LA FAMILLE ALAUX : TROIS SIÈCLES AU SERVICE DES ARTS
Les longues générations d’artistes sont rares : il y eut les Breughel, Clouet, Vouet…
Le cas des Alaux, qui représentent huit générations de peintres, architectes, décorateurs, liés à notre Sud-Ouest et pour certains d’entre eux au Bassin d’Arcachon et à Arcachon même, est exemplaire.
La première génération est représentée par Joseph Alaux, peintre, décorateur, maître tapissier au XVIIIe siècle à Lautrec, fief d’une grand-mère de Henri de Toulouse Lautrec (actuellement dans le département du Tarn).
La seconde est figurée par Pierre-Joseph Alaux, né en 1756, qui peignit en 1801 les décors du Grand Théâtre de Bordeaux, puis ceux du Théâtre Français à Bordeaux. Il travailla aussi à Lyon et à Cassel.
La troisième génération est composée par les trois fils de Pierre-Joseph, tous trois peintres :
- L’aîné : Pierre alias Jean-Pierre Alaux, né à Lautrec
en 1783 et mort à Vanves (près de Paris) le 26 janvier 1858. Cet élève de
Lacour père fut l’auteur du ″panorama dramatique″ installé boulevard
du Temple à Paris, puis du ″Néorama″ (1828), vaste ensemble circulaire
présentant l’intérieur de Saint-Pierre de Rome et l’Abbaye de Westminster
à Londres : ces toiles de
- Jean-Pierre Alaux décora en partie des théâtres aujourd’hui disparus : Feydau, Opéra et Gaîté. A la fin de sa vie, passionné par la culture des roses, il fut un des premiers créateurs d’espèces hybrides.
- Le cadet n’est autre que Jean Alaux, dit le Romain, né à Bordeaux le 15 janvier 1786 et mort à Paris le 2 mars 1864. Il fut d’abord l’élève de Lacour à l’Ecole des Beaux-Arts de Bordeaux, avant de gagner Paris où, dans l’atelier de Vincent, il eut pour camarade Horace Vernet dont il fut l’ami. Il entra ensuite chez Guérin où il rencontra Ary Scheffer et Eugène Delacroix. Grand Prix de Rome en 1815, il peignit en 1818 L’atelier d’Ingres à Rome, excellent tableau exposé au Musée de Montauban (Ingres, montalbanais comme Bourdelle, séjourna longtemps à Rome, de1806 à 1820, puis à Florence de 1820 à 1824).
Jean Alaux attira vraiment l’attention sur lui en 1824 avec
son Combat des Centaures et Pandore. Figurant parmi les peintres
préférés de Louis-Philippe, il se vit confier une partie de la décoration
du Louvre (deux plafonds), il décora la coupole du Palais du Luxembourg (L’apothéose
de Napoléon), la grande salle du Palais de Fontainebleau (où il restaura
également les œuvres du Primatice) et prit une part essentielle à la réalisation
de la ″Galerie des Batailles″ et de
- Quant au benjamin, il s’agit de Jean-Paul Alaux, dit Gentil, né à Bordeaux le 4 octobre 1788 et décédé dans la même ville le 24 janvier 1858. Peintre et lithographe, élève d’Horace Vernet et de Lacour à qui il succéda à la tête de l’Ecole de dessin de Bordeaux, ancêtre de l’actuelle Ecole des Beaux-Arts. Parmi ses œuvres, L’extase de Saint-Paul (1830) figure à l’église Saint-Paul de Bordeaux, tandis que le Musée des Beaux-Arts possède de lui plusieurs paysages et le Musée d’Aquitaine une Chartreuse. Il est aussi l’auteur de deux vues du vieux Bordeaux exposées dans le Grand Salon de l’Hôtel de Rohan (mairie de Bordeaux). Il avait épousé Mademoiselle Gué, fille de l’architecte Gué.
