 

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La Pologne effondrée. Pouvait-on penser que Catherine II renoncerait à annexer la Courlande ? Le sort de la Pologne réglé, les Russes occupèrent Mittau et la Courlande. Nous sommes au printemps 1793. « Le duc, pour éviter de se trouver engagé dans ce conflit puisqu'il ne pouvait opposer aucune résistance à l'envahissement de ses Etats, partit pour son duché de Sagan que, par une sage précaution, il avait acquis en Silésie, afin de s'assurer un refuge. La duchesse s'était rendue à Berlin pour y faire ses couches. » rapporte Vitrolles.3 

 

En fait, la duchesse s'enfuit de Mittau avec son mari. Le couple ducal gagna Sagan. Mais la duchesse était enceinte. Elle ne resta pas à Sagan et repartit pour Berlin. C'est là que le 21 août 1793, dans le palais du 7 Unter den Linden, elle accoucha de sa cinquième fille : Dorothée.

 

Mittau abandonné par le duc et la duchesse... mais il y reste Batowski, commissaire de la République polonaise en Courlande. Batowski crânement reste. N'y a-t-il pas encore une diète à Grodno ? Un roi de Pologne à Grodno ? et une diète avec un conseil de Régence à Mittau ? Vitrolles raconte :

 

« Le comte Batowski avait cru devoir demeurer à Mittau pour y faire tête à l'orage. Il le croyait encore éloigné lorsqu'un jour, étant à dîner avec dix ou douze convives, on vint l'avertir que le chargé d'affaires de Russie demandait à lui parler. Il fit répondre que l'heure était mal choisie et qu'il priait l'agent diplomatique de revenir le lendemain. Mais celui-ci insista. Ce qu'il avait à dire au comte Batowski ne permettait aucun retard et importait à sa sûreté. Le comte se leva de table et vint recevoir l'importun visiteur, dont l'allocution fut courte. Il lui dit que les troupes de S.M. l'Impératrice entreraient sous peu de jours en Courlande, et qu'il avait reçu de sa souveraine des instructions portant qu'il devait intimer à Batowski l'ordre de partir dans les vingt-quatre heures, sous peine d'être conduit en Sibérie s'il se trouvait encore à Mittau lors de l'entrée des troupes russes.

 

« Le Commissaire général de la République de Pologne fit assez bonne contenance pendant le reste du dîner. Mais la chute était trop prompte, trop inattendue pour ne pas être troublé. Cependant, il allait prendre un parti, et il n'y en avait pas d'autre que de céder à la force. Il obtint un sursis de deux jours et retourna à Varsovie dans un état d'esprit et de cœur bien différent de celui qui l'animait à son départ. Il aurait pu dire avec le poète :

 

                                               Que la bonne fortune aime en femme publique,

                                               Que ses attraits sont faux et sa faveur tragique;

                                               Et qu'amante cruelle, après ses feux passés,

                                               Elle étouffe en ses bras ceux qu'elle a caressés." 1

 

Nous parlerons plus loin du couple ducal, de Batowski et de Dorothée.

 

Nous ne savons rien des tractations de Catherine avec Pierre II duc de Courlande et nous laisserons le soin à nos amis historiens lettons de nous en parler.

 

Catherine II exerça sur la diète courlandaise des pressions. Comme elle avait su le faire en 1793 avec la diète polonaise pour entériner le deuxième démembrement. Le 18 mars 1795 la diète, à Mittau, décida de se placer sous la souveraineté russe. Le duc, alors, séjournait à Saint-Pétersbourg. S'il avait quitté Sagan ce n'était pas pour un voyage d'affaires. Il discutait avec la Chancellerie russe les conditions de son abdication. Il abdiquerait mais contre des avantages personnels. Il les obtint. Alors, la diète s'inclina et après sa soumission Pierre II abdiqua. L'autocrate russe aimait le respect des formes. Elle n'annexait pas par la force. Non. les nations se donnaient à elle, les souverains abdiquaient en sa faveur.

 

L'autocrate en jupons fut généreuse. La Russie versa au duc, au souverain d'un si petit pays, huit millions. En outre une pension de 250 000 francs par an. Enfin un douaire était institué en faveur de la duchesse. Et la Russie exécuta tous ses engagements.

