LE LIVRE D’OR DE JEAN-PIERRE
Jean-Pierre Alaux tire avec adresse les ficelles de ses personnages : précis, il sait nous guider dans un monde où le rêve et l’imagination dominent. D’excellents portraits.
Marcel BRION – Le Monde – 16 Juin 1951
Jean-Pierre Alaux retourne volontiers vers une esthétique qui porta ses fruits magnifiques voici 400 ans. C’est-à-dire qu’il reprend son métier appliqué, délicat et fin, patient ; qu’il reprend aussi les thèmes ou plutôt les schèmes, tels que personnage au coin d’une fenêtre ouvrant sur des paysages et des lointains bleutés. Mais les règles du métier sont assouplies, la technique s’est perfectionnée en un certain sens : celui de la liberté d’expression. Il se mêle maintenant à tout réalisme des harmonies d’irréalisme, de surréalisme même, qui sont la marque de la pensée enrichie de notre temps. Mélancolie, grâce alanguie, retour aux Primitifs qui par certains côtés touchent à la naïveté, enveloppent la poésie de la nature que se laisse exprimer Alaux et qui touche en sa finesse par le talent du plasticien.
VRINAT – Actualités Artistiques – Juin 1953
Jean-Pierre Alaux réunit chez Cardo des figures peintes minutieusement dans des paysages finement détaillés, animés d’un sentiment surnaturel qui donne à ses peintures un caractère très attachant.
Janine WARNOD – Le Figaro 1er juin 1953
L’Art de Jean-Pierre Alaux est d’une poésie moins sombre. Depuis plusieurs années déjà, sa fantaisie charme par la précision même avec laquelle il l’exprime, par la qualité des tons précieux dont il anime ses paysages, à la fois exacts et fantasques, surtout par son imagination surprenante qui pare de surréalisme la réalité même.
Revue Moderne – 1er janvier 1955
Travail minutieux d’une main rompue aux plus subtils problèmes de la peinture.
René DOMERGUE – L’Information – Novembre 1955
Jean-Pierre Alaux a fait de grands progrès depuis sa dernière exposition. Son style a acquis de l’ampleur et de la force dans la voie qu’il s’est tracée. Ses thèmes continuent d’être inspirés du fantastique sans pour cela rechercher l’insolite du surréalisme avec parti pris. Ses visages, ses compositions, ses paysages savent retenir non seulement par leurs qualités techniques mais aussi par la poésie qui s’en dégage. Ses mises en page enfin font preuve d’originalité et de renouvellement d’un tableau à l’autre.
Combat – 14 Novembre 1955
Ce jeune artiste au talent original où la cérébralité tient une place primordiale, ajoute à la science du dessin, chose rare à notre époque, une magie de couleurs chatoyantes soutenues par une composition curieuse, se mariant à une originalité chromatique séduisante notamment dans le couple…
Gaston CORNIL – Revue moderne – Décembre 1955
Importante et intéressante exposition des œuvres de Jean-Pierre Alaux à la Galerie Cardo (32, Avenue Matignon, Paris). L’artiste joint aux profondes connaissances de l’Art pictural une riche imagination et un considérable travail de l’esprit. Tout est peint avec une grande finesse, une grande délicatesse. Sincères félicitations à ce remarquable artiste.
L’Eveil – Décembre 1955
Galerie ″65″ (Cannes). (Picasso et Jean-Pierre Alaux…) Un de ces artistes qui savent peindre avec finesse et une clarté de style qui n’excluent pas du tout l’originalité de la composition. Ses œuvres font la preuve que la beauté peut faire avec la poésie une très précieuse alliance.
Cannes, 15 Août 1956
Quant à Jean-Pierre Alaux, il possède déjà, en deça de la trentaine, les qualités d’un Maître. Fervent des Primitifs italiens, allemands ou flamands, il en poursuit le surréalisme, et ses symboliques personnifications de la Timidité, de la Pureté et du Temps ont les accents de Cranach, de Dürer ou de Van Eyck.
Journal de l’Amateur d’Art – Janvier 1959
Jean-Pierre Alaux à la Galerie Recio expose ses œuvres récentes qui sont d’un peintre précis, raffiné, chez qui se combinent l’influence lointaine de Boticelli et celle, récente, des surréalistes. Tout cela est d’une grâce exquise et d’un métier parfait.
L’Echo d’Oran – 1961
Jean-Pierre Alaux. Joignant à une science du dessin, du modelé et de la pâte, digne des classiques de jadis, une invention en veine de constantes trouvailles qu’envieraient tous les surréalistes point férus de morbidité malsaine, peintre d’expressifs portraits, cet artiste est bien l’un des plus inréressantes personnalités de la peinture actuelle.
Guy DORNAND – Libération – Mars 1961
Jean-Pierre Alaux (Galerie Recio, 25, rue de la Boétie, Paris). Les peintures de Jean-Pierre Alaux sont d’abord poétiques. L’extraordinaire maîtrise dont il faut preuve, ses connaissances profondes du beau métier, lui permettent de composer avec un soin des plus rares des œuvres qui – en dépit de leur fine texture – ne sont jamais petites. Dans un modelé de beaucoup de saveur, les visages apparaissent dans toute leur pureté, sur des fonds le plus souvent limpides. J.-P. Alaux sait utiliser l’ornement sans tomber dans le décor, il sait opposer des plans (du premier au plus lointain) sans que rien ne vienne troubler la perspective. C’est remarquable, et l’on fait comme rarement, provision de rêve. J.-P. Alaux, il est peintre et bienfaiteur, il nous place dans un univers qui nous fait oublier le nôtre.
Le Peintre – Mars 1961
Un large panorama des sensibilités picturales d’Alaux nous est offert. L’extrême maîtrise d’une technique qui sait tirer le meilleur parti d’une pâte lisse et fine aux aplats précieux, de coloris chatoyants et d’une observation rigoureuse. Dans les portraits et les paysages le réalisme se double d’un élément irréel et poétique. Parmi les compositions surréalistes, certaines renferment un symbolisme grave, d’autre une poésie d’humour qui dévoilent les facultés secrètes du subconscient. Cependant le fantasque est toujours apaisé par un élément de grâce d’une fraîcheur exquise qui caractérise le peintre.
C.G. – Arts – Mars 1961
Grande fête à la Galerie Recio cette antichambre du Musée du Louvre. On y exposait les dernières toiles de J.-P. Alaux. Nous avons là à un degré supérieur, toutes les époques et tous les genres sauf le genre loufoque… ; la grâce, la fantaisie, l’humour et la très grande peinture.
Masques et Visages – Novembre 1964
Le surréalisme de J.-P. Alaux nous a depuis longtemps conquis. Il sait se renouveler tout en conservant la perfection d’une orchestration picturale qui ne trouble aucune dissonance. Sa ″Maternité à la fenêtre entr’ouverte″ nous émeut autant qu’un Vermeer qui ″ce jour-là ne lurent pas plus avant″. Arcimboldo a profondément marqué J.-P. Alaux en le conduisant aux limites de la réalité et de l’irréel.
Journal de l’Amateur d’Art – Novembre 1964
Virtuosité. Jean-Pierre Alaux a toujours su éviter le piège du surréalisme qui est facilité. Le dépaysement qu’il nous propose par la grâce de son imagination, l’ingéniosité de ses trouvailles, la part de rêve qu’il y enclôt, sait nous surprendre en nous persuadant. Le langage de la couleur, riche et nuancée, s’accorde à celui de la forme maniée des virtuosités. Dans cette suite de 50 toiles, la légende, le rêve et leurs décors se mêlent pour le plaisir des yeux autant que pour celui de l’esprit.
M.S. – Arts – 4 Novembre 1964
Un tableau de J.-P. Alaux s’il peut se regarder avec le recul habituellement propice à la bonne possession de l’œuvre par la vision, il peut et doit aussi être regardé de près, à la main, comme une lecture ou une gravure. Possédant sur tous les poils du pinceau un métier parfait, une main d’une grande habilité, nanti d’une grande imagination, Jean-Pierre Alaux en dépit de ses dons n’a jamais recours à la facilité car il crée de nouvelles difficultés afin de la vaincre. Ainsi – quelquefois – son subjectif est une tapisserie, une soierie, dont quelques motifs servent d’ornements, d’autres disparaissent sous un enduit sur lequel Alaux peint les données de la composition, données issues du réel ou de son esprit qui souvent s’attache – sous des aspects aimables – à l’enfantement et à la mort. C’est très beau dans des valeurs et des passages de ton d’une grande perfection, comme le dessin et le tout ensemble pour écrire net.
Jean CHABANON – Le Peintre – Novembre 1964
Jean-Pierre Alaux, un poète du surréalisme. Images poétiques, visions émerveillées, les images fascinent J.-P. Alaux, les symboles aussi. Il allie à merveille la grâce des visages avec quelques naïvetés à nous peindre telle rue de Paris quitte à nous restituer aussitôt après le charme délicat d’un visage de la Renaissance italienne. Le passé est ici intimement lié au présent. Peut-être faut-il découvrir la clé du langage poétique car c’est un poète – n’est-ce pas là l’essence même de l’artiste surréaliste – que nous fait découvrir cette exposition.
Arts – 27 octobre 1965
Parmi les thèmes éternels du Couple, des Saisons, de la Maternité, J.-P. Alaux a introduit les mythes antiques du Sphinx, du Labyrinthe et des Métamorphoses. Usant d’un métier minutieux et extraordinairement savant, il multiplie les trouvailles techniques, peignant des tapisseries dont certains motifs habilement réservés viennent s’incorporer sur la toile, ou introduisant dans sa pâte des fragments de dentelle ou des tissus légers. Nous sommes en pleine féerie, dans un monde étrange et ravissant peuplé de beaux et jeunes visages d’une émouvante sérénité et d’un pouvoir pacifiant extraordinaire. Peinture de haute qualité. Art bienfaisant par excellence.
Stéphane REY – Le Phare-Dimanche – Bruxelles, 19 Octobre 1965
J.-P. Alaux décrit des symboles qu’il invente ou qui existent déjà et, pour donner une réalité à ses légendes il peint différemment l’homme et ce qui l’entoure, le réel et l’irréel. Il crée un décor artificiel fait de tapisserie ou de taches de couleur dans lesquelles évoluent des êtres vivants parfaitement dessinés. Il personnalise toujours une idée et, par des moyens plastiques, nous invite à découvrir le sens de ses contes symboliques.
Janine WARNOD – Le Figaro – Novembre 1965
Jean-Pierre Alaux : la pureté, la poésie. La critique est unanime : « Jean-Pierre Alaux joint aux profondes connaissances de l’art pictural une riche imagination et un considérable travail de l’esprit. L’extraordinaire maîtrise dont il fait preuve, ses connaissances profondes du beau métier lui permettent de composer avec un soin des plus rares des œuvres qui en dépit de leur fine texture ne sont jamais petites. »
Pour nous, les toiles de Jean-Pierre Alaux sont une très grande association de la pureté, de la poésie, de la beauté.
