Nos artistes

 

 

 

Jean ALAUX, dit Le Romain (1785-1864)

 

Portrait de Jean Alaux dit le Romain par Ingres (Rome 1818). Mine de plomb 19 x 15

Portrait de Jean Alaux dit le Romain vers 1853 (Lithographie de Lafosse, 1867)

 

Il est tout d’abord l’élève de son père qui lui apprend à brosser un décor, le maniement des pinceaux et tous les travaux d’un atelier y compris les éclairages nécessaires aux décors.

 

Elève de Lacour père, aux Beaux-Arts de Bordeaux, il entre en 1807 à Paris dans l’atelier de François-André Vincent. Il y est admis en même temps qu’Horace Vernet qui deviendra et restera son ami toute sa vie. C’est dans l’atelier de pierre Guérin qu’il rencontre Eugène Delacroix et obtient le Premier Grand Prix de Rome en 1815 avec ″Briséis pleurant le corps de Patroce dans la tente d’Achille″. Pensionnaire de la Villa Médicis de 1816 à 1821, son premier envoi ″Cadmus combattant le dragon″ est acquis par le duc d’Orléans, futur Louis-Philippe, pour sa galerie du Palais Royal.

A son arrivée à Rome, il s’est lié d’amitié avec Ingres qui fera de lui deux portraits à la mine de plomb, en 1818. Jean Alaux, la même année fait le portrait d’Ingres dans son atelier de la via Gregoriana. C’est actuellement sa toile la plus connue. Il y représente Ingres son violon à la main, Madame Ingres au premier plan. Ils resteront amis toute leur vie. Tout comme il restera jusqu’à sa mort, l’ami des membres de la ″Société Cipollésienne″, créée en 1812 par un group de peintres, sculpteurs, architectes, musiciens et graveurs, élèves de l’Académie de France à Rome, et où il fut admis en 1821.

 

Il va être un des peintres officiels de la restauration, de la Monarchie de Juillet et du début du Second Empire, ayant des relations étroites avec toutes les institutions officielles : la Cour, l’Intendance des Beaux-Arts, la Direction des Musées Royaux et Impériaux.

 

Dès son retour de Rome, en 1821, le comte de Forbin propose au ministre de la Maison du Roi de passer commande au ″jeune artiste plein de mérite″ pour le Grand Trianon de Versailles. A la même époque il travaille pour son ami le baron Taylor, aide de camp du Roi, qui entreprend en collaboration avec Charles Nodier et Alphonse de Cailleux, secrétaire général des Musées Royaux, la publication des ″Voyages pittoresques et romantiques à travers l’ancienne France″. Il lui fournit 18 vues de différentes régions de France. Fragonard, Carle et Horace Vernet, Isabey, Géricault, Bonnington, Ingres, Viollet-le-Duc, Granet, pour ne citer que les plus connus, participent à cette œuvre collective.

 

Faisant face aux commandes reçues, il aide également volontiers son frère Jean-Pierre qui a besoin de lui pour les décors de son Théâtre du Panorama Dramatique. Grâce à leur père, il connaît bien le métier de décorateur. C’est vraisemblablement vers cette époque, qu’on l’appellera Jean Alaux le Romain pour les différenciés.

 

Pendant son deuxième séjour à Rome, de fin 1822 à mars 1824, il fera de très nombreux dessins, encres, lavis, scènes de la vie italienne qui sont à la mode et obtiennent un grand succès lui permettant de faire face à ses besoins financiers. Son frère Jean-Pierre est venu le rejoindre à Rome en 1824 après la faillite du théâtre.