 

Déjà immensément riche le duc de Courlande et de Sagan devenait véritablement colossalement riche.

 

Il est permis de se faire cette réflexion sur la générosité de Catherine envers les souverains de Courlande : Catherine est une Allemande du pays d'Anhalt, des petits duchés et principautés de Saxe. Peut-être existait-il des liens entre la famille de la duchesse, née Medem, et la famille de son père (prince d'Anhalt-Zerbst), ou de sa mère, une Holstein-Gottorp ? En tous cas la duchesse devait se fixer en Saxe.

 

Nous avons compris que la soumission de la République de Pilten et Hasenpoth avait fait l'objet d'un traité à part entre la diète de ce fief et la Russie. Nos amis historiens lettons nous donneront cette précision. Le district resté en marge du Duché voit son sort traité à part.

 

Le duché de Courlande et Zemgale, la république d'Hasenpoth et Pilten avaient vécu... ainsi disparaissait l'indépendance des derniers restes de l’empire des Teutoniques.

 

Bientôt ce que les trois complices (Russie, Prusse, Autriche) avaient laissé subsister de la Pologne faisait l'objet d'un troisième partage, par un traité des 13-24 octobre 1795. A la Russie les deux autres puissances copartageantes reconnaissaient la Courlande et la Samogitie (partie ouest de la Lithuanie). La frontière de la Russie se trouvait à la porte de Memel. La ville de Tilsit sur le Niemen était à la Russie, la ville de Grodno aussi.

 

 

Pour une approche de Catherine II

 

 

Quelques réflexions :

 

·       Les tsars ne désirent que des conquêtes utiles ; ils n'entretiennent que des guerres populaires ; ils ne forment dans l'intérêt de l’État que des desseins soutenus par les puissances nationales. Leur politique, commandée par la nature des choses, est évidente et simple.

 

·       Tous cependant, mus par le même instinct, se poussent dans les mêmes directions : la mer Noire, la mer Baltique, l'Europe centrale. Tous méditent ou tentent de s'agrandir aux dépens du Turc, du Suédois et du Polonais.

 

·       On est surpris enfin de constater que soutenant en Pologne ce qu'elle combat en France, Catherine II apporte le même acharnement à maintenir l'anarchie à Varsovie qu'à rétablir à Paris la monarchie pure. On en conclut qu'elle ne se gouvernait pas d'après les principes.

 

·       Les principes en réalité n'ont rien à démêler en cette affaire. Catherine ne s'en souciait en aucune façon. La révolution de France dérange ses calculs, et elle la déteste, l'anarchie de la Pologne convient à ses projets, et elle l'a fomenté.

·       Elle ne considéra dans cette grande crise européenne qu'une série d'occasions pour sa politique.

 

·       Elle démêle tout naturellement et trie sans effort, dans ce chaos de la Russie, les besoins réels, les forces vives, les aspirations indécises, et ramène tout aux proportions de son esprit. Comme elle ne suit que sa pensée, et que sa pensée est toujours très précise et très ferme, elle ne s'embarrasse point des contradictions que les étrangers relèvent dans son langage et dans sa conduite. Il lui suffit qu'il n'y en ait pas dans ses plans. C'est précisément sa force, et son art supérieur, de faire concourir à l'accomplissement d'un même dessein des éléments très opposés. Elle parle le langage du temps ; mais elle a gardé la simplicité d'idées, la souplesse d'esprit, l'intensité de passion des natures primitives. Les idées du siècle passent sur son âme comme le rayon qui étincelle à la surface des eaux sans en échauffer les profondeurs.1

 

Bien comprendre comment Catherine II a manœuvré en Pologne nous a paru indispensable, car la répercussion sur la France changea le cours de notre histoire. Sans Catherine II et la Pologne les armées alliées eussent battu les fantômes qui restaient de l'armée royale, et la France eut été amputée de l'Alsace, de la Lorraine et du Nord de la France. Merci Catherine II. Merci la Pologne.

 

 

 

L'Impératrice Catherine vers la fin de son règne

 

 

... et le sort de la petite Courlande était lié à celui de la Pologne, une barque accrochée au flanc d'un navire qui coule.