Le Berry Républicain – Bourges, 24 décembre 1965
JEAN-PIERRE ALAUX, LA FEMME ET L’AMOUR
Où commence le rêve ? Où finit le réel ? Rien n’est plus vrai que l’attitude de cette jeune femme, surprise par le sommeil, alors qu’elle lisait. Rien n’est plus vrai que cette jeune femme elle-même et pourtant on est sûr, en la regardant, que c’est à un autre monde, plus subtil que le nôtre, qu’elle appartient.
Dans toute l’œuvre de Jean-Pierre Alaux il y a ainsi de belles jeunes femmes qui dorment et quand elles ne dorment pas, quand on peut capter leur regard, on voit qu’elles sont très loin… sous leurs paupières à demi baissées, leurs yeux ne révèlent rien de ce qu’elles savent pourtant depuis toujours. Elles sont à la fois le mystère et la sérénité, la réponse et la question.
Qu’elles émergent d’une brume marine, nues, les mains chargées de coquillages, avec ce visage lisse d’une déesse toute neuve… Qu’elles cherchent, au fond de miroirs précieux et baroques, on ne sait quelle vérité avant de repartir avec une autre vague… Ou qu’elles se cachent à demi dans les broderies d’or d’une très ancienne soie brochée, elles sont la douceur et l’éloignement, offertes et absentes dans le même geste, proches à les toucher et inaccessibles, le refus et le don.
Qu’un peintre donne à la femme et cette grâce très humaine et cette évanescence – on emprisonnerait plutôt un rayon de lune que leurs douces épaules, qu’on y porte les doigts et elles fondraient comme une nuée – est un phénomène bien agréable. Il n’est pas révolu le temps des cours d’amour, elles n’ont pas disparu ces dames dont on sollicitait l’honneur de porter les couleurs, ces dames plus que belles dont un seul regard donnait la mort ou l’espoir. Mais il fallait deviner ce qu’elles taisaient.
La peinture de J.-P. Alaux est un aveu… Le monde ne s’arrête pas à cet horizon où le ciel et la terre se rejoignent… Il y a encore des ondines… et si l’on se fait aimer d’elles, on connaît les secrets de la vie.
Le couple, moyen de connaissance ; la femme n’est pas seulement la déesse, elle est celle qui sait. Que sa joue encore enfantine, que le tendre dessin de sa bouche et de son cou ne vous trompent pas, il y a en elle une réponse. Cette réponse, elle la connaîtra en même temps que vous si vous connaissez les termes de la question à poser.
En notre siècle de robes géométriques, de minijupes et de cheveux bouclés – presque aussi longs pour les filles que pour les garçons ( ?) – en notre siècle d’attirances superficielles, totalement acceptées, aussi vite épuisées, en notre siècle où tout est offert avant même d’être goûté, à notre époque où le goût du plaisir a rendu ce plaisir si précaire, il est bien émouvant de voir cet extraordinaire hommage à l’amour qui s’affirme dans les toiles de Jean-Pierre Alaux. L’Amour retrouve son pouvoir absolu et la femme cette gravité qui la rend à son rôle de Prêtresse. L’homme peut à nouveau rêver du ″Couple″.
Cette vieille quête de l’âme sœur et de l’Amour-Clé, il est bon qu’un peintre de notre temps la reprenne à son compte. Avec le sens du mystère.
Le mon,de ne s’arrête pas à cet horizon où la terre et le ciel se rejoignent.
Micheline SANDREL – Lettres et Médecins – Septembre 1966
Une place à part me semble devoir être réservée à Jean-Pierre Alaux avec sa ″Formation du Couple″. Son homme et sa femme noyés dans une tapisserie envahissante, échangent des gestes symboliques d’une haute signification érotique : gestes de protection et d’acceptation, gestes d’offrande réciproque. On se prend à penser que seul le surréalisme pouvait sauver ce thème à tout faire : l’amour.
Revue Automobile – Avril 1964
JEAN-PIERRE ALAUX
Léonard de Vinci conseillait à peu près à ses disciples : « Regardez les taches d’un mur, vous y verrez des batailles ». Lorsque Jean-Pierre Alaux est à court d’inspiration, il contemple les motifs d’un tissu ou d’un papier peint et il en surgit bientôt des visages, des arrangements d’êtres et de décors, et aussi, disposés de façon neuve, les symboles qui hantent son univers intérieur : le sablier, symbole du temps qui passe, l’œuf, symbole de la fécondité, des chapeaux fantastiques, symbole de la demeure protectrice, et toujours l’homme et la femme, symboles d’un dialogue éternellement recommencé entre les principes masculin et féminin. Il a réalisé ainsi des tableaux où le tissu d’ameublement collé à même la toile, ne se distingue plus des visions qu’il a imposées. Souvent aussi l’œuvre naît d’une lecture et le peintre doit préciser une image d’abord floue, tel un photographe qui, avec des gestes minutieux, met au point son objectif.
Quand les lectures n’éveillent aucun écho, quand aucun tissu n’arrête le regard, il lui suffit de jeter une tache d’encre sur le papier pour qu’un kaléidoscope de tableaux possibles commence à défiler. La création je Jean-Pierre Alaux commence où s’arrête celle de l’artiste informel. A la liberté de l’amateur d’art, il oppose et impose sa propre vision, sa propre personnalité, sa propre histoire. Sans doute un tel artiste ne pourrait-il laisser d’autobiographie plus préciser qu’en concevant une exposition de dix toiles à partir des dix cartons du test de Rorschach mis en fiches, en statistiques et en diagrammes depuis près d’un demi-siècle par les psychologues. Ces derniers pourraient épuiser les interprétations savantes et infinies que leur proposerait une âme ainsi mise à nu, et leurs disciples du futur plus savants encore poursuivre leur discours.
Cette œuvre, telle qu’elle se présente à nous, que son symbolisme soit concerté ou inconscient, est à l’évidence hantée par la psychologie des profondeurs. Non pas celle de Freud, trop individualisée, mais celle de Jung attachée aux arcanes de l’âme collective. L’étude devrait d’ailleurs un jour être tentée de l’influence déterminante du célèbre psychologue et penseur Suisse sur la création artistique contemporaine. Au peintre par vocation en quête de ce qui est éternel au-delà de ce qui bouge, de ce qui est derrière ce qui devient, de la trame invisible qui soutend la toile mouvante des apparences, il a offert une clé dont certains, assoiffés de certitudes, se sont emparés. Jean-Pierre Alaux, un des premiers, a su la saisir et l’utiliser. C’est qu’il lui importait avant tout d’apporter le témoignage d’une vision personnelle. Non pas de fonder une école : il croit à toutes les écoles et cette absence de sectarisme le conduit à n’être d’aucune. Non pas à fomenter une révolution : il croit que tout a été inventé et qu’il s’agit seulement d’exprimer des vérités actuelles avec des moyens d’expression anciens. Son œuvre est le carrefour des tendances les plus modernes – nous nous sommes déjà référé à l’informel – et des tendances les plus classiques. Il ne pouvait en être différemment chez cet artiste à la fois ouvert au monde présent et héritier d’une longue tradition.
La lignée artistique des Alaux remonte jusqu’à Louis XV : peintres, architectes, décorateurs – et lorsque cette famille n’est pas liée à la vie des arts plastiques, elle l’est à celle des lettres, tel cet Alaux qui fut le Professeur de philosophie de Bergson.
Dans l’atelier de Jean-Pierre Alaux figurent en bonne place le portrait de son père, lui-même peintre, par Othon Friesz, et celui d’un autre ancêtre qui fut directeur de la villa Médicis, par Ingres. André Malraux a récemment découvert les deux plus grandes toiles des réserves du musée du Louvre : elles sont l’œuvre d’un Alaux qui peignait sous Napoléon Ier.
Imprégné intimement de la culture classique, Jean-Pierre Alaux éprouve comme une réalité profonde que dans le domaine de l’Art la seule chose qui puisse être vraiment nouvelle, c’est soi-même, c’est-à-dire non pas une philosophie ou une technique, mais une sensibilité. C’est elle dont il s’applique, après l’avoir excitée par toutes les techniques de l’éveil, d’arrêter les visions.
Jacques MOUSSEAU – Plexus – N°3 – 1966
A tort ou à raison, on fixe certaines limites au surréalisme. Mais voici Jean-Pierre Alaux et les limites sautent et s’éloignent. Le mouvement qui doit tant à André Breton reprend du souffle et adopte de nouvelles dimensions. Comme tout surréalisme qui se respecte, l’artiste qui expose un vaste ensemble de toiles Galerie Drouant est précis, minutieux, impose une technique impeccable qu’on voudrait parfois bousculer. Mais ce qui fait sa personnalité, son originalité, c’est la richesse de son imagination. Le surréaliste rêve, se réveille, retrouve quelques-unes des images qui ont embelli ou dramatisé sa nuit, tente de les exprimer sur la toile. Mais J.-P. Alaux ne se contente pas du songe. C’est un témoin de la vie et le fait quotidien, normal ou sortant de l’ordinaire, il le transforme à travers sa vision personnelle, très poétique. Et cela donne des œuvres comme ″Violonciel″, la synthèse des ″Signes du Zodiaque″, le ″Trio″, peint sur bois, en uniton, avec la pianiste, le violoniste, le violoncelliste, passionnés par l’œuvre interprétée et qui, emportés par leur passion de la musique, vont peut-être se diluer dans l’air, se transformer en ondes musicales. De nombreuses toiles seraient à citer, à analyser, avec leurs chromatismes si divers et parmi elles, ″Le Modèle″, jeune nudité enveloppée d’un drap blanc, lasse, assoupie dans un fauteuil, près du chevalet surmonté d’un grand chapeau de paille, non loin d’un bouquet de fleurs et il paraît certain que fauteuil et modèle vont partir comme s’en vont les avions ou les anges.
Avec Jean-Pierre Alaux des thèmes anciens ou nouveaux donnent lieu à d’innombrables variations.
Robert BARRET – 8 Novembre 1969
Agence Quotidienne d’Informations Economiques et Financières
Jean-Pierre Alaux dont l’œuvre a conquis une large audience et qui compte parmi les figures de proue de la néo-figuration d’inspiration fantastique, n’a donné que quelques toiles à cet ensemble. Elles s’y imposent cependant par leur sens poétique et la vigueur magique d’une composition impeccable. Le ″Kaléïdoscope de la Chanson″ est à cet égard une œuvre insolite et bien équilibrée.
Le Phare-Dimanche – Bruxelles, 11 Juin 1967
Jean-Pierre Alaux fait la nique à ce que les esthètes du néant nomment ″l’art actuel″. En effet, il pratique classiquement la peinture même si parfois il intègre dans la composition des éléments tout faits, rubans, dentelle ou empreinte de dentelle. Il ne néglige point le modelé, peint avec les plus savantes modulations du ton, surveille son dessin et se permet de penser, mettant dans le jeu du tableau les vertus de l’intelligence. En les regardant, le plaisir de la lecture nous est aussi donné. Devant ses œuvres, on se délecte.
