DES TOILES CIRCULAIRES
On ne finit pas de découvrir des utilisations fantaisistes ou grandioses de la toile hors châssis, tels ces néoramas dont les dimensions sont telles qu’elles sont données avec approximation (environ 17 sur 74 mètres pour Saint-Pierre de Rome et environ 19 sur 66 mètres pour l’Abbaye de Westminster), exécutés sur toile de chanvre dans des lés de 97 centimètres.
Madame Dominique VILA. Documentaliste au Département des Peintures du Musée du Louvre nous en retrace l’histoire.
En Angleterre, aux Etats-Unis, des panoramas sont en cours de restauration. En Hollande, en Europe centrale, en Russie, ils sont montrés au public. En France, rien n’a encore été entrepris pour les mettre en valeur. Le déménagement des néoramas de Jean-Pierre Alaux, rendu nécessaire par les travaux d’aménagement du grand Louvre est l’occasion ou jamais de les restaurer et de les montrer au public.
Le procédé du Panorama est une invention anglaise dont le brevet fut importé en 1799 en France d’où il se diffusa dans l’Europe entière. Il consiste à éclairer par le haut de grandes toiles pour donner l’illusion d’un spectacle naturel. Les panoramas présentaient des vues d’extérieur. Plusieurs variantes du brevet furent exploitées, dont les dioramas mis au point par Daguerre, le peintre inventeur de la photographie, qui présentaient des vues d’intérieur en trois dimensions, ou ces néoramas inventés par J.-P. Alaux, peintre-décorateur de théâtre qui eux présentaient des vues d’intérieur en quatre dimensions, principalement d’églises, de temples ou de palais.
Ils étaient exposés dans des rotondes plus ou moins grandes (de 17 à 50 mètres de diamètre, de 7 à 20 mètres de haut). A l’intérieur s’élevait au centre, à la hauteur de la moitié de l’édifice, une plate forme isolée où se tenaient les spectateurs. Les parois circulaires de la rotonde étaient entièrement recouvertes par la toile du tableau. La perspective de la scène était établie en partant du lieu où devait se tenir le public. Une zone vitrée large de 1 mètre environ placée à la partie basse du toit conique laissait passer le jour qui tombait directement sur la toile, la partie centrale du toit restant pleine. Des parajours ou un vélum cachaient aux yeux des spectateurs l’ouverture circulaire d’où venait la lumière. Enfin, un corridor sombre conduisait le public jusqu'à la plate-forme pour le saisir à la vue du tableau circulaire exposé sous une lumière vive. A Paris, le théâtre Marigny et le théâtre du Rond-Point dans les jardins des Champs-Elysées ont été construits pour présenter des panoramas. Ces spectacles eurent un succès considérable pendant tout le XIXe siècle et la France joua un rôle pilote par les recherches techniques qui y furent faites et par le nombre de panoramas qui y furent peints pour l’étranger.
Les panoramas présentent une étape intermédiaire entre les recherches de la peinture en trompe-l’œil, fresques de Pompéi, de Véronès à la Villa Maer, voûtes du père Pozzo à l’église Saint-Ignace, décor de Tiepolo pour le salon de la résidence de Wurzburg, et celles de l’animation qui aboutirent au cinéma. Le but recherché était de rendre l’illusion et l’espace. Mais les scènes avaient également un caractère documentaire car elles faisaient appel à des connaissances précises géographiques, vues de Londres, de Jérusalem, Athènes - ou historiques, comme les batailles napoléoniennes, de la guerre de 70 par Detaille.
Les spectateurs y venaient en famille, comme de nos jours on va au cinéma. Mais, au lieu que l’image défile devant vous, c’étaient eux qui défilaient devant l’image. Les panoramas présentent donc un réel intérêt. En 1982, M. Robichon leur a consacré une thèse de Doctorat qui a attiré l’attention sur eux. Les musées commencent donc à acheter les fragments que l’on trouve sur le marché. Ces deux néoramas de Alaux conservés aux musée du Louvre, sont les seuls dont nous connaissons l’existence dans leur intégralité dans des collections publiques françaises.
De dimensions plutôt petites pour des panoramas (leur rotonde avait un diamètre de 15 mètres), ils avaient un caractère plutôt intime car le spectateur se trouvait placé très près de la toile. Ils constituaient un spectacle chic et bien fréquenté que le duc de Bordeaux, le roi « ravi d’admiration », la Dauphine, vinrent visiter. « L’Intérieur de la basilique Saint-Pierre » (1827) représente l’intérieur de Saint-Pierre de Rome au moment où le pape, accompagné de sa suite, prie à genoux devant la statue de l’apôtre au milieu d’un concours de fidèles. Sa présentation était accompagnée d’un feuillet-guide. « L’Abbaye de Westminster » fut exposé en 1830. La critique dans l’ensemble trouva cette toile meilleure que la précédente quant à la réalisation et promit au néorama un bel avenir. mais l’entreprise fut un échec financier et le néorama dut fermer en 1832.
Le directeur des musées royaux fit alors un rapport à l’intendant général pour proposer l’acquisition des deux néoramas « chefs-d’œuvre du genre »... « impossible à rétablir » s’ils venaient à être détruits. L’acquisition fut repoussée car elle aurait entraînée de trop grands frais d’installation. Jean-Pierre Alaux céda donc à son créancier ses néoramas qui les proposa à nouveau au roi en 1833.Ils furent cette fois acceptés et entrèrent dans les collections du Louvre.