A la quatrième génération, se situent deux enfants de Jean-Paul dit Gentil :
- Sa fille Aline Alaux, née à Bordeaux, peintre animalier de talent qui exposa aux salons de Paris de 1833 à 1843 épousa M. Bodinier.
- Et Gustave Alaux, né à Bordeaux en 1816 et mort en 1882.
Architecte du département et du diocèse, membre de
Architecte de l’église Notre-Dame d’Arcachon qu’il conçut en
néo-gothique élégant (1858-1861), il parvint habilement à y incorporer
Homme cultivé, amateur de peinture, de musique et de littérature,
Gustave Alaux était aussi un sportif accompli (escrime, voile, chasse). Ami
de Viollet-le-Duc, Delacroix et Ingres, il avait épousé Jenny Gué, second
Prix de Rome et décoratrice du Théâtre de
- Jean-Michel Alaux, né à Bordeaux en 1850, se fixa dans sa
ville natale après avoir fait ses études à l’Ecole des Beaux-Arts de Paris
(Atelier Jules André)). Il acheva l’église Notre-Dame d’Arcachon devenue trop
petite (transept et chœur. Président de
Concepteur d’immeubles rue Turenne à Bordeaux, de l’église de Saint-Georges de Didonne, etc., Michel Alaux épousa Jeanne Bonifas. Ils eurent sept enfants, dont trois fils : Jean-Paul, François et Charles.
- Daniel Alaux (Bordeaux 1853-1933), après avoir été élève
de Galland puis de Bonnat à l’Ecole Nationale des Beaux-Arts, exposa au Salon
des Artistes Français (1881-1885). Il fut l’illustrateur avec son frère Guillaume
de l’édition nationale des Œuvres de Victor Hugo. Conservateur du Musée des
Beaux-Arts de Bordeaux de 1907 à 1922, il y organisa un hommage à Goya. Peintre
du Bassin d’Arcachon, il était membre du Cercle de
- Guillaume Alaux (Bordeaux 1856-1912), élève de Bonnat et
de Gervex à l’Ecole Nationale des Beaux-Arts, fut sociétaire des Artistes
Français, puis de
A la sixième génération, nous trouvons les trois fils de Michel Alaux déjà cités et leur cousin Gustave, fils de Daniel :
- Jean-Paul Alaux (Bordeaux 1876-1955) fut l’élève de son père et de V. Laloux. Architecte, peintre (médaille des Artistes Français), il fut professeur d’architecture à l’Université de Pittsburg (Etats-Unis) puis aux Ecoles d’Art Américaines, fondées à Fontainebleau en 1920 et dont il devint Président.
Membre de l’Académie de Bordeaux, il y fonda des Prix de peinture
(paysages historiques), architecture et littérature (marine et voyages). Chevalier
de
Ecrivain, grand voyageur, membre du Conseil du Yacht Club de
France, il effectua de multiples croisières dans le monde et publia de nombreux
ouvrages de voyages et d’aventure : vies de Christophe Colomb, Magellan,
Vasco de Gama (illustrés par Gustave Alaux son cousin). Histoire de
Fidèle à notre région, il est l’auteur de quatre Paysages du Bassin à la manière japonaise, dessins à l’encre de chine rehaussés d’aquarelle, qui sont à l’Aquarium d’Arcachon.
- François Alaux (Bordeaux 1878-1952), élève de Bonnat aux
Beaux-Arts, peintre de la marine, fut membre de
Yachtman accompli, François Alaux, qui navigua souvent en compagnie
de son frère Jean-Paul, est l’auteur d’œuvres de qualité sur
Il était l’ami de Raoul Dufy, d’Othon Friez – qui exécuta son
portrait – et de Gabriel Voisin, aviateur et constructeur d’automobiles et
exposa à
Il avait épousé Mademoiselle Marie-Louise de Lannoy et vécut
plusieurs années à
- Charles Alaux (Bordeaux 1889-1918) fut le musicien de la famille. Grand Prix de violoncelle du Conservatoire de Bordeaux, Premier Prix du Conservatoire de Paris, il fut un concertiste de renom.