Jean CHABANON – Le Peintre – 15 Novembre 1968
Citons enfin la belle exposition des œuvres de J.-P. Alaux. Le surréalisme de l’artiste se donne libre cours et emporte l’esprit au-delà de l’étrange, mais sans jamais quitté la figuration la plus rigoureuse. Dans l’esprit même de l’œuvre de Salvator Dali, celle de J.-P. Alaux s’ouvre sur les mêmes horizons fantastiques.
Jean AUBERT – Dimanche-Actualités – 17 Novembre 1968
J’ai pour l’art féerique de Jean-Pierre Alaux une grande tendresse. J’aime le fantastique poétique de son inspiration, la grâce de ses personnages, la pudeur de ses audaces, la distinction constante de sa démarche. Usant d’un métier savant, précis minutieux, le peintre, par un langage symbolique un peu hermétique parfois, nous introduit au monde des profondeurs. Selon les élans de sa sensibilité qui est celle d’un écorché, il évoque tour à tour Ophélie et Narcisse ou les redoutables approches des succubes et des harpies. Plein d’une imagination onirique, il mêle à sa peinture des dentelles, des morceaux de tissus d’ameublement,,qui s’intègrent tout naturellement à ses tableaux et confèrent à ceux-ci une sorte de magie fort séduisante. Jean-Pierre Alaux est l’héritier d’une longue tradition. Les peintres, les décorateurs, les architectes, les écrivains, les philosophes sont nombreux dans son ascendance. Ceci explique sans nul doute la noblesse de sa pensée et les exigences rigoureuses de son travail (Galerie I. Brachot).
Le Phare-Dimanche – Bruxelles, 12 Octobre 1969
JEAN-PIERRE ALAUX, UN PEINTRE NEUF VENU DU PASSÉ.
Connu, je le suis plus ou moins – il serait de bonne convenance d’écrire moins que plus – mais ceux qui me font l’honneur de me lire savent que je ne suis aucunement un critique avancé, tel l’on dit pour les fromages. Je laisse à mes chers confrères inspirés le soin de broder sur un art ne portant plus forme et qu’ils prétendent chargé d’un message. Voyez-vous cela ? Les difficultés comme les joies font la vie. Rien que facile une existence n’est que creuse. A vaincre sans péril… Ainsi en art et singulièrement en peinture.
Dans nos temps où triomphe l’imposture, où des chanteurs de la braillerie acquièrent fortune, ou des actrices célèbres ont des talents placés surtout au-dessous de la ceinture, où le scandale paie encore au théâtre, le peintre pour se prétendre artiste n’a nul besoin de peindre pour construire un tableau. Une giclée de couleur, une incision au rasoir – une seule sur la toile vierge, qui fatalement ne l’est plus – suffit pour s’exprimer. On peint avec une carabine, on blesse une surface blanche à coups de poinçon qui paraît-il, sont des coups de génie, on roule des filles admirablement nues dans l’outremer le plus pur (il faut bien que quelque chose soit pur), filles qui déposent sur le subjectile, au signe du maître, leurs empreintes adorablement fessues, on accumule des objets d’usage courant choisis de préférence dans les bazars, rayon sanitaire, ménager à la rigueur (c’est la tendance des ″objets magiques″) et il se trouve toujours un spécialiste capable de signaler d’une plume choisie les beautés de l’envoi. Je n’invente rien. L’artiste, devant cette lamentable situation des arts, s’il ne possède point une grande force de caractère, se lancera à la suite des génies actuels (génies à bon compte, futurs laissés-pour-compte) et le travail de vision ne pourra mûrir en lui.
L’artiste doit connaître ses immenses responsabilités. Homme parmi les hommes, son devoir vis-à-vis du bien est grand, car la foule le regarde, le monde le regarde et le voit. Son art n’a en définitive de sens que par sa participation à la célébration du grand mystère de la nature. Il ne doit pas oublier que le cœur est au centre de l’art, l’irradie. Il n’est pas d’artiste sans grand cœur. Les traceurs de néant m’assomment. Jean-Pierre Alaux me réconforte. Différence nette.
Je l’ai connu par sa peinture, non par hasard. Tout au long d’une longue année, j’avale, piéton de la critique, un kilométrage bien plus que marathonien. Le nombre, forcément, refroidit l’enthousiasme, aussi l’on peut me suspecter de complaisance lorsque tout fatigué par une trop copieuse suite je dis le plaisir que me procurent certains auteurs honorant l’art qu’ils pratiquent, offrant au regard non un aspect de la peinture mais une œuvre complète, une œuvre où l’idée a pris forme de nature, où le métier est parfait, l’exécution soignée comme il sied d’un bel artisan, cet artisan qui est toujours sous le peintre conscient de ses devoirs. Dans notre époque où l’inachevé, le bâclé, le lâché, le pas-dit sont l’apanage des peintureurs en vogue, il est de surprenante et heureuse exception qu’un Jean-Pierre Alaux, né en 1925, ne sacrifiant à la mode nul de ses mérites, de ses facultés, construise des richesses nouvelles, en ce temps où tout va trop vite, où le jour présent appartient déjà au passé, construise pièce par pièce une œuvre fortement actuelle tout en ne méprisant point, au contraire, les beautés et l’enseignement des Maîtres qui l’ont précédé.
Sans que notre auteur puise dans l’arsenal du surréalisme, comme l’on constate communément, il nous propose une réalité autre que coutumière. Ainsi ″Le Couple″ dans l’émouvante grâce de la jeunesse n’est point un couple frivole. L’invisible ligne d’horizon passe sur les cœurs, instruments de la vie, par l’entrelacs de la chevelure, l’adamantine et cependant fragile union est signifiée et l’amour par cette main qui possède et ces doigts fragiles dont le frôlement est consentement. L’intense et calme passion s’affirme par le regard double et unique sous l’auvent dérisoire d’un chapeau de jardinier protégeant le couple des atteintes du mal et de la laideur. Les amoureux sont seuls au monde…
Jean-Pierre Alaux exprime beaucoup en organisant une chevelure, celle toute flammée de cette beauté (La Montre solaire) comptant le temps silencieusement est soleil et parure. Les cheveux à l’abandon de l’″Adolescente″ qui dort son sommeil ajoutent à la signification des lambeaux qui la revêtent comme un linceul ; on pense, sous la grâce, à Baudelaire parlant de la douleur des morts : ″Ils sentent s’égoutter les neiges de l’hiver. Et le siècle couler, sans qu’amis ni famille remplacent les lambeaux qui pendent à leur grille″. L’éternité déjà… Dans le ″Le Labyrinthe″, les enfants, les femmes, les adultes et les vieillards, l’artiste et la ménagère, hommes de toute condition mais point conditionnés encore, tentent d’atteindre le centre de l’œuvre où réside l’insaisissable licorne, symbole de la perfection. Seul le papillon à la tête de mort trouve la porte qui mène au but. Elle est ouverte, facile à franchir, mais le chemin guidant les pas n’est point fléché. Cette ″Nageuse″ avec des gestes immobiles brasse de la dentelle ; ses cheveux suivent le fil de la trame comme ceux d’une moyée celui de l’eau. Bouquet de fleurs brodées de quelque Ophélie… ″Le pain et le vin″, le pain du pauvre comme le pain du riche, le vin ordinaire comme le noble vin, nourritures terrestres, nourritures mystiques, composition où le paysage familier du moissonneur prend l’allure de Mont des Oliviers avec son chemin de croix pourtant érigé par l’électricité de France, et le Christ recrucifié chaque jour. L’homme est protégé. La messe est dite…
J.-P. Alaux possède un métier accompli (on exige qu’un plombier connaisse son métier, j’aime qu’un peintre connaisse le sien), possède une habileté manuelle, une science du dessin qui confondent, mais ses talents et sa connaissance ne sont pas mis au service de la virtuosité. A l’exemple de ses actes d’homme, c’est tout proprement qu’il peint dans un faire étonnant et cependant de toujours. Entreprise dangereuse menée par les plus forts, les plus courageux, l’amateur pouvant se livrer au jeu des comparaisons avec maintenant, avec hier et même avec demain, l’art qui est art étant éternel.
Plus Alaux avance en lui-même, plus ses gestes de la création se font discrets. Il ne dit pas comment il procède, sa technique ne cherche pas à éblouir ; simplement, il rend matérielle une idée née de lui sans forcer les formes de vérité et surtout pas son style, sans forcer les couleurs de vérité comme dans ″Le Crépuscule″ où la chevelure léonienne est clairement de ton ″fauve″.
Mais dans l’Adolescente, la Nageuse, le Labyrinthe, J.-P. Alaux n’a point négligé des acquisitions nouvelles ; mêler à la peinture un élément étranger à sa nature. Seulement, chez lui, la tapisserie (ou l’étoffe brodée) est support du tout ensemble, non apport insolite intégré par collage. Le décor guide l’idée, l’idée se développe au cours du travail, car pour Alaux le tableau n’est pas terminé avant d’être commencé, tel nous le remarquons sous la main de certains artistes à répétition pressant le pinceau comme une gâchette.
Jean-Pierre Alaux, il faut le conjuguer au singulier. Je m’arrête ici ; faire des ronds de plume n’étant pas de mon fait.
Jean CHABANON – Medica – Novembre 1966
Chez Drouant c’est Jean-Pierre Alaux que nous connaissons bien qui nous invite à l’évasion. Peut-on parler de surréalisme à son propos ? Bien plutôt d’imaginaire. Son domaine c’est celui où les citrouilles peuvent devenir carrosses, où la féerie est monnaie courante. Son pays est une région aimable que peuplent les sirènes dans leurs baignoires, les femmes-fleurs, les filles-végétaux, les princesses de songes orientaux qui auraient la finesse des dames de miniatures. Et tout cela est bien peint, ce qui ne gâte rien, parfois avec des méticulosités de petit Maître Hollandais, des précisions de peintre du trompe-l’œil. Alaux déborde d’imagination, d’invention et c’est très volontiers que nous passons avec lui de l’autre côté du miroir.
Jean DALEVÈZE – Les Nouvelles Littéraires – 7 Novembre 1968
Par la finesse du trait, la perfection du dessin, la délicatesse et la pureté des nuances, l’œuvre de J.-P. Alaux s’apparente à celles des Primitifs flamands, Memling et autres. A ces charmes, s’ajoute l’attrait d’une philosophie surréaliste délectable. Ce sont les Trois Grâces au bain, dont l’une a l’indiscrétion de crever la toile du ciel à travers laquelle on n’aperçoit qu’un trou noir ; c’est la Têtes des autres, qui symbolise saint Paul terrassé par le Seigneur, les Signes du Zodiaque, dont les onze signes composent le corps tout entier du douzième qui est la Vierge ; l’homme et la femme inversés aux regards qui se cherchent en vain, une autre femme qui tient, entre ses jambes, la Mer, symbole de la vie, fait pendant à un autre homme, un cavalier à deux têtes, symbole des deux tendances bonnes et mauvaises, célestes et et infernales qui se disputent l’âme humaine.