TRAITS - Revue des Professionnels du Dessin. Mars 1990
Néorama - Basilique de Saint-Pierre à Rome.
Feuillet-guide distribué à l’époque (1827-1832).
Depuis la porte d’entrée jusqu'à la coupole, nous ne voyons de chaque côté que quatre arcades conduisant à autant de chapelles. Dans le NÉORAMA, le spectateur se trouve placé entre les troisièmes piliers, dont les niches contiennent l’une la statue de saint Ignace, sculptée par Joseph Rusconi, l’autre celle de saint Philippe, par Baptiste Maini.
Les trois portes d’entrée, ouvertes comme dans les jours de solennité, laissent voir une partie de la Place Saint-Pierre, le commencement des colonnades qui l’entourent, et l’obélisque qui en décore le centre.
Des deux premières chapelles près de la porte, et à droite du spectateur, qui n’aperçoit qu’une colonne de chacune d’elles, l’une est celle des Fonds baptismaux, l’autre celle de la Présentation. A gauche sont deux chapelles semblables, dont la première est celle de la Piété.
La porte surmontée d’un cénotaphe et d’une tiare, ferme le lieu où est déposé le corps du dernier Pape décédé, jusqu'à la mort du Pape régnant. Du côté opposé à la nef est le tombeau d’Innocent XII, orné de trois statues sculptées par le Florentin Philippe Valle.
On remarque ensuite deux chapelles fermées par des grilles ornées de dorures. Celle dont la grille est entrouverte est la chapelle du Choeur des chanoines ; l’autre celle du Saint Sacrement. C’est dans cette dernière que sont exposés les Papes après leur mort.
Dans l’enfoncement qui suit le pilier de saint Philippe, on voit la porte d’entrée de la sacristie. Le tombeau placé dans l’enfoncement pareil, du côté de saint Ignace, est celui de Benoît XIV , surmonté de la statue de ce Pontife, entre deux autres, représentant la Science et la Charité. Toutes trois sont de Pierre Bracci.
Plus près, et au-dessus des deux autels entourés de balustrades, on voit les copies en mosaïque des beaux tableaux de la Transfiguration , de Raphaël, et de la Communion de Saint Jérôme, du Dominicain.
Un confessionnal fort simple fait face à la statue en bronze de saint Pierre, devant laquelle le Pape est prosterné.
En tournant le dos à la porte d’entrée, on se trouve en face de la magnifique coupole. Elle est soutenue par quatre piliers, dont deux paraissent à découverts du côté principal. Chacun contient deux grandes niches l’une au-dessus de l’autre. Les niches supérieures sont en forme de tribunes, soutenues par des colonnes torses que l’on croit venir du temple de Salomon. C’est de là que les jeudi et vendredi saints, on montre aux Fidèles de précieuses reliques. Les statues placées au-dessous sont, à gauche sainte Véronique, de François Mochi, et à droite, sainte Hélène d’André Boigi. Les médaillons placés aux pendentifs représentent les Evangélistes, exécutés en mosaïque, d’après les peintures de Jean de Vecchi et de César Nebbia.
Sur l’entablement situé au-dessus des fenêtres, on voit les figures du Christ, de la Vierge, des Apôtres et autres Saints exécutées en mosaïque. Plus haut, des anges soutiennent les instruments de la passion.
Au milieu de la grande coupole, et sous le maître-autel, repose le corps du Prince des Apôtres, dans le lieu appelé la Confession de Saint-Pierre. Le double escalier qui y conduit est entouré d’une balustrade près de laquelle cent douze lampes brûlent sans cesse. Le maître-autel, sur lequel les Papes seuls célèbrent la messe, est décoré de quatre colonnes torses et d’un magnifique baldaquin en bronze doré, exécutés d’après les ordres d’Urbain VIII, et sur les dessins du chevalier Bernini, avec le bronze que le Pape fit enlever du Panthéon. Ce bel ouvrage a 84 pieds de hauteur, et le bronze dont il est composé pèse 186.392 livres.
Derrière le maître-autel on monte par deux marches de porphyre, au monument appelé la Chaire de Saint-Pierre. Quatre statues de docteurs de l’Eglise : saint Ambroise, saint Augustin, saint Athanase et saint Jean Chrysostôme soutiennent une chaire entourée d’anges, et surmontée d’une gloire dont les rayons sont de bronze doré sur un champ de cristal. Cette chaire renferme celle dont saint Pierre s’est servi. Le monument, dessiné par le chevalier Bernini, a été exécuté sous le pontificat d’Alexandre VII : on y a employé 219.000 livres de métal. Si l’on en croit une ancienne tradition, ce n’est qu’après vingt-cinq ans de règne qu’un Pape doit monter dans la chaire de saint Pierre, et aucun ne s’y est encore assis.
Le moment choisi par le peintre est celui de la prière du Pape. Le Souverain Pontife est agenouillé devant la statue de saint Pierre ; derrière S.S. sont le grand-pénitencier, les cardinaux, les chanoines, les Suisses et les Gardes-Nobles. On voit plus loin le dais qui sert à transporter le pape.
La grande nef est entourée par trois détachements militaires : un de troupe de ligne, en habits blancs ; un de garde civique, en habits bleus ; un de garde du Capitole, en habits rouge. Une foule de Fidèles, prosternés derrière la haie, offre la réunion de tous les costumes des habitants de Rome et des environs, séculiers ou ecclésiastiques.