- Gustave Alaux (Bordeaux 1887-Paris 1965) suivit les cours de l’Ecole Nationale des Beaux-Arts. Il fut l’élève de Marcel Baschet et de Henri Royer à l’Académie Jullian.
Chargé de mission aux Etats-Unis et en Suisse en 1916, membre
de l’Académie de Marine, il était Officier de
Grand voyageur, membre du Yacht Club de France, il est connu
comme illustrateur d’ouvrages sur la mer. Sociétaire des Artistes Français
(médaille d’or 1927), puis Hors Concours et membre du jury, il avait obtenu
la médaille d’or à l’Exposition des Arts Décoratifs (1925) et à l’Exposition
universelle (1937). Ses œuvres sont exposées au Musée de
Nous arrivons à la septième génération avec, faisant honneur
à ses ancêtres, Jean-Pierre Alaux, fils de François, né à
Le palmarès est éloquent : Salon des Artistes Français
(médaille d’or H.C.), Salon d’Automne (hommage en 1987 : 40 ans de peinture),
Société Nationale des Beaux-Arts, Salon des Peintres Témoins de leur Temps
et Comparaisons, Salon du Dessin et de
Peintre officiel de Marine, il est l’auteur de décorations sur le paquebot France, le porte-avions Foch, le cargo mixte Mississippi et a illustré Pierre Benoît (Aïno), Han Suyin (Multiple splendeur), Kazantszaki (Zorba le Grec)…
Héritier d’une grande tradition, peintre, graveur, sculpteur, la réputation internationale de son œuvre est due à la perfection de ses compositions, où un élément onirique ajoute une sorte de poésie irréelle. Pour G. Dornand (Libération) : ″J.-P. Alaux joint à une science du dessin, du modèle… digne des classiques de jadis, une invention en veine de constantes trouvailles… peintre d’expressifs portraits, cet artiste est l’une des plus intéressantes personnalités de la peinture actuelle.″
Si plusieurs expositions particulières (Galerie Cardo, Reccio, Drouant, de la place Beauvau à Paris mais aussi Brachot à Bruxelles, New York, New Orleans, Boston) et de groupe (Angleterre, Allemagne, Suède, Iran, Japon, Bulgarie) ont fait la démonstration de son talent, des émissions télévisées avec A. Parinaud et Micheline Sandrel, ″Radioscopie″ avec Jacques Chancel, ont permis d’apprécier ses goûts : en peinture de Jérôme Bosch, Rembrandt, Vermeer aux Impressionnistes et Braque, Klee… Bach en musique. Mais aussi son humour et son non conformisme.
Habitant Paris (Montmartre) où nous avons plaisir à le rencontrer,
il vient l’hiver au Cap-Ferret peindre la solitude des grèves désertes. Amateur
de Ski, il a jadis escaladé
Cet heureux artiste a, de plus une très belle épouse et inspiratrice, qui figure sur la majorité de ses œuvres et l’aide à gérer efficacement sa carrière, prenant en charge les problèmes matériels (formalités, plannings, etc.).
Nous espérons qu’un jour, il pourra présenter à Arcachon des
éléments rétrospectifs de son œuvre, qui pourraient être accompagnés d’œuvres
des précédents Alaux, nombreuses dans les musées, notamment de Bordeaux, sans
oublier dessins et plans architecturaux de Gustave Alaux (Notre-Dame,
Et la huitième génération ? Le fils de Jean-Pierre Alaux, Jean Christophe est architecte, sa fille, Sophie, peintre, est professeur d’Arts plastiques.
Signalons pour conclure qu’un ″hommage à la famille Alaux″
déjà présenté au Grand Palais en 1991 par
© Jacques DELAMARE
Membre de
Bulletin de
[1] - Le visage de l’enfant de cœur, par exemple, n’est autre que celui de mon père, son neveu, Frank Auschitzky !