… Et combien d’autres compositions étrangement captivantes, riches d’enseignement profonds.
Pierre MORNAND – Revue Moderne – 1969
VU : le monde envoûtant de Jean-Pierre Alaux.
Très belle exposition ce mois-ci des œuvres du peintre français Jean-Pierre Alaux. Représentant de cette vaste école surréaliste dont les expressions varient à l’infini au gré des rêves et des fantasmes de leurs auteurs, Alaux se crée un monde bien à lui. Un monde envoûtant où les femmes oiseaux, centaures, signes du zodiaque, poissons, animaux fantastiques se retrouvent dans des compositions où la richesse de la palette le dispute à l’originalité du sujet. Alaux est un peintre qui sait capter l’attention par l’imprévu de son propos et la garder par la qualité de son métier, la minutie de son coup de pinceau et le chatoiement de ses coloris, de Pégase aux Trois Grâces en passant par Le Retour et Le Voyage, Alaux nous entraîne dans un univers où notre imagination peut prendre son envol et notre œil s’enchanter.
L’Eventail – Bruxelles, 10 0ctobre 1969
″Mourir, dormir, rêver peut être″. Ce titre de Jean-Pierre Alaux est révélateur, de même que la citation de Gœthe à laquelle il se réfère :
″Oh ! Que n’ai-je des ailes pour m’enlever du sol et le poursuivre sans cesse en sa course !
Je verrais, dans le rayonnement du soir, éternellement, le monde silencieux étalé à leurs pieds. ″
Sommeil, mort, rêve, c’est une association sur laquelle Gérard de Nerval met aussi l’accent. Dans Aurélia, il met le sommeil du côté de la mort et le rêve du côté de la vie lorsqu’il dit : « Le rêve est une seconde vie… Les premiers instants du sommeil sont l’image de la mort ». Cette intuition du poète est maintenant confirmée par la neurophysiologie. Celle-ci a montré que le sommeil est un processus qui va en quelque sorte dans le sens de la mort, dans la mesure où il est accompagné d’un ralentissement général de toutes les activités de tous les organes. La phase de rêve, au contraire, est, du point de vue physiologique, une phase d’activité cérébrale intense et irrégulière, à l’image même de la vie.
Dans cette toile, l’image de la mort semble vouloir être évoquée par un sol aride, des rochers, des arbres dépouillés, tandis que la vie serait le mouvement du cheval en marche, de l’oiseau aux ailes écartées, la gestion chez la femme, la mer écumeuse. Oiseau, cheval, femme enceinte, fœtus, mer, thèmes à signification sexuelle dans la perspective psychanalytique. Dans cette œuvre très surréaliste, tout est très construit, très intellectuel par rapport à ce qu’est la réalité du rêve.
La Semaine des Hôpitaux – 14 février 1970
Voici un très grand maître du surréalisme. Sociétaire des Salons nationaux, qui nous fait l’honneur d’être présent parmi nous et qui nous étonne par la profondeur de ses compositions et la maîtrise de sa palette.
La Dépêche du Midi – Octobre 1972
Il y a des peintres pour entendre ce qui ne s’entend pas, pour dire l’inexprimable, Jean-Pierre Alaux est de leur famille.
La vie Médicale – Mars 1973
La France n’honore pas comme il conviendrait ses artistes, souvent ignorés du grand public.
Jean-Pierre Alaux, ce génie du surréalisme, prépare actuellement une exposition en Amérique. Il est navrant de penser que ces toiles superbes ne reverront peut-être jamais le sol français et enrichiront les cimaises américaines.
L’inspiration frappe à la porte ésotérique de J.-P. Alaux par l’intermédiaire des taches. Sans idée préconçue, se laissant conduire, peu à peu le sujet émerge et Alaux avec force, beauté, délicatesse, retourne aux sources de la création ″L’oeuf″ ou s’adonne à l’explication de la vie en utilisant un vieux tissu découpé et collé qui délimite la frontière à laquelle les hommes se heurtent quand le papillon, symbole de l’âme, pénètre dans ″Le Labyrinthe″.
Ainsi Alaux, parvenu à la maîtrise parfaite de son art, recherche des procédés qui renouvèlent ou aiguillonnent son inspiration. ″Le Couple″, sujet souvent traité par lui sur la toile nue, comme ce chapeau rouge tenu au bout d’un bâton abritant un homme et une femme, se trouve placé devant sa propre signification en deux pendants dont le travail pictural est rehaussé de vieux tissus admirablement choisis.
J.-P. Alaux sublimise la noblesse la noblesse du bois. ″Le Trio″, musiciens dont les expressions intériorisées des visages émergent seules des sons mélodieux de leurs instruments, est d’une invention admirable.
Mais nous restons émerveillés, émus, contemplatifs devant ce Christ en croix sur un poteau télégraphique, au corps diaphane prêt à disparaître, tandis que la campagne de Saragosse se révèle à nous riche de ses vignes, de ses blés. Il y a dans cette toile une puissance, un dépouillement qui appartient au domaine de la transcendance.
Jean-Pierre Alaux mériterait d’être aussi universellement connu que Salvador Dali.
Claude PALLENE – Corse Méditerranée Médicale – Novembre 1970
L’art féerique de J.-P. Alaux m’apporte toujours un étonnement joyeux, un bain juvénile de tendresse. La grande manifestation de Bordeaux cet été, l’exposition au Musée d’Art Moderne de l’œuvre entier de Man Ray qui aborda souvent le surréalisme, la peinture en de J.-P. Alaux nous ont rendu à nouveau familier d’un art tout de fantaisie où se meut un monde fantastique né de l’imagination, fait chez quelques-uns, comme Alaux, de pudeur et de grâce, souvent d’une distinction exquise et puis-je ajouter, d’un métier des mieux éprouvés qui soutient, sans en avoir l’air, l’inspiration audacieuse d’un peintre qui est nécessairement aussi un poète.
J’aimerais que ce mot de ″métier″ n’apparut pas comme un correctif au mot art, car à l’inverse de ce qu’on affirme de plus en plus, c’est lui qui soutient l’art, lui confère cette qualité qui lui assure mieux que la sensation de l’instant, la confiance rassurante du support solide sans lequel les œuvres seulement instinctives sont périssables.
Jean-Pierre Alaux dans l’organisation magique de son propos a su conserver des anciens, les meilleures traditions artisanales de ″l’ouvrage bien fait″. Il est d’ailleurs d’une race auprès de qui la peinture, l’architecture, l’écriture ont toujours connu le meilleur accès. Sa personnalité cependant vigoureuse a acquis d’eux l’exigence exacte et la hauteur de la pensée.
Auteur de décorations sur le paquebot France, le porte-avions Foch, titulaire de la Médaille d’Argent de la Ville de Paris, bénéficiaire de nombreux achats de l’Etat, il exposait récemment aux Peintres Témoins de leur Temps, ″La Biosphère Humaine″ inspirée par un texte de Teilhard de Chardin parfait latin (il est né à La Ciotat, sur la Méditerranée) s’incorpore à notre temps à qui il apporte ce ″supplément d’âme″ hérité de notre civilisation millénaire.
J. BREMOND – La Liberté de Fribourg – Suisse, 1973
JEAN-PIERRE ALAUX
En voulez-vous du ″surréalisme″ ? C’est-à-dire du bizarre, de l’insolite, du conte à dormir debout, de l’humour noir ou multicolore, du fantastique, du frisson de la peur ou du frisson de la volupté ? Bref, dur sur-réalisme ?...
Ne cherchez pas, ou pas longtemps, car en cette fin d’année on en a mis partout. Vous pensez bien que les stratèges de la vie artistique internationale, après s’être complaisamment laissés glisser sur le toboggan périlleux qui, des recherches sincères de quelques artistes en mal d’épuration ou d’inventions, a précipité jusqu’au néant plastique du pop’art, de l’op-art un bruyant troupeau de pseudo peintres, de gogos et de spéculateurs, vous pensez bien qu’il faut à ces messieurs une bouée de sauvetage… Où la trouver ? A la rigueur, dans un retour au cubisme ? A l’art 1900 ? (N’en doutez pas : des augures y pensent). Mais le cubisme c’est déjà bien couru. Alors, pourquoi pas plutôt le surréalisme, dont voici un an, une exposition s’efforça de susciter le regain ? Hélas ! Elle n’obtint pas l’imprimatur, le visa du Pape. Non pas de S.S. Paul VI ! Mais du Pape du Surréalisme, le seul, le vrai, le définitif et éternel : André Breton. Ayant anathémisé l’imprudent qui avait osé fouler les plates-bandes de son empire, André Breton se mit donc à l’ouvrage et n’eut point de peine à organiser une exposition qui dispensa aux visiteurs de 1965 une masse de surprises, d’émois et d’énigmes, comparé à celle dont s’esbaudirent si fort ceux des manifestations de 1938 et de 1947… En sorte que même des jobards peuvent s’apercevoir que cet ultra dernier new look de l’art date de plus de trente ans, soit dit sans remonter jusqu’aux temps antédiluviens de 1920… (Par ailleurs, une galerie vouée en permanence à leur esthétique, a réussi un caractéristique assemblage d’œuvres de Dali, de Max Ernst, de Bellmer, de Brauner, de Tanguy, etc.).
En sorte que, sur les deux rives de la Seine, rue Séguier comme boulevard Haussmann… et même rue de Richelieu ? Oui, rue de Richelieu, car la Bibliothèque Nationale a opportunément saisi l’occasion de prouver à quelques béjaunes, aux coquetins de l’up-to-date que les siècles passés avaient connu, ce qu’il ne sied pas de nommer le ″surréalisme de Grand-papa″. Car il n’y a pas de commune mesure entre le ″fantastique″ tel que Raphaël lui-même, Rembrandt, Arcimboldo, Dürer, Gérôme Bosch, Goya, Odilon Redon, l’ont rêvé et exprimé, les yeux ouverts sous l’impulsion de leur génie… et les combinaisons, les jeux artificiels péniblement échafaudés par nos ″surréalistes″ bénis ou non par leur souverain pontife. Impossible en effet d’être émus par leurs truquages à base d’horreur préfabriquée ou d’érotisme d’eunuques obsédés.
Est-ce dire que les fantasmes, les rêveries, les fantaisies de l’imagination sont interdits à un peintre préalablement muni d’une culture générale et d’une connaissance très approfondie des techniques de son art : dessin, composition, couleur ? Ah ! Certes non ! Il suffit d’un nom pour opposer à cette question la réponse appropriée : Jean-Pierre Alaux.