 

Son dernier envoi à Rome (1820) sera exposé au Salon de 1824 qui sera son premier salon. C’est une ″Scène de combat des Centaures et des Lapithes″. Cette toile avait été appréciée par l’Académie des beaux-Arts et lui vaudra au Salon, ″Le Pendore″, médaille d’Or de 1ère classe. Cette toile sera achetée par la liste civile pour le Palais du Luxembourg et fut envoyée en 1867 au Musée Chéret de Nice (dépôt d’Etat) après avoir transitée dans les locaux de la Préfecture. Louée par les critiques du Salon de 1824, cette toile est considérée comme un chef-d’œuvre. Elle est probablement responsable de nombreuses et importantes commandes de la Maison du Toi que Jean Alaux reçoit à cette époque. A la suite du Salon on lui passe commande d’un tableau destiné au Conseil d’Etat, au Louvre : ″La Justice amène l’Abondance et l’Industrie sur la Terre″.

 

Charles X décide de se faire sacrer à Reims. Jean Alaux fait partie du voyage. Il assiste au sacre, le 29 mai 1825, et en profite pour exécuter le portrait du jeune Victor Hugo : une miniature sur ivoire où l’on voit Victor Hugo à 25 ans sur fond de Cathédrale de Reims (Musée Victor Hugo).

 

A la suite du salon de 1827, il reçoit la commande d’un plafond pour la galerie du Louvre. C’est sa plus importante commande : il en poursuivra l’exécution jusqu’en 1832, date à laquelle il signe son œuvre.

 

Louis-Philippe devenu roi en 1830 prendra Jean Alaux complètement à sa charge. De 1834, jusqu’à la fin de son règne, en 1848. C’est à cette époque qu’il peint des portraits historiques pour Versailles. Entreprend l’énorme travail que représente la restauration du Primatice. Peint la décoration de toute une suite de salles, la Galerie des Maréchaux, la Galerie Louis XIII et la Galerie de l’Empire. Exécute un plafond au château de saint-Cloud. Restaure des tableaux de la Galerie Espagnole de Louis-Philippe. Peint entièrement la Salle des Etats Généraux de Versailles. Fait les décors des châteaux d’Eu et de Bizy.

 

C’est en 1839 qu’il travaille aux décors des premières Salles des Marines pour le Musée du Roi. L’emplacement sera trois fois modifié. Passant du rez-de-chaussée du Pavillon du Roi, au deuxième étage dans l’aile du Midi pour, deux ans plus tard, déplacer ces quatre salles dans les cinq salles du Pavillon de Provence, au premier étage de l’aile du Midi. La plus grande partie des châssis des salles est à refaire à chaque transfert et c’est Jean qui est chargé de ce travail. C’est un travail de pure décoration qu’il accepte facilement. Chez son père d’abord, puis avec son frère, il a perfectionné sa technique et son répertoire d’éléments décoratifs et son séjour prolongé en Italie l’a familiarisé avec les décors antiques et les peintures décoratives de la Renaissance. Il tenait beaucoup à son titre de Peintre d’Histoire mais ne dédaignait pas la création de grands ensembles décoratifs. Il s’est toujours accommodé de ces deux activités et il ne montra jamais de dépit sur ce côté de son œuvre. L’aspect artisanal de cette création ne le gênait pas. Il sera de même toujours ravi d’être choisi comme restaurateur pour les fresques du Primatice, puis du Rosso à Fontainebleau. Le Roi, enchanté de ces restaurations, lui manifesta sa satisfaction par un nombre accru de commandes pour Versailles.

 

C’est vers 1836 que Louis-Philippe met à la disposition de Jean Alaux et de quelques autres peintres parmi ses favoris (Graner, Couder,…), au deuxième étage de la Cour Carrée du Louvre, un atelier séparé à peu près indépendant, où ils sont royalement chauffés. C’est dans cet atelier que seront peints les tableaux des Etats Généraux et les Batailles de Denain, Valenciennes et Villaciosa. Toiles de plus de 4 mètres de haut sur 5 de large. En 1837, la ville de Paris lui commande une peinture murale pour l’hémicycle de l’église Sainte Elisabeth, rue du Temple à Paris, ″L’Apothéose de Sainte Elisabeth en Hongrie″ (4,60 mètres de haut sur 7,80 de diamètre). Il ne la terminera que vers 1844. Ce sera la seule toile religieuse de Jean Alaux si l’on excepte le ″Baptême de Clovis″ (1825-1826, Musée de Saint-Denis à Reims). Mais le Roi ne le laisse pas longtemps travailler pour autrui. Il lui commande, le 14 mai 1841, une toile importante qui représentera ″Le baptême du comte de Paris dans l’église Notre-Dame de Paris, le 2 mai 1841″.