 

 

 

II - LA FIN DU COUPLE DUCAL

 

 

Lorsque le couple ducal s'enfuit de Mittau, au printemps 1793, pour ne pas tomber aux mains des soldats russes, la duchesse était enceinte. C'était la suite de son séjour, de son long séjour à Varsovie, le fruit de sa liaison avec Batowski.

 

C'est sans doute une fois arrivés à Sagan que le duc et la duchesse s'expliquèrent. Pierre II a laissé chez les historiens français l'image d'un homme violent, aux colères terribles, ce devait être un héritage de son père. Il avait accepté avec calme la liaison de sa femme avec Batowski1. L'âge aurait apporté chez lui certains effets de mort. C'est ce que dit, en termes crus, Varnhagen von Ense dans son ouvrage « Tagebücher ». Berlin 1905. Françoise de Bernardy pense que le duc considéra les dix ans de fidélité de sa trop jeune épouse. Elle lui avait beaucoup donné, elle avait beaucoup fait, avec talent, avec crânerie souvent, avec beaucoup de grâce toujours. C'était la mère de ses filles, de ses superbes filles, dont il était si fier ! La duchesse avait un tempérament généreux. Et lui, de ce côté là, c'était du passé.

 

La naissance attendue par la duchesse le laissa indifférent. Un accord intervint entre les deux époux : le duc rendit à sa femme sa liberté. Elle aurait une résidence séparée, là où elle voudrait, où elle vivrait six mois par an avec Batowski et l'enfant à naître. Et elle viendrait passer six mois par an avec cet enfant à Sagan où il garderait ses trois filles.

 

Cet accord passé, le couple se sépara à Sagan. La duchesse y laissa son époux et partit à Berlin. C'est dans le palais du 7 Unter den Linden que, le 24 août 1793, naquit Dorothée. Son père ne la renia pas. Elle fut princesse de Courlande.

 

Le baron de Vitrolles, la meilleure source française d'informations sur la duchesse, Batowski et la petite enfance de Dorothée, nous apporte une précision :

 

« Le ministre de Russie avait l'ordre de l'Impératrice de faire enlever et disparaître l'enfant s'il était de sexe masculin. Elle ne voulait pas qu'il existât un héritier mâle qui pût prétendre au Duché qu'elle se proposait d'acquérir et personne n'aurait osé résister à cet enlèvement que la politique et la raison d'État semblaient justifier. Ce fut, par bonheur, une princesse qui vint au monde ».2

 

Est-ce là un bruit d’échotier ? Vitrolles a-t-il rapporté un entretien que Batowski a pu lui tenir ? Ces propos étaient-ils fondés sur une simple crainte qu'aurait eue la duchesse sur le point d'accoucher ? Ou étaient-ils justifiés ? Ils sont, de toute façon, le reflet des mœurs de l'époque et cette Catherine II, princesse allemande, était la plus russe des tsars.

 

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C'est après la naissance de Dorothée que Batowski fut chassé par les Russes. Il était resté à Mittau plusieurs mois durant après le départ du couple ducal, comme Vitrolles nous l'a raconté plus haut.

 

Expulsé ainsi par les Russes, « le malheureux comte partit bientôt pour Berlin, où la duchesse de Courlande venait de faire ses couches ».1

 

Le couple duchesse de Courlande-Batowski demeura donc d'abord au 7 Unter den Linden. Le comte quitta, seul, Berlin pour se rendre en Suisse. La duchesse l'avait chargé d'acheter pour elle une propriété sur le lac de Genève. Il en trouva une, au dessous d'Eaubonne, connue sous le nom de "Signal de Vougy ». Elle avait appartenue à un certain Tavernier, qui était alors « fameux voyageur en Orient ». Finalement Batowski ne put ou ne voulut pas l'acheter et regagna l'Allemagne. C'est alors que Batowski était sur le retour que Vitrolles le rencontra pour la première fois, dans une auberge de Schaffhouse, et fut « frappé par l'expression de sa figure et par le mystère dont il s'environnait. »1

 

La duchesse fit l'acquisition dans le duché de Saxe-Altenbourg du château de Löbikau. Une bâtisse très classique, s'étirant sur de solides soubassements et dont le pavillon central était surmonté d'un important fronton reposant sur de hautes colonnes. Un grand et beau parc l'entourait. Cela convenait à une ancienne souveraine. La ville ducale d'Altenbourg était toute proche, ancienne ville libre impériale, passée à la maison de Saxe et restée possession d'une branche de cette maison.