Jean-Pierre Alaux, issu d’une lignée d’artistes, ″fils de la Ciotat″, sinon Provençal, car ses ascendants étaient originaires du Sud-Ouest, mais à coup sûr Occitan, Méditerranéen d’esprit, de caractère, de formation. Etudes classiques sérieuses. Ecole des Beaux Arts de Paris, débuts non moins traditionnels au Salon des Artistes Français où, après avoir déjà cueilli maints lauriers – il obtient la médaille d’orque fut l’objet de l’ambition (… avortée) même de certains parmi les plus illustres. Et depuis 1951, une carrière jalonnée d’expositions parisiennes, voir très lointaines (Boston, New York), de participations à de très nombreuses expositions collectives à travers le monde. L’Etat, la ville de Paris, maints musées français et étrangers ont acquis de ses œuvres. Un cargo, un paquebot fameux, un porte-avions, promènent sur les mers, des panneaux décoratifs signés de lui…
De lui, qui, selon les termes d’un des critiques les plus pertinents de notre époque (Jean Chabanon) « nous place dans un univers qui nous fait oublier le nôtre ».
Quel est-il don cet univers de Jean-Pierre Alaux ?
Celui de son hérédité l’oblige à doter de la luminosité, de la composition harmonieuse, de la sérénité d’un décor qui semble emprunté à la Toscane franciscaine, ou à tout le moins à la Provence mistralienne. La vigne, l’olivier, le cyprès, voilà les arbres inscrivant le graphisme de leur silhouette dans la mise en page des poèmes que composent tous ses tableaux. Et s’il consent à se détourner des vallons où ses personnages pourraient en retrouver d’autres, émergés des compositions d’un Cranach, d’un Van Eck ou d’un Pré-Renaissant italien, c’est pour emmener son modèle – une femme toujours – dans l’univers où il fera d’elle l’héroïne unique d’un culte dévotieux, dont la ferveur s’interdira toute frénésie, toute débauche vulgaire des sens et de l’esprit. Face à son modèle préférentiel, la Femme, il se retrouvera pareil aux troubadours d’antan, éperdu d’amour certes mais respectueux même de la chasteté de ses nus en dépit de la sensualité qui s’éveille et l’émeut. Elle, la voici d’avance conquise, souriante sans doute, mais sinon anxieuse, du moins respectueuse du mystère de l’amour.
Le magasin des accessoires de ce théâtre intime ? Des fleurs, encore des fleurs. Et des coquillages en les volutes desquels murmure peut-être encore la mer symbolique ?... et des dentelles de papier, des livres comme il sied à un lettré… Et parfois autour de la Dame de ses pensées, juvénile et grave à la fois, seule bête mais combien chargée de messages idéaux, une Licorne…
Ainsi rêve J.-P. Alaux, pinceau en main, avec toute la spontanéité savante d’une maîtrise qui peut improviser en oubliant toute contrainte et créer des visions de bonheur délicat dans un climat d’amour. Si surréalisme il y a là, c’en est un qui, foncièrement latin, n’a rien de commun avec le congénital tourment qui toujours agite et convulse celui même d’un génie comme Max Ernst, si sincère, mais si essentiellement germanique d’essence.
Quoique puisse d’avance supposer un observateur frivole, c’est pourtant le rêve éveillé de Jean-Pierre Alaux qui enferme et exprime le contenu pensé, le symbole le plus nourri, le plus profond, le plus émouvant. A preuve les énigmes transposées dans la claire magie de son art, par Alaux, lorsqu’il traite les thèmes du Salon des Peintres Témoins de leur temps : l’Amour (la formation du Couple) en 1964, le Pain et le vin (Nourritures terrestres, nourritures mystiques) en 1965.
Ainsi sur des pensers anciens, des pensers éternels, Alaux construit des œuvres nouvelles, de celles dont on peut dire avec un autre poète : « là tout est luxe, calme et beauté ».
Guy DORNAND - 1967
Les œuvres de Jean-Pierre Alaux nous font songer à des contes fantastiques dont le mystère doux et éthéré peut être dévoilé aux initiés pour qui rêve et réalité n’ont pour limite que cette d’une foi attentive. Jean-Pierre Alaux semble en quête de cette unité retrouvée à deux dans l’amour. (Tantrisme de gauche). Son œuvre émerveille et emporte l’âme dans des sphères musicales où le surréalisme devient langage mystique.
Cependant, avec une nouvelle toile intitulée : La Biosphère humaine, il semble que l’artiste perçoive une angoisse et le point d’interrogation qu’il pose met en jeu des forces opposées. Devant ce couple sombre, ce mur, cette croix orientale, et cette multitude de visages formant une sphère à l’écoute du fabuleux mystère universel, on est saisi de crainte. Où aller ? Où est la vérité et la paix ? Jean-Pierre Alaux pose la question et son interrogation nous intriguera longtemps…
Revue Moderne – 1973
JEAN-PIERRE ALAUX OU LA RENCONTRE
On peut ne pas jouer avec Jean-Pierre Alaux au jeu des portraits… Si vous étiez un arbre, quel arbre seriez-vous ? Si vous étiez un minéral, quel minéral seriez-vous ? Jean-Pierre Alaux serait l’homme arbre, la pierre-homme. Il est impossible de l’imaginer autre que lui-même. Ainsi dans les lions qu’il peint, son visage affleure sous le masque du fauve, Lui qui écoute toujours avec curiosité les commentaires qu’on fait sur son œuvre et qui est prêt à préférer l’interprétation que vous donnez à celle qu’il avait, proteste contre l’accusation implicite de narcissisme : « Ce ne sont pas des autoportraits ! ». Et comme je l’oblige à regarder l’homme et la femme qui s’abritent sous un grand chapeau, ″Le Couple″, l’homme qui porte un fagot, ″Composition″ et celui qui émerge d’une soie brochée, il sourit : « C’est involontaire, c’est parce que c’est une tête que je connais bien, quand je m’en aperçois je modifie les traits ».
Son sourire le fait brusquement très différent de ce visage sur la toile.
Jean-Pierre Alaux m’a dit un jour : « On m’imagine souvent rêveur, poète, romantique- les femmes surtout. En fait, mes pinceaux posés, je ne suis rien de tout cela″. Ce jour-là, il ne m’a pas convaincue, il ne me convainc pas davantage aujourd’hui. Ou plutôt, il m’enfonce dans ma conviction. Toute cette gaieté qu’il a, cette légèreté, cet humour, ce clin d’œil, c’est le vêtement de la vie sociale, la récréation. Le vrai Jean-Pierre Alaux est sûrement, quand il est seul, à l’image de sa peinture. J’ai envie de lui dire que ce ne sont pas ses toiles qui lui ressemblent, mais lui qui leur ressemble. Je ne le dis pas, il applaudirait, il réagirait par une pirouette.
« Est-ce que ce n’est pas étonnant, Jean-Pierre Alaux, je vous connais depuis des siècles et je ne sais pas si je vous ai jamais vraiment posé une seule question ? »
« Je ne sais pas, mais il m’a toujours semblé que la peinture doit se suffire à elle-même ».
« Pensez-vous qu’en regardant un tableau à tendance symbolique on puisse y entrer facilement ? »
« Pas toujours. C’est pour cela qu’il faut que la peinture soit avant tout plastique et que la littérature ou le symbolisme ne soit qu’un accessoire de façon à ce que le spectateur puisse avoir au moins le plaisir des yeux… si plaisir des yeux il y a. »
« Quel que soit le sujet du tableau, une botte de radis ou une chimère, ce qui compte c’est la façon dont l’une et l’autre sont peintes. Il n’empêche que vous peignez rarement une botte de radis. »
« Les signes du zodiaque et tout ce qui touche aux mythes sont plus riches de mystère pour moi qu’une botte de radis, mais je comprends très bien que l’on puisse peindre celle-ci avec génie. »
« Vous est-il arrivé, puisque c’est le jour des questions, de rencontrer des gens qui trouvaient dans votre peinture des choses que vous n’y aviez pas mises ? »
« Bien sûr, mais est-ce que c’est gênant ? Une toile n’est pas un problème de mathématiques.» « Comment naissent-elles ces toiles ? »
« Il n’y a pas de règle générale, au moins pour moi. Certaines se conçoivent d’une façon très précise avec un sujet très défini, et d’autres s’élaborent plus lentement. »
« Leur thème est quelquefois dissimulé dans les dessins peu distincts d’un tissu broché. Vous réveillez la belle endormie dans l’arabesque d’une broderie et retrouvez les personnages emprisonnés dans des guirlandes fanées. »
« Mais ils y étaient ! »
Réel, irréel, la frontière est incertaine, s’il y a une frontière. Le monde est une perpétuelle métamorphose, les symboles et les mythes passent à travers les âges et les civilisations et on les retrouve partout. Jean-Pierre Alaux le sent mieux que personne.
« Vivez-vous au jour le jour, ou avez-vous l’impression que votre vie s’inscrit dans les rythmes ? »
« Je ne vis pas au jour le jour et ma vie s’inscrit obligatoirement dans des rythmes. »
Cette réponse donnée d’un ton ferme suggère bien plus que la seule donnée biographique que l’on est peintre ou architecte chez les Alaux, de génération en génération depuis Louis XV.
© Micheline SANDREL
Organorama – Vol. 6 – N° 6 – 1970
Citons de J.-P. Alaux ″La Métamorphose d’un Fauteuil Musicien″. Nous retrouvons dans cette toile, outres les qualités picturales, les possibilités d’évasion et d’invention de ce peintre. En effet, à la manière d’un Magritte il fait régner dans cette toile une atmosphère magique et l’imprévu se même au baroque et à l’humour.
Pierre OSENAT – Le Caducée – Avril 1973
Les objets cessaient de jouer leur rôle d’accessoires utiles ; comme un matelas son crin, ils laissaient passer leur substance.
Marguerite YOURCENAR – L’Œuvre au Loir.
Il y a plusieurs années que l’on n’a pas eu l’occasion de voir un ensemble de Jean-Pierre Alaux. On ne l’a pas oublié cependant depuis son exposition en 1969 à la Galerie Isy Brachot. Le voici à Knokke, Galerie Dandoy où l’on redécouvre avec beaucoup de plaisir son univers de rêve éveillé, ses jeunes et beaux visages de femmes, ses inventions poétiques et surtout cet admirable métier qui ne cesse de surprendre et de séduire. Ses œuvres ont été reproduites dans maints numéros de la revue ″Planète″ et dans les anthologies publiées par celle-ci. C’est dire que l’on reconnaît à son message son poids d’insolite et de fantastique et que l’on y découvre ce qui fait le piment de bien des expressions artistiques actuelles : le secret et l’érotisme. De ces deux éléments J.-P. Alaux joue avec autant de tact que de discrétion. Tout est chez lui poétique et mystérieux. Le symbole donne à la réalité sous-jacente un visage angélique sur lequel cependant on ne se trompe pas. Parmi les peintres dont l’œuvre a grandi en bordure des champs surréalistes, J.-P. Alaux est certainement un des plus remarquables et des plus attachants.
Stéphane REY – La Flandre libérale, Le Matin, La Métropole – Bruxelles, Juin 1973
JEAN-PIERRE ALAUX
Jean-Pierre Alaux, peintre au métier précis, rapproche sans cesse la réalité du rêve.