 

Les Galeries historiques de Versailles sont inaugurées le 10 juin 1837 par le Roi, accompagné de la Reine et de la Duchesse d’Orléans. Et Jean Alaux reçoit maints compliments des bouches les plus illustres. Le succès de ses trois tableaux des Etats Généraux (présentés au Salon de 1841) le fait distinguer pour une récompense importante : il est nommé officier de la Légion d’honneur le 22 juin 1841.

 

Après la mort de leur fille unique, Jean Alaux et sa femme repartiront pour Rome, début 1844. Mais le Roi le rappelle à Paris, fin 1844. Il s’était rendu à Londres à l’invitation de la reine Victoria et demande à Jean Alaux d’y aller à son tour pour fixer l’événement en faisant les études nécessaires. Il y restera quelques mois, le temps d’exécuter les portraits, à l’aquarelle et à la mine de plomb, de tous les dignitaires qu’avait reçu le Roi. Il recevra en 1845 la commande de cinq toiles relatant le premier voyage (1843) et le second (1845) de la reine Victoria en France. Toiles destinées à la galerie que le Roi fait construire au château d’Eu pour y placer les toiles qu’il commande aux meilleurs peintres. L’exécution de ces toiles l’occupe jusqu’en 1817 car il lui reste en même temps décorations et commandes à terminer.

 

C’est en 1846 qu’il est nommé directeur de la Villa Médicis à Rome où il ne prendra ses fonctions que fin avril, au lieu di 1er janvier 1847, du fait d’une maladie qui l’a retenu à Paris. Très attentif, il saura faire respecter les règlements mais prendra toujours la défense de ses élèves lorsqu’ils reçoivent des reproches de l’Académie des Beaux-Arts. Parmi ses pensionnaires on peut citer : Cabanel, Bouquereau, Clarence, Boulanger, Baudry, Charles Garnier, etc. Jean Alaux exerça son autorité avec discrétion et respect vis-à-vis des jeunes talents, veillant toujours sur eux et faisant preuve d’une modestie personnelle sincère. Les élèves pouvaient l(approcher à toute heure.

 

Dès février 1849, il doit faire face aux agitations politiques et cela commence par la Révolution de Février et la chute de son royal ami, Louis-Philippe. Il doit faire disparaître les insignes de la monarchie et les portraits et bustes du Roi. La situation en Italie devient précaire. Le conflit s’aggrave entre les partisans de Mazzini et le Pape Pie IX. La France prend position pour le Pape, mais en avril la situation s’aggrave dangereusement : l’armée française qui a débarqué à Civira Vecchia vient de battre Garibaldi. Jean Alaux demande à Mazzini la permission de sortir de Rome avec ses pensionnaires et la colonie française réfugiée à l’ambassade. Requête acceptée. Tout le monde part pour Florence. Ils rentreront le 12 juin et trouveront la Villa dans un piteux état. Le mobilier est en grande partie détruit. Mais la vie reprend son cours normal. Jean Alaux, aux dires de tous, s’est remarquablement tiré de l’affaire.

 

Avant la fin de son directorat, il fait installer la bibliothèque dans le salon d’honneur de la Villa. Il sera obligé, une nouvelle fois, en 1852, à la suite du Coup d’Etat du 2 décembre, de faire changer les inscriptions de la Villa. L’″Ecole française des beaux-arts de Rome″ deviendra l’″Académie impériale de France″. Jean Alaux fait réapparaître la dédicace de Napoléon Ier ainsi que son buste, qui lui vaudra certainement plus tard une certaine faveur auprès de Napoléon III.