 

 

 

Le château de Löbikau. Propriété de la duchesse de Courlande

 

 

Sans pédantisme, il est peut-être utile de situer les lieux. Altenbourg est à moins de 40 kilomètres au sud de Leipzig. Le centre de l'Allemagne - de part et d'autre des montagnes de Thuringe - était occupé par les petits duchés et principautés saxonnes : Duchés de Saxe-Altenbourg, de Saxe-Weimar, de Saxe-Gotha, de Saxe-Meiningen, de Saxe-Cobourg, de Schwarzbourg-Rudolstadt et de Schwarzbourg-Sundershausen, principautés de Reuss.

 

Au nord de Leipzig se trouvaient, traversés par l'Elbe, les duchés et principautés d'Anhalt.

 

Fort des premiers millions versés par la Russie, le duc arrondissait ses biens. Il se rendait propriétaire des immenses domaines du prince Piccolomini en Bohême.2

 

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Le baron de Vitrolles, après avoir épousé Thérésa de Folleville, fille adoptive de la duchesse de Bouillon, s'arrêta un temps à Erfurt : la baronne y accoucha. Puis le prince Emmanuel de Salm et la duchesse amenèrent avec eux le jeune couple et leur bébé aux eaux de Ronneburg, dans le duché de Saxe-Altenburg, entre la ville de ce nom et celle d'Iéna. Un soir, donnant le bras à la duchesse de Bouillon, Vitrolles entra dans la salle où se donnait le bal obligé de toute ville d'eau, et vit l'homme singulier qu'il avait rencontré fortuitement à Schaffhouse, c'est alors qu'il apprit qui était ce comte Batowski. Il habitait dans le voisinage, au château de Löbikau, propriété de la duchesse de Courlande qui y passait six mois de l'année, résidant les six autres mois dans le château de Sagan, où vivaient son mari le duc et leurs trois filles. « Elle y conduisait la cadette Dorothée, née à Berlin, dont elle ne se séparait jamais, et qui se mêlait avec ses sœurs sans que le duc de Courlande parût y prendre garde, mais il ne lui adressait presque jamais la parole. »1

 

Batowski était, en ce moment, seul à Löbikau. Il se lie avec Vitrolles, le prince de Salm, la duchesse de Bouillon. On se plaisait dans ce duché saxon. Le prince de Salm, qui régalait très généreusement ces émigrés, décida de passer l'hiver à Altenbourg. « Les visites que le comte Batowski nous faisait avaient continuées, très assidues, lorsqu'au bout de deux mois la duchesse de Courlande revint dans sa belle habitation. Elle vint aussitôt, avec la plus aimable prévenance, faire connaissance avec notre princesse (la duchesse de Bouillon) et inaugurer une liaison qui ne tarda pas à devenir fort intime. »

 

Et Vitrolles nous livre les meilleurs portraits de la duchesse à cette époque et de Dorothée petite enfant :

 

« Elle était jeune encore ; sa taille charmante n'était pas élevée, sa figure était fraîche comme celle des filles du Nord, ses traits gracieux, ses yeux charmants, sa bouche délicate, ses dents superbes. Le seul défaut de son visage était peut-être son nez un peu trop long. Son esprit n'avait pas précisément de la supériorité, mais elle parlait plusieurs langues avec une grande facilité et le français avec une pointe d'accent étranger qui n'était pas désagréable. Sa parole était gracieuse et abondante, parfois avec quelque excès dans l'intimité.

 

« Elle nous amenait continuellement sa fille Dorothée, âgée de quatre ou cinq ans, charmante enfant précoce d'esprit et d'imagination, vive et animée dans tous ses mouvements. On aurait pu reprocher à ses yeux d'être trop grands. Ses cheveux étaient très noirs et sa physionomie brune et pleine d'expression. En un mot, ce n'était pas une enfant comme une autre. »

 

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Et Vitrolles nous montre comment vit ce couple :

 

« Le caractère du comte Batoswski était loin d'être égal. Il avait des moments d'humeur, des temps de sombre mélancolie. L'expression de ses sentiments pour la duchesse de Courlande s'en ressentait. Elle avait eu parfois à en souffrir...