J’ai d’abord éprouvé un choc violent, insolite et plus captivant en face d’une de ses toiles récemment exposées au Musée Galliéra à l’occasion de la 20e exposition des Peintres Témoins de leur Temps. Il s’agissait de la ″Biosphère Humaine″. Le peintre a réalisé ici « cette conciliation paradoxale de l’élément et du tout, de l’unité et de la multitude » à laquelle Teilhard de Chardin fait allusion dans un très beau texte. A mi-chemin entre le ciel et la terre, curieusement habitée par de nombreux visages, se trouve une mappemonde divisée par le symbole philosophique chinois masculin-féminin (le yang et le yin), aux couleurs complémentaires rouge et vert. Sur le sol il a placé deux personnages dont l’apparence est plus suggérée que réelle ; ils semblent rêver et peut-être dans cette belle harmonie de gris bleu, de rouge et de brun qui les baigne, songent-ils à ce que pourrait être le bonheur. Derrière eux un élément très ornementé, cruciforme et symétrique symbolise la pensée : à gauche sortant de terre, une triade (sculpture du peintre) symbolise la création artistique ; à droite du tableau, un mur limite l’espace, sans doute dissimule-t-il tous les problèmes que l’homme devra encore résoudre pour parvenir à la connaissance de l’absolu… Un tel sujet risquait de tomber dans l’anecdote. En s’exprimant ″en peintre″, Jean-Pierre Alaux a évité ce danger.
Après avoir vu ses compositions des dernières années dans les Salons ou sur les cimaises des Galeries parisiennes (Cardo, Recio, Drouant), je l’avais classé un peu arbitrairement parmi les surréalistes. Sans doute était-il trop jeune pour qu’André Breton l’ait, en son temps, ″enrégimenté″ comme d’autres, dans son équipe.
Comme Blake, Arcimboldo, Grandville, Goya et plus près de nous Max Ernst, Magritte, Dali (des meilleurs époques), Jean-Pierre Alaux va souvent chercher son inspiration dans les méandres de sa sub-conscience. Mais il est bien plus attiré que la plupart des disciples d’André Breton (auteur inoubliable du ″Manifeste″ par les problèmes techniques. Il n’a jamais, comme certains l’on fait, méprisé ″ce vieux calotin de Cézanne″ ou franchement ″rigolé″ (c’est le mot) des trois pommes que l’Aixois posait sur une assiette pour en faire d’ailleurs un chef-d’œuvre.
J’ai donc voulu mieux connaître Jean-Pierre Alaux : en chair, en os et en esprit et il m’est apparu sous ce triple aspect lors de notre récente rencontre dans son atelier de l’avenue Junot. Il a 46 ans. C’est un homme bien installé dans le siècle. Sportif, il pratique le ski et la voile et quand je suis arrivé, il étalait par terre dans son atelier ″un spinaker″ afin d’y peindre un énorme gorgone ! Son visage expressif varie suivant le sujet de l’entretien. Ses goûts en littérature sont plutôt orientés vers les essais philosophiques ou scientifiques et peuvent aller de Jung et Teilhard de Chardin à Jacques Monod en passant par Barjavel. Il lisait ce jour-là le Journal de Michel Ciry, ce peintre assez cruel pour son époque (Le Temps du refus).
En peinture, ses goûts, très divers, vont de Piero della Francesca, Paolo Ucello (dans ses batailles), Jérôme Bosch, Rembrandt, Vermerre, à l’Ecole impressionniste et plus près de nous certaines toiles de Braque, Paul Klee, Picasso, Ernst pour n’en citer que quelques-uns, sans oublier les surréalistes autrichiens, dont Fuchs est le chef de file.
Beaucoup moins éclectique en musique, Bach est son Dieu. L’histoire des Alaux pourrait faire l’objet d’un livre. Commencée au XVIIIe siècle, 7 générations de peintres et d’architectes se sont succédées. Une autre branche s’est consacrée à la littérature et l’enseignement (latin, grec, langues vivantes, philosophie) et l’un de ses plus brillants représentant fut, au siècle dernier, l’écrivain Emile Alaux, docteur ès lettres qui, professeur de philosophie, eut Bergson pour élève.
Cette histoire se poursuivra sans doute puisque Sophie, la fille de l’artiste, actuellement en classe de philosophie expose depuis trois ans au Salon d’Automne et que son fils Christophe envisage l’architecture.
En 1783, un premier Jean-Pierre Alaux inventa le ″néorama″ (procédé circulaire donnant l’illusion de la vie dans un panorama) et ses toiles furent retrouvées dans les réserves du Louvre par André Malraux durant son règne aux Affaires culturelles. Il reproduisit ainsi une partie de l’Abbaye de Westminster et Saint-Pierre de Rome. Véritable Vasarely avant la lettre, il eût intéressé le Président et Madame Pompidou particulièrement attachés à l’art cinétique. Il termina sa vie dans la culture des roses et en obtint les premiers mariages.
Ce ne sont pas les murs de l’Elysée que décora Jean Alaux, Prix de Rome, directeur de la Villa Médicis, Membre de l’Institut, mais entre autres : la coupole du Sénat, plusieurs plafonds du Louvre, la salle des Etats Généraux de Versailles, etc. Il connut Delacroix et fut l’ami d’Ingres qu’il peignit avec son épouse dans son atelier (toile au Musée de Montauban) et c’est sans doute pour le remercier que l’auteur de ″La Source″ fit de lui plusieurs dessins.
François Alaux, mort en 1952 et père de notre peintre, fut l’élève de Bonnat, Condisciple et ami de Dufy et Friez (qui fit son portrait), il fut aussi professeur de dessin et donna d’utiles conseils à son fils, ce que firent aussi son oncle Jean-Paul Alaux, architecte et écrivain, Membre de l’Académie de Bordeaux, mort en 1955, et son grand cousin Gustave Alaux, peintre de la Marine et Membre de l’Académie de Marine, mort en 1965.
Né en 1925 à La Ciotat, c’est le plus naturellement du monde, que Jean-Pierre Alaux s’inscrivit en 1943 à l’Ecole nationale des Beaux-Arts de Paris, dans l’atelier de Jean Dupas, dont il appréciait la noblesse de pensée. A la libération, les trains faisant défaut et les vacances d’été étant terminées, il confectionne une bicyclette avec les carcasses de deux autres afin de regagner Paris. Il réutilise ensuite ce moyen de locomotion et fait plusieurs voyages en France avant de parcourir l’Italie avec son camarade d’atelier, le peintre Frédéric Vidalens. En 1945, avant la réouverture de la Tour Eiffel au public, par une nuit sans lune et un peu folle, il fait avec deux camarades d’atelier, l’ascension de celle-ci par les poutrelles extérieures, ayant très peur non de tomber, mais de se faire surprendre par la maréchaussée. En 1949 et 1950, libéré de l’école, il obtient plusieurs prix (affiches, peinture) et j’ai encore dans l’esprit l’amusante affiche choisie par les commerçants du Faubourg Saint-Honoré, ayant pour thème les Fables de La Fontaine et dans laquelle des masques étranges d’animaux affublaient ses personnages, montrant déjà son goût pour la fantaisie.
Dans une toile que j’ai vue chez lui : une porte ouverte sur un couloir plein de silence, il y a déjà presque autant de mystère que dans ses compositions ultérieures, et je songe par exemple à cette jeune fille adossée à un essieu, entre deux roues, faisant sans doute allusion à la vie et qui a un caractère presque envoûtant.
A mesure que l’art de Jean-Pierre Alaux multiplie les métamorphoses, sa technique devient de plus en plus attachante. Il lui arrive d’intégrer à sa pâte de beaux morceaux de tapisserie, très chaleureux, qui s’harmonisent parfaitement avec ses visages féminins délicatement traités. Ces apports imprévus, féeriques, impeccablement marouflés ne connaîtront pas les mésaventures de certains collages utilisés par d’autres et qui risquent de ne pas résister à l’épreuve du temps.
Quand il a commencé à pratiquer ce qu’il appelle des ″frottages″, Jean-Pierre Alaux ignorait que longtemps avant lui, Max Ernst avait donné le même nom aux formes très curieuses obtenues en appliquant une feuille de papier sur une table de café dont les marbrures jaillissaient, se transformaient, tandis que le grand artiste promenait doucement un crayon sur toute l’étendue de la page blanche.
Jean-Pierre Alaux lui aussi use au maximum de ces effets prodigieux du hasard qui font parfois songer à ces surprises du feu obtenues par le céramiste quand les émaux parviennent à un certain degré de cuisson. Enrichissant de plus en plus sa surface colorée, il donne un rôle important aux empruntes les plus diverses pour accentuer encore le caractère chimérique de ses compositions. Il n’est pas possible qu’une phrase merveilleuse de Vinci ne l’ait impressionnée : « Regardez les taches d’un mur et vous y verrez des batailles ». C’est quelque chose de ces batailles-là que l’on retrouve dans la création de Jean-Pierre Alaux.
Il mène un grand combat. Appliquant fortement sur la matière picturale fraîche divers éléments : veines de bois, feuilles, dentelles, papiers chiffonnés ou non, vieilles tapisseries, etc., les empruntes seront ensuite interprétées comme un test de Rorschach. Ces hasards bien que dirigés amènent l’artiste à des compositions totalement imprévisibles.
Je sais que beaucoup, émus par la précision des images de Jean-Pierre Alaux voient en lui un peintre essentiellement figuratif. A la vérité, n’est-il pas aussi un abstrait, quand rentrant dans son atelier l’esprit encore envahi par toutes les sensations de la journée, il lui arrive d’installer une toile sur son chevalet, puis partant d’une simple tache colorée qui peu à peu s’organise, grandit, s’enrichit de toutes les techniques dont nous avons parlé, il aboutit à la fixation de ″ce rêve toujours rêvé″ dont parle Baudelaire dans un de ses ″tableaux parisiens″.
Je tiens à mettre l’accent sur quelques toiles récentes où l’on rencontre à la foi l’étrangeté et la netteté plastique.
Pour celle intitulée ″Le Trio″, parti d’un panneau de contreplaqué (gardé 10 ans) animé de trois veines principales, le choc est venu en écoutant salle Pleyel le Trio Fontanarosa. Il a utilisé le rythme de ces veines pour transposer un autre rythme, celui des accords sonores ; le caractère volontairement nébuleux qu’il a donné à cette œuvre n’est ici que la traduction d’une sensation supraterrestre, ses personnages devenant eux-mêmes des ondes musicales.
Dans ″Variation ou le Fauteuil Musicien″, toile très différente, un personnage dont l’apparence humaine n’est indiquée que par la tête, les bras et les mains, joue du violoncelle, et nous voici de nouveau dans l’atmosphère où Jean-Pierre Alaux mêle si souvent la réalité et le rêve : au loin par une fenêtre largement ouverte, on aperçoit la mer et le ciel dont les bleus s’harmonisent et une curieuse créature mi-femme mi-poisson volant qui semble fuir la marée montante.