 

Jean Alaux termine son directorat de la Villa Médicis en mai 1853. Il rentre directement à Paris. L’Académie des Beaux-Arts met à sa disposition un appartement dans ses propres bâtiments, au n° 1 de la rue de Seine, appartement que Delacroix quitte de son plein gré pour faire place aux Alaux.

 

Sa carrière artistique n’est pas terminée. Il a 68 ans et, en 1854, il est choisi pour exécuter la décoration de la grande coupole du Sénat dans la galerie appelée à l’époque ″du Trône″. Aujourd’hui ″Salle des Conférences″. Il est chargé de peindre une ″Glorification de Napoléon Ier″. Il y travaillera pendant quatre ans, jusqu’au début de 1858. En Août de la même année, il reçoit la première et dernière commande de la Maison de l’Empereur. Il est chargé par Achille Fould, ministre d’Etat de la Maison de l’Empereur, après décision de Napoléon III, de la restauration des fresques du Rosso, dans la Galerie François Ier, au château de Fontainebleau. Cette restauration déjà prévue par Louis-Philippe n’avait pu être menée à bien à cause des évènements de février 1848. La restauration se prolonge jusqu’en septembre 1862. Jean Alaux a fourni un travail considérable. Après cette dernière commande, il peut enfin mener la vie d’un tranquille bourgeois à la retraite, relisant les auteurs grecs qu’il aime (Eschyle, Sophocle, Euripide), qui lui inspirent des esquisses et des dessins, sujets antiques auxquels il revient. Orphée, l’opéra de Glück, lui inspirent plusieurs compositions. Il dessine sans arrêt, au jour le jour, et ses compositions, ″si elles avaient été conservées en ordre auraient pu être des mémoires intimes″ (Guillaume). Il assiste régulièrement aux scéances de l’Académie.

 

Atteint d’une maladie du sang qui le rendra muet à la fin de sa vie, il décide de vendre une partie de ses œuvres en vente publique (Hôtel Drouot, salle n° 7 – les 15 et 16 avril 1863. Maître Charles Pillet, commissaire priseur, et Francis Petit, expert). Il vend des esquisses de ses grandes compositions et surtout des paysages italiens, mais garde pour lui les œuvres de ses amis (dont on lui avait fait cadeau par amitié ou qu’il avait achetées à des hommes qui lui étaient chers). Et surtout deux portraits qu’Ingres avait faits de lui à Rome.

 

Il meurt dans son appartement de l’Institut. Il est enterré au cimetière Montmartre.

 

© J.P. ALAUX, dans ″La dynastie des Alaux″.

 

 

LISTE DES MUSÉES CONSERVANT DES ŒUVRES DE JEAN ALAUX

 

 

Musées des Beaux-Arts : Bordeaux - Besançon – Lille – Narbonne – Orléans – Paris (Louvre) – Pontoise – Quimper – Reims – Rouen – Semur-en-Auxois – Strasbourg – Château de Versailles.

 

Musées : Bonnat (Bayonne) – Château de Fontainebleau – Chéret (Nice) – Guildhall (Londres) – Helen Foresman Spencer Museum of Art (Lawrence, Kansas, USA) – Ingres (Montauban) – Louis-Philippe (Eu) – Magnin (Dijon) – Oprescu (Roumanie) – Palais du Luxembourg – Victor Hugo (Paris) – Villa Médicis (Rome) – Vivenel (Compiègne).

 

Louvre (Cabinet des Dessins) – Bibliothèque Nationale (Cabinet des Estampes) –

 

Ecole Nationale Supérieure des Beaux-Arts de Paris – Manufacture des Gobelins –

Musée de la céramique (Sèvres) –

Préfecture du Bas-Rhin (Strasbourg) – Eglise de Bèze (Côte d’Or) – Sainte Elisabeth (Paris).²