 

« A la belle saison, nos courses au château de Löbikau (Vitrolles écrit Lobichau) devinrent plus fréquentes. Un jour que j'arrivais, on me dit que la duchesse et le comte se promenaient dans les jardins. Je les vis bientôt arriver. La duchesse s'appuyait sur le comte Batowski et portait sur son bras un long panier de fruits qu'elle venait de cueillir. Elle avait sur la tête un grand chapeau de paille dont les rubans tombaient dénoués.

 

« N'est-ce pas, cher Monsieur de Vitrolles, me dit-elle, que nous avons l'air de deux bons bourgeois ?

 

« (...) Les bonnes grâces que la duchesse avait pour tout le monde se tournaient pour Batowski en témoignages de la plus vive affection. Elle environnait sa vie de tous les agréments qu'elle pouvait inventer. Ingénieuse à prévenir tous ses désirs, elle allait au devant de tous ses goûts.

 

« (...) Toutes ces prévenances auxquelles il était trop habitué, n'obtenaient pas toujours les témoignages de gratitude qu'elles méritaient. Le caractère de Batowski était fantasque, son humeur inégale ; il ne savait pas en dominer les variations. Il recevait en pacha, et comme des hommages qui lui étaient dus, ces avancées prodiguées par la princesse, et dont les dames de sa suite s'étaient également fait une règle. »1

 

La duchesse sacrifiait aux caprices de son ami. Rêvait-il d'avoir une habitation où il pourrait vivre seul, à une demie-lieue de Löbikau, dans un site charmant ? La duchesse aussitôt s'adresse en Italie. Arrivent les architectes avec les plans ; bientôt s'élève un pavillon délicieux dont la pose de la première pierre donne lieu à une petite fête, en présence du prince de Salm et de Vitrolles. A ce dernier on donne le soin de trouver un nom au pavillon. Ce sera "Le Petit-Bien", dit Vitrolles, "Tannenfeld", pour la duchesse. L'hiver suivant, des forêts avoisinantes quinze ou vingt chênes centenaires furent transplantés au prix de beaucoup de soins, d'efforts et d'argent.

 

Le ménage Vitrolles eut une deuxième fille, née à Altenbourg. Alors les Vitrolles quittèrent la Saxe ducale avec l'espoir de rentrer en France. Nous étions en août 1797.

 

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En 1798, la duchesse alla aux eaux de Carlsbad, en Bohême, sans Batowski car le territoire autrichien lui était fermé, comme à tous les patriotes ayant pris part aux mouvements de 1791. C'est à Carslbad qu'elle rencontra le baron d'Armfeldt, ancien favori du roi Gustave III de Suède. « Le baron avait de la dignité dans les manières, de la séduction dans l'esprit, et il l'employait volontiers auprès des femmes. »2 La duchesse « goûta sa société et l'accueillit avec une particulière bienveillance. »2

 

En 1799 la duchesse était de retour à Carlsbad, le baron aussi, et elle oublia ses serments à Batowski. « Sa reconnaissance pour lui était allée jusqu'au point de lui promettre de l'épouser dans l'année qui suivrait la mort du duc de Courlande. Et, suivant un usage assez répandu dans le Nord, mais que nos mœurs n'admettaient pas, elle lui avait signé un dédit de quinze cents mille francs. »2

 

Qu'allaient faire les deux nouveaux amants ? Ils s'en vinrent ensemble à Löbikau, où Ba­towski, certes, ne s'attendait pas à voir arriver le baron suédois. Qu'allait-il se passer ? Vint à propos l'annonce que le duc venait de tomber gravement malade à Prague, où il séjournait. La duchesse repartit aussitôt pour Prague, et Armfeldt l'accompagna dans ce nouveau voyage et soutint son courage durant le séjour au chevet de son époux.

 

Le duc allait mourir. On le transporta en Silésie, à Gellenau, où il s’éteint le 13 janvier 1800.

 

La duchesse était libre, la duchesse pouvait se remarier. Mais nous en restons là, avec la fin du couple ducal. De la suite, nous parlerons dans le prochain tome : "Duchesses de Courlande".

 

Le duc menait dans son magnifique château de Sagan la vie des souverains ses voisins qui régnaient sur un duché saxon. C'était la vie des petites cours allemandes. Mais par la fortune il était le premier, aucun de ces petits souverains n'aurait pu rivaliser avec lui.