Un autre tableau ″Mourir, Dormir, Rêver peut-être…″ (titre emprunté à Hamlet) anime la nature de symboles ésotériques. Entre un sol rosi par le soleil couchant et la mer au lointain presque noire, un cheval licorne gris-vert semble soutenu dans l’air par un grand oiseau noir. Est-il symbole de mort ? C’est probable mais il porte dans ses flancs une femme dont le beau corps laisse voir la présence d’un enfant ; les rochers de ce fantastique univers sont ceux de la forêt de Fontainebleau. On retrouve la même parfaite harmonie de clair et de sombre dans ″Le Cheval de Feu″.
Mais oubliant un instant toutes les femmes rêvant sur des plages ou se promenant parmi les nuages, Jean-Pierre Alaux dans une toile intitulée ″Les Tournesols″ prouve qu’un peintre de notre époque quand il revient sur terre, peut représenter un visage féminin poétique et charmant.
Lui le peintre, a dépassé l’étrange ″rase-mottes″ que décrivit Gœthe bien avant l’apparition des avions : « Oh que n’ai-je des ailes pour m’enlever du sol et le poursuivre sans cesse en sa course, je verrais dans le rayonnement du soir, éternellement, le monde silencieux étalé à mes pieds », et il fonce dans les rues dont les tons nous enchantent.
L’art de ce grand imaginatif n’est jamais malsain. S’il lui arrive parfois de pressentir l’angoisse, il nous invite le plus souvent à partager sa confiance en la vie.
René BAROTTE – Médica – Avril 1972
Sous le titre, Hommage au Baroque, Jean-Pierre Alaux expose, Galerie Drouant, ses plus récentes compositions. Grand prix des Peintres Témoins de leur Temps 1974, Alaux est trop connu des milieux artistiques parisiens pour que nous insistions sur sa personnalité pleine d’attraits. Quand à sa peinture, dont nous avons souvent dit les qualités de dessin, d’harmonie, de touche et de couleurs, elle reste belle et mystérieuse à souhait. Baroque, certes, mais aussi étrange, fantastique, parfois surréaliste, toujours envoûtante pour le spectateur intéressé. Il y a quelque chose de magique dans cet art qui, avec des moyens apparemment très simples, ouvre sur un autre monde, où le rêve se mêle au mythe, la philosophie à la religion, l’espoir au désespoir. Un monde qu’il faut pourtant aborder sans vertige, avec le gentil sourire de son créateur. Alaux chez Drouant, une exposition à ne pas manquer.
J.-M. LANNEGRAND d’AUGIMONT – Regain – Mai 1974
J.-P. Alaux a qui a été attribué en début d’année, le Grand Prix des Peintres Témoins de leur Temps, a réuni, Galerie Drouant, un très bel ensemble d’œuvres récentes.
Ce peintre de l’imaginaire a aussi le sens de l’humour (son ″Janus″ et son ″Je pèse mes mots″ en constituent deux bons exemples). L’ésotérisme, le rêve, le symbolisme se mêlent étroitement à la réalité tangible : un corps, un paysage, mais partout en filigrane on peut lire une certaine angoisse. Présente-t-il une Licorne, elle est en arrêt devant un paysage minéral figé mais en feu. L’Homme peut avoir le visage lamellé ou ce peut être un ″chevalier à la rose″ des temps modernes et les flammes sont toujours proches. Quant à la femme dans sa beauté épanouie, elle est souvent enchevêtrée avec le masque de la mort. La Femme, le Temps et le Labyrinthe, 3 thèmes qu’il illustre. La Femme au voile transparent, à l’escalier en spirale, au siège antique, semble être la Vestale d’une époque oubliée. Mais les animaux fabuleux mi-chèvre, mi-poisson, ailés ou aquatiques, se mêlent étroitement aux rêves des personnages ; ils sont même quelquefois si mêlés au biotope qu’ils paraissent se confondre avec la forme des vagues végétales, humaines ou aqueuses grâce auxquelles le peintre rythme ses compositions.
On verra avec intérêt cette très belle exposition qui est celle d’un peintre maître de sa technique et doué d’une imagination où le fantastique le dispute au rêve et à la poésie.
Bertrand DUPLESSIS – L’Information Dentaire – 25 mai 1974
Jean-Pierre Alaux. Galerie Drouant.
″Hommage au Baroque″, sous ce signe, une magnifique exposition, magnifique par le fond et par la forme se présente.
Grand Prix des Peintres Témoins de leur Temps 1974, Jean-Pierre Alaux ne passe jamais inaperçu lors de ses expositions aux grands Salons officiels.
Arabesque, ligne contournée, même ses paysages s’architecturent. Les plans sont d’un maître très sûr de son travail. La palette ? Jean-Pierre Alaux l’emploie en magicien de la lumière.
Une grande toile : Fôret de Fontainebleau : la carrière dont le sable sert à la fabrication des verres de Venise ; sujet réellement prenant : la couleur du sable, le matériau lui-même au-delà, comme une ceinture d’arbres verts, et surtout cette lumière impondérable émergeant de la carrière, en en recevant de l’espace ; cette œuvre est une belle réussite de composition, merveilleux décor naturel, bravo !
Nous avons regardé longuement, longtemps, la plupart des motifs. ″
Le Dernier Sommeil″
, un vieillard allongé, yeux clos (quel beau faciès empreint de sérénité !). Assise à ses côtés, une jeune femme, dont la joue est tout proche d’un crâne, orbites vides, maxillaires s’entrouvrant comme pour laisser passer un son. Une draperie de couleur grise enferme dans ses plis le corps du vieillard, puis s’enroule autour du buste de la belle jeune femme, vue de profil. En retrait, en haut et à droite, un homme en gris, méditatif regarde la scène. Motif extrêmement intéressant : avec quelle science du dessin, de la composition et de la palette J.-P. Alaux l’a traité.
L’élaboration de ce genre de sujet, demande une intelligence particulière de la part d’un artiste ; J.-P. Alaux la projette cette intelligence, du plus profond de lui-même jusqu’en ces questions que sont beaucoup de ses sujets. Questions qui pourraient se résumer, croyons-nous, en une seule.
Citons également ″Le Labyrinthe″, ″L’Escalier″, ″Le Feu″ seraient à décrire tant pour la merveille du dessin, de la couleur et surtout pour ce qu’ils apportent, visuellement, métaphysiquement, pour ne pas dire spirituellement.
Peut-être reverrons-nous cette exposition.
Le Papetier Libraire – N° 431 – Juin 1974
JEAN-PIERRE ALAUX PEINTRE DE L’IMAGINAIRE.
Un artiste doit toujours se méfier des étiquettes qu’on lui attribue quelquefois à la légère. Celle qui a été ″collée″ sur le nom de Jean-Pierre Alaux fait de lui un Surréaliste. Il s’en défend et il a raison car il ne faut pas oublier que les Surréalistes ont d’abord été fondés par des écrivains et des poètes et non par des peintres. Peu à peu, le mouvement s’est étendu, mais toujours ont cohabité de véritables peintres et des artistes dont les œuvres étaient surtout faites de collages et d’adjonctions de matériaux divers qui, aussi habiles qu’ils aient pu être, ne sauraient, pour l’amateur, être confondus avec une véritable toile.
Mieux vaut dire que J.-P. Alaux est un peintre de l’imaginaire. Certes, il utilise le Symbolique et nombre de ses compositions sont oniriques. Aux Surréalistes, il lui arrive d’emprunter le recours à des morceaux de tapisserie, de dentelle ; de confier aux veines naturelles d’un panneau de bois le soin de compléter sa vision, mais toujours chez Alaux, l’œuvre issue de ses recherches est œuvre de peintre. Dans un tel domaine, la critique est subtile parce qu’on est obligé de convenir que l’artiste est tout à la fois un poète, un visionnaire et un peintre. Il peut décrire un songe, mais c’est en rêveur éveillé qu’il le fixe en posant solidement son regard sur les objets et les éléments qui nous entourent, sur les spectacles qui meublent successivement notre esprit et qui, au hasard heureux d’une juxtaposition d’images se trouvent rassemblés pour charmer notre œil et enflammer notre imagination.
Tour à tour, J.-P. Alaux se joue du monde ou s’en angoisse. Troque l’illusion d’un ordre établi contre le vertige d’une scène qui se répercute à l’infini, bouleversant nos habitudes de voir et proposant dans un désordre apparent une redistribution des êtres et des choses. L’insolite des compositions n’exclue pas la beauté plastique. Des jeunes femmes énigmatiques, à travers le filtre parfois troublant d’un réseau de dentelle montrent leur corps fuselé moins pour solliciter le désir que pour donner forme à l’indéfinissable. La vie anime ces silhouettes gracieuses et la lumière que l’artiste projette sur elles les nimbes d’une clarté singulière qui les rend intemporelles. On a le sentiment que si on pouvait toucher ces corps, ils se dissoudraient instantanément ; que la toile, tel un brouillard, se déchirerait et ouvrirait sur un néant aussi léger qu’insondable…
Jean-Pierre Alaux invite à ouvrir les yeux non pas ceux que nous avons l’habitude de poser sur tout ce qui nous entoure, mais ceux qui nous convient à un spectacle qui est peut-être en dehors de nous et que, par le sortilège de la peinture, nous trouvons projeté sur la toile. Ainsi naît une connivence entre nos aspirations secrètes et les ombres ou les lumières qui y sont fixées. En n’obligeant pas l’amateur à limiter sa vision à l’œuvre proposée, mais en l’engageant à y ajouter une partie de lui-même, fut-elle secrète, Alaux a peut-être trouvé une dimension nouvelle à la peinture de chevalet.
Il nous laisse maîtres de nos tempêtes mais aussi de nos accalmies. On citera, l’évoquant, les noms de Magritte, de Delvaux, de Delville. On pourrait tout aussi bien y ajouter celui de Dali. C’est une lignée qui n’a pas fini de nous étonner et dans laquelle, soyons-en sûrs, le nom de Jean-Pierre Alaux, peintre neuf venu du passé, comme le désigne excellemment J. Chabanon, saura se faire une place de choix.
Connaissance des Hommes – Novembre 1973
Jean-Pierre Alaux – Galerie Drouant.
Depuis sa dernière exposition particulière, il y a 5 ans, Jean-Pierre Alaux s’est régulièrement manifesté dans divers Salons dont le plus récent lui a d’ailleurs valu le Grand Prix des Peintres Témoins de leur Temps et j’avoue que chacune de ses toiles m’inspirait la même réflexion : « Pour dépenser tant d’imagination et tant de travail minutieux sur une seule composition, cet artiste ne doit pas en produire beaucoup ». Voici le démenti : quelques dizaines de tableaux en ″
Hommage au Baroque″, tout aussi séduisants par la facture, aussi fascinants pour l’esprit que les œuvres de prestige que nous connaissions déjà. J.-P. Alaux est décidément l’un de nos premiers peintres surréalistes et l’un des très rares dont l’instinct poétique soit axé sur la beauté pure plutôt que sur la morbidité.