 

Lorsque le roi de Prusse, neveu du Grand-Frédéric, Frédéric-Guillaume II, dit le Gros Guillaume, mourut le 16 novembre 1797, on ne trouva pas dans le trésor de quoi subvenir aux frais de ses funérailles. Un courrier fut expédié avec la plus grande célérité à Sagan : Le duc était prié d'avancer la somme nécessaire pour cette cérémonie. Lors de la mission de Mirabeau à Berlin, nous avions vu que le duc avait obligé les plus grands personnages du royaume de Prusse. Le nouveau roi, Frédéric-Guillaume III s'est immédiatement tourné vers le duc de Courlande, c'était vraiment "l'argentier" de ces Hohenzollern régnant à Berlin. Cette anecdote, révélatrice, c'est Dorothée de Courlande, elle-même, qui l'a racontée dans ses souvenirs écrits en 1822.1

 

Ce pauvre duc ne mourut pas sans qu'il ait eu à subir les inconvénients réservés à un père dont les filles sont volcaniques. Jeanne, sa troisième fille, née en 1783, n'avait que seize ans lorsqu'elle tomba amoureuse folle d'un musicien de la cour de Sagan et elle se fit enlever. Le ravisseur la laissa à Erfurt aux soins d'un ami, et partit pour vendre les diamants de la princesse à Hambourg. Le duc dépêcha quelques officiers de la garnison prussienne de Sagan aux trousses de sa fille. Ils retrouvèrent l'oiseau. Théodore de Dalberg, gouverneur d'Erfurt, recueillit Jeanne et la fit ramener sous bonne escorte à Sagan. Le duc avait juré de ne plus jamais revoir sa fille et il était parti pour Prague et ses domaines de Bohême.

 

Le duc de Courlande choisit, pour être tuteur de sa fille le comte de Wratislaw, chef de la police de Bohême. Ce dernier organisa la surveillance de sa pupille. Le musicien écrivait, on lui répondait. On rêvait d'un autre enlèvement. Wratislaw, par un billet écrit au nom de la princesse, l'engagea à venir rejoindre sa dulcinée à Egra, sur la frontière de la Bohême. L'amoureux vint. Il fut arrêté, emprisonné et, dit-on, décapité. Cette terrible histoire est tout à fait dans le droit fil des Biron, souverains de Courlande, et dans la galanterie de ces dames de Courlande que nous avons à peine abordée. Vitrolles raconte cela avec quelques détails.2 Il en avait été parfaitement instruit. Théodore de Dalberg a été la source, et la meilleure, des informations sur la fugue de la princesse Jeanne. Il était en rapport suivi avec la famille de Courlande. Devenu prince-primat et grand duc de Francfort, il joua un rôle considérable dans l'Allemagne napoléonienne. Son neveu - que Napoléon fit duc - était intimement lié avec Vitrolles et le resta.

 

Nous disons ici deux mots sur l'autre très bon informateur de Vitrolles, le prince Emmanuel de Salm qui recueillit en Allemagne sa cousine, la princesse (duchesse) de Bouillon, et sa fille adoptive, puis Vitrolles le mari de cette fille. La principauté de Salm était terre d'Empire en Lorraine : 32 villages, 10 000 habitants. Les princes résidaient dans la ville de Senones (département des Vosges, à 20 km au nord de Saint-Dié). Les princes de Salm étaient princes d'Empire. Le prince Emmanuel avait acheté en France un régiment d'infanterie étrangère, il fut le colonel-propriétaire du régiment de Salm-Salm (à l'époque où Max des Deux-Pont était colonel-propriétaire du régiment à son nom, avant de devenir roi de Bavière). Il vivait trois mois par an à son régiment et le reste du temps à Paris où il fréquentait de Guibert, de Crillon, Diderot et d'Alembert. Une de ses sœurs avait épousé en Espagne le tout puissant duc de l'Infantado, et grâce à elle il avait acquis une grosse fortune dans ce pays. Signes distinctifs : des cheveux du plus beau blanc d'argent, et de longues jambes (il mesurait à très peu prés, six pieds de haut). Il était très introduit auprès du duc de Saxe-Weimar et familier de sa famille et de sa cour.

 

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Mais comment avait grandi Dorothée de Courlande depuis sa naissance ?

 

Sa mère s'en occupait peu, à la vérité. Elle l'avait confiée, ou livrée (comme on voudra) à une gouvernante anglaise, stricte par définition, plus jeune, « à la main lourde et la pédagogie courte » qui pratiquait corrections et bains glacés.3 

 

La vie de Dorothée en fait une enfant ballottée. Six mois à Löbikau avec sa mère, Batowski mais sans ses sœurs. Six mois à Sagan avec sa mère, le duc et ses trois sœurs. Sa vie était plus facile en Saxe, malgré les humeurs de Batowski. La duchesse y rencontrait beaucoup de monde. Il y régnait une atmosphère équivoque et instable. Quand elle était à Löbikau, elle rêvait de Sagan. Elle attendait le départ pour la Silésie et c'était en poussant des cris de joie qu'elle montait dans la voiture qui allait l'y conduire. Mais à Sagan, dans ce grand palais pas très gai, elle se trouvait écartée du cercle de famille, elle, la bâtarde. Nous l'avons dit, le duc ne disait rien en la voyant. Il ne lui adressait presque jamais la parole, se comportait comme s'il ne la voyait pas. Ses sœurs étaient beaucoup trop âgées pour elle et la négligeaient. Elle se sentait différente d'elles et fatalement ressentait un malaise.

 

 

Bibliothèque Nationale. Paris

 

la duchesse de Courlande et sa fille Dorothée d’après le tableau de Grassi.

« La duchesse jouait à la mère tendre et passionnée »

 

 

Malgré cela, elle a vénéré ce duc qui, pour elle, est son père, ce père « qu'elle aimait, néanmoins, avec l'anxiété craintive de l'enfant qui cherche chaleur humaine et protection », selon la bonne formule de sa biographe1. A Sagan, c'était pour elle la sécurité. Elle n'éprouvait pas ce sentiment à Löbikau avec Batowski. Elle ressentait, très certainement, la puissance qui se dégageait de cet immense château, imposant et magnifique, de la petite cour attentive au moindre geste d'un maître exigeant, de l'opulence de ce duc qui, s'il n'était plus un souverain régnant, était le prince le plus riche de toute l'Allemagne. Un enfant est très impressionné par la puissance, une petite fille surtout.

 

C'est paradoxal, mais vrai. Dorothée a aimé Sagan dans sa petite enfance, elle n'a que six ans et demi à la mort du duc, du duc qui n'était pas son père. Voici ce qu'elle a écrit, en 1822, dans ses Souvenirs :

 

« Notre existence à Sagan était à peu près celle des petites cours d'Allemagne. Mon père accueillait chez lui avec l'hospitalité abondante du Nord, non seulement toute la province, mais encore beaucoup d'étrangers qui de Berlin, de Prague ou de Dresde, venaient passer quelques temps à Sagan. Une troupe de comédiens assez passables, des chanteurs italiens et de bons musiciens attachés à la maison de mon père occupaient agréablement les longues soirées d'hiver que des chasses superbes et des repas un peu longs avaient précédés. » 1. Pour ce qui est de l'agrément des musiciens... mais ne nous laissons pas aller à la facilité !

 

Et comment était-elle, cette petite Dorothée, après la mort de son père ? Elle nous a laissé, toujours dans ses Souvenirs, un autoportrait :

 

« Petite, fort jeune, excessivement maigre, depuis ma naissance toujours malade, j'avais des yeux sombres et si grands qu'ils étaient hors de proportion avec mon visage réduit à rien. J'aurais décidément été fort laide si je n'avais eu, à ce qu'on disait, beaucoup de physionomie ; le mouvement perpétuel dans lequel j'étais faisait oublier mon teint blême pour faire croire à un fonds de force que l'on n'avait pas tort de me supposer. J'étais d'une hu­meur maussade, et, à ma pétulance près, je n'avais rien de ce qui appartient à l'enfance (...).