Maurice TASSARD – Carrefour – 23 Mai 1974
Voici J.-P. Alaux à Knokke à la Galerie Dandoy, où l’on redécouvrira avec beaucoup de plaisir son univers de rêve éveillé, ses angéliques visages de femmes, ses inventions poétiques toujours renouvelées et ce beau métier qui ne cesse de surprendre et de séduire. Dans un climat mystérieux, où passe un souffle d’érotisme et de sacré, l’artiste nous offre de belles mises en scène qui font songer à quelque rituel secret. Y abondent objets insolites et animaux surprenants, thèmes symboliques et métamorphoses. Mais toujours les difficultés audacieuses sont surmontées avec éclat et la couleur pleine d’audace et de surprise. C’est là un art à la fois réaliste et magique.
Echo de la Bourse – Bruxelles 4 Avril 1975
Jean-Pierre Alaux a trouvé son style depuis longtemps en prenant pour motifs les Signes du Zodiac, les femmes-oiseaux, les centaures et les sphinx, entourés de voiles transparents, de fleurs et d’objets insolites. Dans cet ″Hommage au Baroque″ le vocabulaire de J.-P. Alaux s’est encore enrichi.
Le Figaro – 15 Mai 1974
Il apparaît à l’évidence que la peinture de Jean-Pierre Alaux est placée sous le signe de l’imagination, de l’étrange, du baroque et du rêve, voir du cauchemar. Il n’est pas une toile dans laquelle n’apparaissent des phantasmes ou de l’insolite. J.-P. Alaux possède un métier étourdissant et dessine remarquablement. Il sauve son coup de pinceau parfois académique par l’obligation qu’a le spectateur de rêver et de réfléchir ce qui lui apporte une évasion solitaire. Une exposition qu’il ne faut pas manquer.
B. SAINT-AIGNAN – L’Amateur d’Art – 23 Mai 1974
Animé par une imagination débordante, le thème de sa nouvelle exposition est un ″Hommage au Baroque″, sujet qui convient parfaitement à son style. En des recherches d’une incroyable faculté d’invention, Jean-Pierre Alaux va, sur ces deux pôles opposés, la vie et la mort, broder d’incroyables motifs allégoriques ce qui lui permet de traduire des images irréelles ou d’un extraordinaire réalisme. Jeu fascinant, sur des notes tantôt gaies, tantôt graves quand il s’approche des rivages du Styx, terme inévitable de la vie.
Le Nouveau Génie Médical – Juin 1974
… Son pinceau, fin comme celui des Maîtres japonais, transforme les objets, les légendes, les idées au gré d’une inspiration aussi proche du figuratif que du surréalisme. C’est pourquoi il est si difficile de classer Jean-Pierre Alaux dans le grand livre des peintres. Sautant de la réalité au rêve, il affirme un peu plus chaque année, son succès dans les grandes Galeries d’Europe et d’Amérique.
Télé 7 Jours – Décembre 1974
Les deux grandes palmes reviennent incontestablement à Jean-Pierre Alaux (son immense toile ″Contre-point à Marée Basse″ est un chef-d’œuvre imposant de poésie surréaliste) et à Jean Carzou. Salon d’Automne 1977.
Henri HERAUT – Les Cahiers de la Peinture – N° 59 – Octobre-Novembre 1977
Il nous faut retourner au fond du Salon (Salon d’Automne 1977), il le faut absolument. Jean-Pierre Alaux y déploie tout son talent, son intelligence. Un grand moment de l’Automne. (Toile : Contre-Point à Marée Basse).
Jean CHABANON – Le Peintre – Novembre 1977
Le peintre français Jean-Pierre Alaux compte beaucoup d’amis en Belgique depuis sa première exposition chez Brachot en 1969. Toujours à la recherche de nouveaux thèmes pour nourrir une inspiration résolument fantastique et poétique, l’artiste n’a cessé de cueillir des lauriers flatteurs dont le moindre ne fut pas son grand Prix des ″Peintres Témoins de leur Temps″. Voici à nouveau Jean-Pierre Alaux à la Galerie Dandoy à Knokke à laquelle il a réservé l’exclusivité de la présentation de ses œuvres. On retrouvera donc là son univers de rêve éveillé, ses visages angéliques et sereins de jeunes femmes tantôt drapées (une sphère armillaire à la main), tantôt se faufilant parmi les tournesols. Double et constante invention qui mêle avec infiniment d’élégance les décors de la nature et les accessoires d’une sorte de sorcellerie poétique. Surprenantes métamorphoses, thèmes symboliques, ésotérisme latent, ambiance à la fois érotique et sacrée, tout chez l’artiste contribue au dépaysement et à l’enchantement par la vertu d’un réalisme magique qui n’appartient qu’à lui seul.
Stéphane REY – L’Echo de la Bourse – Bruxelles Mai 1978
La qualité peut s’allier à la renommée. Jean-Pierre Alaux, invité d’honneur du Salon de Bollène auquel il participe depuis plusieurs années, a su sélectionner des toiles remarquables qui donnent une idée de son talent.
Ces tableaux de grand format témoignent d’une peinture surréaliste qui n’exclut pas un certain romantisme, un romantisme que l’on doit peut être à leur poésie étrange (comme le veut le surréalisme) empreinte d’une extrême tristesse. Une peinture profonde qui a des sources au tréfonds de l’esprit et plonge ses racines dans l’âme de ceux qui la contemplent. A ce propos on a parlé de fresques lors du vernissage et en fait le terme est vrai. Les œuvres de J.-P. Alaux sont de vastes fresques animées d’un souffle peu commun qui nous livre par pans entiers l’image précise de l’homme d’aujourd’hui. Notre image, celle de la société où nous vivons.
Pour cela toutes les techniques lui sont bonnes. Il emprunte à la matière et au collage en n’hésitant pas à incorporer un tissu à l’une de ses toiles. Il est aux portes de l’hyperréalisme et le voilà qui retrouve la palette des grands paysagistes du XVIIIe siècle et pourtant une toile de J.-P. Alaux se reconnaît entre toutes. L’artiste n’a pas fait un tableau qu’il recopie indéfiniment comme beaucoup de ses contemporains. Il innove sans cesse. Il cherche et il trouve. Mais toujours un même génie guide son inspiration et marque ses œuvres. N’est ce pas le propre d’un grand artiste ; de l’un de ceux qui traversent les siècles car leur œuvre, comme celle-là, s’appuie sur des vérités immuables, celles qui sont l’essence même des êtres et de leur civilisation.
Trop souvent la province qui convie un artiste en renom à l’une de ses manifestations culturelles, reçoit des œuvres bien moyennes quand ce ne sont pas des fonds d’atelier. Avec J.-P. Alaux rien de tout cela, bien au contraire, qu’il en soit profondément remercié car ce respect du public est aussi l’un des traits du caractère d’un grand artiste.
H.LECLERE – Sud Ouest – Décembre 1978
(Salon de Bollène)
UNE EXPOSITION A L’ECOLE POLYTECHNIQUE : JEAN-PIERRE ALAUX
René Huygue écrit dans l’introduction à son livre ″La Puissance de l’Image″ : L’Homme de tous les temps s’est intéressé à l’Art. S’il n’est pas d’exception à cette règle, il est juste d’ajouter qu’aucune époque ne lui a porté une passion comparable à la nôtre ; la peinture, en particulier, celle du passé comme celle du présent, est devenue pour nos contemporains une sorte d’obsession.
Persuadé de cette vérité, l’Ecole Polytechnique, depuis plusieurs années, propose à ″l’obsession de ses élèves″ des expositions ayant trait aux diverses expression de l’Art actuel. Cette fois il s’agit du peintre J.-P. Alaux dont l’œuvre, bien qu’extrêmement personnelle, se situe dans le grand courant surréaliste.
Si le surréalisme en poésie et en littérature a été et est encore une fantastique odyssée, il s’avère que dans le domaine des arts plastiques l’aventure est quelque peu différente. Les peintres surréalistes, (bien entendu il y a de grandes exceptions qui confirment la règle) plus soucieux d’imaginer et de reproduire leurs phantasmes que de ″les peindre″ laissent souvent des œuvres d’une technique pauvre, lisse où les saveurs de la matière et les richesses du métier n’existent guère.
Il n’en est pas ainsi pour J.-P. Alaux qui tente et qui y réussit souvent, de réaliser cette fusion entre l’idée, la forme et l’expression. Il retrouve, au travers d’une extrême imagination, d’une poétique souvent rare, le beau métier de la peinture. Son dessin a la rigueur des Primitifs et parfois leur amour. Je pense à ce tableau intitulé ″Le Labyrinthe″ dont tous les visages sont autant de portraits émouvants mais dont la surréalité nous apparaît peut-être à cause de cet élément inattendu, cette riche étoffe marouflée sur la toile. Voilà le brusque changement qui par contraste va donner à l’Œuvre son accord et son mystère. La ″Carrière de Sable dans la forêt de Fontainebleau″ illustre bien aussi cette réalité transcendée. L’Artiste peint cette carrière et le paysage qui l’accompagne avec un souci de perfection technique. Il nous indique aussi, par d’étranges signes, qui sont en réalité les Armes de Venise, la destination du sable extrait de cette carrière (fabrication de la pâte de verre) mais la surréalité vient ici de ce nouvel accord parfait, mais toujours imprévu entre les éléments convergents et divergents, entre l’équilibre de l’objet et du sujet.
On pourrait chez J.-P. Alaux multiplier les exemples et trouver dans chacune de ses œuvres le secret de leur réussite. Qu’il traite le visage, le nu, le paysage, ou les objets inanimés, il les pare d’une poésie étrange, d’un charme particulier, mais surtout il les assemble, il les organise, il les différencie dans l’unité, en vue de la finalité de l’œuvre.
Avec ces quelques vingt tableaux qui composent son exposition, J.-P. Alaux nous propose également de nombreuses lithographies. Dans ces petites pages, là encore, la précision de la technique fait merveille comme dans les grands œuvres, mais, tenant compte du format, il impose sa vision, tout en nous laissant le plaisir de la découverte sous-jacente.
Il n’est pas facile à un artiste, s’il n’a pas une longue expérience de son art, de pouvoir nous mettre en contact de deux mondes, celui de l’extérieur, précis, réel, tel que nos yeux qui regardent par habitude sont accoutumés à le voir, et l’autre, celui de l’intérieur, de l’envers des choses, de leur prolongement, beaucoup plus vaste, beaucoup plus sensible, le monde de l’âme.
J.-P. Alaux y réussit et miraculeusement nous offre une vision unique de cette dualité qui nous obsède.
Yves TREVEDY, Peintre et Directeur du Département des Arts Plastiques à l’Ecole Polytechnique.
La Jaune et la Rouge – N° 337 – Janvier 1979
© Jean-Pierre Alaux. Achevé d’imprimer sur les presses de l’Imprimerie Poirot, 91700 Ste-Geneviève-des-Bois.