 

« Je ne crois pas qu'il fût possible de trouver un plus disgracieux et plus malheureux enfant que je ne l'étais à sept ans. » 1

 

Dorothée, affirme sa biographe, ne connaissait alors même pas l'alphabet... Cela, malheureusement, est devenu la règle pour les petits Français élevés dans les écoles françaises en 1992 ! Mais cela n'était pas vrai du temps de notre enfance où un marmot lisait couramment avant sept ans. En 1800, un enfant de famille riche lisait communément à cet âge, mais c'est Dorothée qui l'écrit dans ses Souvenirs, ajoutant que par contre elle parlait trois langues. Et elle précise comment, si jeune, elle avait appris à les parler :

 

Le français "attrapé dans le salon, l'allemand qui m'arriva par l'antichambre" quant à l'anglais, c'était l'apport de la gouvernante pas commode. Quelle belle formule, chaque langue à sa place dans cette haute société cosmopolite du pays ducal saxon ou de la Silésie !

 

Nous venons d'anticiper un peu. Sept ans, c'était l'âge de Dorothée huit mois après la mort de son père. Mais comment ne pas résister à cette légère anticipation...

 

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Quels souvenirs Dorothée a-t-elle pu garder de son ducal père, si peu son père ?

 

La duchesse de Dino nous l'a dit en 1822 dans ses « souvenirs » :

 

« Quoique je n'eusse alors que six ans (quand il mourut), j'ai cependant conservé un souvenir très vif de sa personne et de ses manières, et j'ai toujours gardé avec soin quelques ducats de Courlande qu'il me donna en échange de deux écus qu'un jour il m'avait demandés disant en plaisantant qu'il était ruiné. Le bon cœur avec lequel je lui remis mon petit avoir me valut un baiser fort tendre dont je sens encore l'impression. »1 

 

Était-il en définitive si violent Pierre III, duc de Courlande et de Sémigalle, le fils du féroce Biron ? La femme qui va avoir trente ans quand elle écrit, nous restitue une émotion qui a provoquée en elle une sensation durable qui ne trompe pas. Le duc, Sagan, c'était très important pour elle. Si elle en avait été autrement, se serait-elle assurée la propriété de ce château en 1844 ? Et serait-elle devenue duchesse de Sagan ? Serait-elle morte à Sagan enfin.


 

[1] - "Souvenirs autobiographiques d'un émigré". Baron de Vitrolles. 1924. p 168 et 170.

2 - "Talleyrand". André Castelot. p 365.[2]. Elle le devait aussi à son appartenance à une famille aristocratique de Courlande.

1 - Vitrolles. op. cit. p 170 à 175.

2 - "Le dernier amour de Talleyrand. La duchesse de Dino". Françoise de Bernardy. Perrin. 1965. p 17.

 

1 - "L'Europe et la Révolution Française". Albert Sorel. Plon 1908. Tome II. p 212 à 218.

1 - Albert Sorel. op. cit. p 217. Note et p 218.

2 - Albert Sorel. op. cit. p 244.

3 - Albert Sorel. op. cit. p 458.

1 - Albert Sorel. op. cit. p 458.

2 - Albert Sorel. op. cit. p 460.

3 - Albert Sorel. op. cit. p 462 et 463.

4 - Albert Sorel. op. cit. p 464

5 - Albert Sorel. op. cit. p 465.

1 - Albert Sorel. op. cit. Tome III p 452 à 458.

2 - Henri Troyat. « Catherine la Grande ». p 449.

3 - Vitrolles. op. cit. p 177.

1 - Vitrolles. op. cit. p 177 et 178.

1 - Albert Sorel. op. cit. p 514, 517 et 518.

1 - Françoise de Bernardy. "Le dernier amour de Talleyrand. La duchesse de Dino". p 19.

2 - baron de Vitrolles. "Souvenirs autobiographiques d'un émigré". p 178.

1 - Vitrolles. op. cit. p 179 et 180.

2 - Jean Orieux. "Talleyrand". p 497.

1 - Vitrolles. op. cit. p 182 et 183.

1 - Vitrolles. op. cit. p 184 et 185.

2 - Vitrolles. op. cit. p 190.

1 - Françoise de Bernardy. op. cit. p 25. Note.

2 - Vitrolles. op. cit. p 196, 197 et 198.

3 - Françoise de Bernardy. op. cit. p 20 et 21.

1 - rapporté par Françoise de Bernardy. op. cit. p 21 et 27.

1 - rapporté par Françoise de Bernardy. op. cit. p. 22.